lundi 26 avril 2021

Repenser le courage et l'héroïsme (armure et entraînement)

Cet article part d'une remarque de Dominique Barthélémy dans sa monographie La Chevalerie (Fayard - Paris - 2007) à propos des poème carolingiens célébrant la gloire au combat de certains aristocrates. L'auteur faisait remarquer qu'il était bien plus facile de faire preuve de courage lorsque l'on est protégé par une armure qui vous garde de la plupart des coups. Cela m'a ainsi fait repenser la notion de courage et d'héroïsme dans beaucoup de récits et même probablement dans la réalité de toutes ces époques où l'armure protectrice est l'apanage d'une certaine classe sociale. C'est donc cette notion et son impact sur les scénarios d'escrime de spectacle que l'on peut proposer que je vous invite à examiner plus avant dans cet article.

Nota Bene :  Cet article formule une hypothèse qui mériterait d'être sérieusement étayée, il faut donc la prendre pour ce qu'elle est, une hypothèse et une éventuelle piste de recherches. De plus je balaye des étendues temporelles très vastes (plusieurs siècles voire millénaires) et je suis donc conduit à généraliser grossièrement et gommer des détails importants.

"Au milieu du champ de bataille chevauche le comte Roland,
"Sa Durendal au poing, qui bien tranche et bien taille,
"Et fait grande tuerie des Sarrasins.
"Ah ! si vous aviez vu Roland jeter un mort sur un autre mort,
"Et le sang tout clair inonder le sol...
"Tous les Français frappent, tous les Français massacrent.
"Et les païens de mourir......"

(Vers 1338-1342 et 1347, 1348.)
La Chanson de Roland, volume 1, de Léon Gautier 1872

Les époques de l'armure réservée aux élites

Tout d'abord il convient de savoir de quelles époques nous devons parler. Nous cherchons des époques où l'armure reste un apanage d'une frange relativement réduite de combattants de l'élite et où elle est efficace contre la majorité des armes utilisées sur les champs de bataille ou dans les embuscades.

La limite récente se situera probablement vers le milieu du XVIe siècle où la puissance des armes à feu commence à réduire l'importance de l'armure ou à obliger à en porter de plus lourdes, à l'épreuve du mousquet. C'est aussi entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle que les armures deviennent très fréquente dans la troupe, y compris dans les rangs des piquiers. Avec les manufactures on voit apparaître les armures dite "de munition" produites en masse et à la chaîne pour équiper des compagnies voire des régiments entiers. Cela coïncide d'ailleurs en grande partie avec la fin de la geste héroïque chevaleresque, Bayard (mort en 1524) en est un des derniers représentants.

On peut donc inclure l'essentiel du Moyen-Âge dans notre espace temporel en remontant jusqu'aux Caroligiens. C'est en effet à cette époque (VIIIe et IXe siècle) que se répandent les broignes d'acier et les casques ainsi que le cheval et les étriers. Ces armes équipent les aristocrates et riches propriétaires terriens mais également leurs suites armées. Ces corps sociaux ont ensuite plus ou moins fusionné pour donner la chevalerie tandis que les autres hommes libres qui composaient auparavant le gros des armées mérovingiennes se sont vus reléguer dans paysannerie, parfois même asservis. C'est une époque de chansons de geste où l'on célèbre les exploits des héros aristocrates de la Matière de France ou de Bretagne (Roland, Olivier, Ogier le Danois, Arthur, Gauvain, Lancelot).

Enluminure du Psautier de Stuttgart (1ère moitié du IXe siècle) illustrant le psaume 18 avec l'armement de son époque. On note le casque et la broigne du personnage principal.
© 2021 Zeutschel GmbH, Tübingen | Bildrechte: Württembergische Landesbibliothek

Les armées médiévales, à partir de l'époque caroligienne, comptent donc d'un côté une élite de cavaliers lourds, entraînés et armurés, et de l'autre des piétons souvent recrutés à la hâte, mal armés et mal protégés. Je passe les détails des évolutions tactiques qui ont pu voir, pendant la Guerre de Cent ans, la plupart des chevaliers combattre à pied en infanterie démontée et la montée de certains corps comme les archers et les arbalétriers. Néanmoins l'élite de ces armées restait toujours le combattant lourd, le plus souvent noble, bien entraîné et armé.

Avant les Caroligiens la plupart des guerriers étaient des fantassins faiblement protégés (un bouclier, parfois un casque et très exceptionnellement une armure). Quant à l'Antiquité romaine et grecque, elle nous présente essentiellement des armées dont l'ossature réside dans une infanterie lourde et cuirassée (légionnaires, phalangistes, hoplites). Néanmoins le nombre de ceux-ci, les tactiques, les mentalités, étaient peu propices à célébrer des héros invincibles. Il faut remonter à l'époque d'Homère (VIIIe siècle av. J.C.) pour voir des élites avec un armement lourd (déjà celui du futur hoplite) accompagnés de troupes légères. Pour ce que l'on en sait cela semble également être le cas de l'époque mycénienne (1550-1050 av. J-C) et cela colle bien avec l'époque des héros surhumains de l'Iliade et des légendes grecques (Achille, Hector etc.).

L'armure de Dendra, datée du XVe siècle av. J.C. est l'amure dépoque mycénienne la plus complète trouvée à ce jour. Si les héros de l'Iliade ont eu une existence c'est probablement une armure proche de celle-ci qu'ils ont portée.
Photo : Schuppi pour Wikimedia Commons

Élite contre piétaille : le combat inégal

Examinons donc ce qui faisait la supériorité de ces combattants d'élite face au gros des troupes auquel ils pouvaient être confrontés et qui pouvaient justifier des exploits héroïques.

Nous avons donc en premier lieu parlé de l'armure qui est probablement l'élément déterminant. Les armures sont évidemment différentes selon les périodes et, durant le Moyen-Âge, elles évoluent vers une protection de plus en plus importante. Néanmoins toutes les armures comportent des éléments commun comme, au minimum, une protection de tronc en métal et un casque. Ces éléments protègent des agressions les plus fréquentes sur le champ de bataille : les flèches et les lances qui viseront plus facilement le tronc et les coups de taille verticaux dirigés vers le crâne. De cette façon on se garde des coups les plus mortels et les plus fréquents. Ces éléments sont souvent complétés par d'autres armes défensives comme des protections d'épaule, de bras ou de jambes ou encore des boucliers d'autant plus petits que l'armure est couvrante. Les matériaux sont des plates de bronze pour l'Antiquité, des écailles ou des anneaux d'acier pour l'époque caroligienne et le Moyen-Âge central et des plates d'acier pour le Moyen-Âge tardif ou pour les casques. Ainsi protégé le combattant d'élite est difficile à blesser car il faut viser les défauts de son armure là où lui a juste à frapper son adversaire au torse ou à la tête non protégés ou mal protégés et qui sont des cibles bien plus faciles. En fait, au Moyen-Âge, les chevaliers meurent rarement à la guerre et sont le plus souvent capturés et rançonnés car il est difficile de les tuer et s'instaure entre gens du même monde certaines règles de modération de la violence. Si vous avez encore un doute sur l'efficacité des armes (parce que vous avez vu trop de films hollywoodiens) allez lire mon article qui en parle.

Chevalier du XIIIe siècle en haubert de mailles complet coiffé d'un grand heaume et renforcé d'un écu triangulaire, l'armure des aristocrates de l'époque les préservait de la plupart des coups. En plus de l'épée, le chevalier porte en général une lance.
Enluminure tirée du Beinecke MS.229 (romances arthuriennes)

On rajoutera un autre élément qui est d'ailleurs en partie la conséquence du premier et qui tient à l'entraînement et à la formation de ces combattants d'élite. Tout d'abord, étant plus riches que le moyenne ils sont probablement mieux nourris, avec moins de carences alimentaires et donc un peu mieux développés physiquement même si cela n'est pas forcément vrai ni même très concluant. Mais surtout ils s'entraînent physiquement. Les Grecs font des exercices athlétiques et on trouvé ça et là la trace d'entraînements de ce que nous nommerions "préparation physique" chez les chevaliers médiévaux comme par exemple celui qui consiste à monter une échelle barreau par barreau suspendu à la seule force des bras et lesté d'une chemise de mailles. En plus des exercices athlétiques on doit supposer un certain entraînement au combat et une mise en pratique dans les tournois de chevalerie (pour la bataille) et la chasse (pour la "petite guerre"). Outre son équipement supérieur le combattant d'élite est donc également probablement plus affûté physiquement et mieux entraîné aux armes. Si l'on ajoute une forte pression psychologique liée à l'honneur et au fait de ne pas passer pour un couard on arrive à un fossé entre le combattant d'élite lourd et le fantassin léger.

"Maintenant s’essayoit à saillir sur un coursier tout armé, puis autrefois couroit ou alloit longuement à pied, pour s’accoustumer à avoir longue haleine, et soufrir longuement travail. Autre fois ferissoit d’une coignée ou d’un mail grand piece, et longuement, pour bien se duire au harnois, et endurcir ses bras et ses mains à longuement ferir, et qu’ils s’accoustumast à legerement lever ses bras. (...)
Item, il montoit au revers d’une grande eschelle dressée contre un mur tout au plus hault, sans toucher des pieds, mais seulement sautant des deux mains ensemble d’eschellon en eschellon, armé d’une cotté d’acier ; et ostée la cotte, à une main sans plus, montoit plusieurs eschelons."

Extrait des Mémoires ou Livre des faits du bon messire Jean Le Maingre, dit Boucicaut, maréchal de France et gouverneur de Gennes, éd. M. Petitot, dans Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, depuis le règne de Philippe Auguste jusqu’au commencement du XVIIe siècle, t. VI, Paris, 1825, p. 390-391.
Cité par Émeline Baudet dans son Mémoire de Master de 2013 : Édition du Florius, de arte luctandi, BNF lat. 11269.

Ces éléments pris en compte il ne faut donc pas s'étonner d'imaginer un groupe de cavaliers (ou de chevaliers démontés pour la Guerre de Cent ans) d'élite charger et balayer un groupe de piétons légers plus nombreux mais mal armés et mal entraînés. Bien sûr les exploits de l'Iliade, des poèmes caroligiens ou des chansons de geste sont fortement exagérés mais on peut leur imaginer une part de vérité. Les flèches (déjà beaucoup moins précises que dans les films) ne percent pas les armures de ces combattants d'élite. Ils sont le plus souvent mobiles (quand ils sont montés), il est très difficile de les blesser (toujours en raison de leur armure). De plus ils sont entraînés aux armes, à combattre en groupe et conditionnés à ne pas s'enfuir au combat. Même un seul d'entre eux, entouré d'ennemis mal armés, sera difficile à abattre et peut créer des exploits. On comprend ainsi mieux ces histoires de héros que l'on raconte et où, finalement, les seuls adversaires dignes de ce nom sont d'autres guerriers d'élite pareillement armés.

La panoplie dite d'Argos, datée de la fin du VIIIe S. av. J.C. peut donner une idée des armures à l'époque d'Homère. Même si elle préfigure l'armure des hoplites des siècles suivants ce type d'armure n'était encore probablement que par des aristocrates.
Sur Wikimedia Commons

Traduire l'héroïsme en spectacle

Reste à voir comment on peut traduire cela en escrime de spectacle. En fait on doit constater que le scénario d'un héros ou d'un groupe de héros abattant des hordes d'ennemis les uns à la suite des autres est juste un grand classique du film d'action. Cependant le plus souvent ceux-ci esquivent toujours miraculeusement toutes les attaques ennemis et ne sont jamais touchés ou juste légèrement blessés. Si on observe bien on a souvent des ennemis dans le dos qui ne frappent pas alors qu'ils le devraient, juste pour préserver cette illusion. Paradoxe encore plus absurde, souvent ces héros ne portent pas d'armure quand leurs ennemis en ont et meurent au moindre coup !

Il convient donc d'inverser les choses : les héros portent des armures et leurs ennemis non. N'oublions pas qu'une cotte de mailles ou une armure bien conçue sur un combattant entraînée à la portée n'entrave pas tant que ça les mouvements. Pour vous en convaincre voyez ce que font les pratiquants de béhourd avec leurs armures de 15 à 20kg ! Donc les ennemis sont innombrables mais fragiles, sans armure ils sont blessés, souvent grièvement au moindre coup d'épée bien placé et leurs coups à eux sont très peu efficaces. On peut ainsi faire attaquer les ennemis dans le dos avec des attaques inefficaces qui peuvent juste un peu déstabiliser le héros voire donner l'impression qu'il subit une pluie de coups mais résiste par sa vaillance. Il faut évidemment briser un grand tabou de l'escrime artistique : il faut toucher !

Ce combat tiré de La Communauté de L'anneau réalisé par Peter Jackson (2001) est un classique du groupe de héros affrontant une horde d'ennemis innombrables. Logiquement les héros devraient porter plus d'armure et les orques aucune, ce qui rendrait plus réaliste l'action.

Notons tout de suite que d'un point de vue sécurité on est en fait pas mal, cela demande un minimum de précision de la part de l'attaquant mais en principe la précision c'est une de qualité de tout escrimeur de spectacle qui se respecte. On évitera évidemment de frapper aussi fort qu'un coup normal le ferait, il faut juste que ça s'entende un peu, surtout si c'est sur une armure de plates. Mais en vrai, un gambison sous une armure ordinaire ou une cotte de mailles permettront d'être tout à fait en sécurité sur des coups de taille. Les coups d'estoc seront un peu plus délicats à gérer mais au bon endroit ça peut aussi se faire.

Moyennant cela on aura bien notre (ou nos) héros invulnérable ou presque affrontant des hordes d'ennemis. Cet héroïsme de l'équipement et de l'entraînement est donc particulièrement adapté au combat de groupe déséquilibré. Le scénario classique est le héros qui se débarrasse de tous les sbires du grand méchant, lui aussi un guerrier d'élite armuré et entraîné, avant de l'affronter. C'est un peu ce que l'on voit dans l'Iliade, des héros armurés sur leurs chars qui massacrent les troupes ennemis avant de tomber sur un héros de l'autre camp et de l'affronter dans un duel épique où les dieux aiment également mettre leur grain de sel. On peut évidemment imaginer d'autres scénarios comme la mort du héros après s'être héroïquement défendu (la mort de Roland à Roncevaux) ou un chevalier en armure qui en vient à être en difficulté et est sauvé par son écuyer légèrement armé. Notons qu'historiquement, valets armés et écuyers suivaient souvent les chevaliers et capturaient leur ennemi quand il avait été jeté au sol et/ou sonné en leur mettant une dague sous la gorge.

 

Même si cette vidéo n'est pas la meilleure réalisation d'Adorea c'est l'une des seules à proposer un scénario d'un héros en armure affrontant une horde d'ennemis légèrement armés.

***

Voilà, l'objectif de cet article était de poser une réflexion, à la fois sur l'héroïsme des élites mais aussi sur ce qu'on pouvait imaginer avec les armes de certaines époques. Cette supériorité guerrière était probablement aussi une justification des inégalités sociales et une auto-congratulation des élites qui, protégés par leurs armures, pouvaient railler à peu de frais la couardise des paysans levés à la hâte, mal armés et mal entraînés. J'espère qu'il vous donnera des idées de scénarios à l'avenir. C'est une réflexion qui revient souvent chez moi mais je trouve généralement les armures très mal utilisées dans les combats chorégraphiés, au cinéma comme sur scène. Notons également que cette réflexion est également complètement appropriée pour des scénarios dans des monde de Fantasy d'autant qu'elle demandera moins de rigueur sur l'historicité des armures.


lundi 12 avril 2021

Tout enseignement d'escrime de spectacle doit mener à représenter un combat

Dans notre pratique, notre travail technique nous pouvons être amenés à oublier pourquoi nous pratiquons l'escrime de spectacle. Pourtant un moment ou un autre, nous avons voulu faire comme Zorro, Anne Bonny, d'Artagnan, Ivanhoé, Lagertha ou tout autre héros de cinéma ou de littérature. Et nous avons appris que c'était possible simplement en s'inscrivant dans un club ou une association et en travaillant sérieusement. Dans la plupart des cas c'est l'envie de montrer des combats dans un spectacle qui nous motive, ou du moins c'est la finalité de notre travail même si nous pouvons prendre autant voire plus de plaisir à les concevoir ou à les travailler qu'à les présenter. Cette motivation ne devrait jamais être oubliée, quelles que soient les circonstances d'enseignement et, même si il est important d'enseigner des techniques d'escrime et de jeu scénique armé (mais aussi de cascade, de théâtre et d'autres encore), il ne faut pas perdre de vue cet objectif ultime, quel que soit le type d'enseignement. Cet article est là pour le rappeler.

Nota Bene : Même si il apparait sous le nom du Capitaine (qui tient la plume), il s'agit d'un article rédigé en commun avec le Baron qui, en tant que Maître d'Armes, a évidemment une meilleure expérience de l'enseignement. L'idée en a germé lors d'une conversation et vous en lisez ici la concrétisation. D'ailleurs, la plupart de mes réflexions viennent suite à nos échanges.

La mort d'Hamlet par Eugène Delacroix - 1843

L'enseignement sur le temps long (clubs et associations)

Il s'agit ici de la situation la plus classique en escrime de spectacle : des pratiquants sont inscrits dans une structure et viennent pratiquer une ou plusieurs fois par semaine pendant au moins une année sportive (et on espère plus). Il s'agit en principe d'amateurs mais c'est à peu près la même chose avec des professionnels. La pratique s'inscrit sur plusieurs années et tend à une formation complète.

Nous pouvons la décliner en trois axes qui vont définir de façon large les rôles d'un escrimeur scénique. Celui du technicien qui exécute les actions et les jeux scéniques demandés. De l'artiste qui sait combler avec son / ses partenaires les flous autour d'une chorégraphie et / ou être force de proposition. Du chorégraphe qui créera pour d'autre.

Il en ressort que l'enseignement technique doit constituer une part importante de la pratique, puisqu'elle sera le socle de ces rôles. Cependant, même sur une chorégraphie imposée, l'art dramaturgique ne sera pas en reste. Elle devra assez vite s'aborder ne serait-ce que pour l'aspect technico-scénique de notre art. Une mise à mort tient plus la performance scénique du " mort" que la technique l'ayant amenée. Si une salle d'armes et son  Maître d'Armes ne semble pas respectivement le lieu et l'enseignant qualifiés à ce type d'enseignement, force est de constater qu'il est difficile de ne pas l'inclure à un moment donné. Ne serait ce que pour sensibiliser ses pratiquants. Ces derniers éprouveront de toute façon l'envie de mettre en pratique les techniques qu'ils ont apprises, de jouer. Certes, certains refuseront de se montrer devant un public par peur, mais cette envie de jouer, de créer sera omniprésente. Les aider à la concrétiser devient dès lors notre mission ( si on veut les garder ) tout comme celle de s'assurer que ce soit fait en sécurité. 

Par l'enseignement : la pratique d'une arme, idéalement plusieurs, les notions d'escrime (sécurité, distance, temps, lignes etc.) de façon progressive et planifiée, la scène, l'alliance des deux… Autant de sujet qui peuvent et ont occupé plus d'une vie et qui amènera chaque enseignant à faire des choix. Ses choix. 

Par un projet de représentation : proposer un but aux pratiquants comme au moins une représentation devant un public par an.  Cela peut être pour la fête du club, les enfants d'une MJC ou plus ambitieux, vidéos, prestations rémunérés ou non, son et lumières, compétions ou rencontres d'escrime artistique… L'important demeure que nos escrimeurs aient un objectif à atteindre. Un metteur en scène avec qui nous avions travaillé déclarait que répéter pour une pièce était le meilleur apprentissage possible pour le théâtre. Il en est de même pour l'escrime. La présence du public, le fait de jouer pour lui nous pousse à mettre en œuvre tout ce que nous avons appris, lui donner du sens et ainsi nous inciter à un résultat parfait, au pire convenable.

Notons que, même dans le cadre d'une séance il est souvent très utile pédagogiquement de terminer par la création d'un petit combat où l'on met en œuvre ce que l'on vient de voir. Non seulement cela permet de mieux comprendre pourquoi on l'a vu mais cela permet de travailler la créativité et la construction de scénarios et de personnages cohérents pour les combats. Cela permet aussi d'essayer plusieurs styles pour trouver le sien. Ce qui aidera pour la suite. Ajoutons que c'est aussi tout simplement plus amusant pour les pratiquants que de répéter des techniques.

Alors évidemment l'équilibre entre enseignement technico-scénique et création et répétition des combats que l'on va représenter est toujours délicat à trouver dans l'organisation de l'enseignement. Mais comme ce n'est pas l'objet de cet article nous le renvoyons à un éventuel article ultérieur.

Une heure de fondamentaux c'est sécurisé, technique et progressif. Alors pourquoi je n'ai aucun inscrit ?

Les découvertes et initiations

Si la pratique en club est la situation classique il arrive également fréquemment que l'on soit amené à encadrer des séances de découverte ou des initiations. Celles-ci peuvent prendre la forme d'une courte initiation d'une demi-heure ou un heure dans une manifestation comme d'un court cycle de découverte d'une dizaine de séances dans une école ou un centre de loisirs. Il peut aussi s'agir de votre ami qui vient voir ce que vous pouvez bien faire à cette salle d'armes avec votre épée comme d'un escrimeur sportif du cours voisin qui tenterait bien "juste pour voir". Ce public est probablement un peu moins volontaire à l'origine puisque c'est plus souvent la pratique qui est venue à lui que l'inverse, mais il ne faut pas douter de son envie de jouer au pirate, au Mousquetaire ou au chevalier. Ces personnes sont curieuses, et ont envie de découvrir la pratique. Il y a parmi elles de potentielles futures recrues évidemment, mais aussi simplement des gens ayant envie de passer un bon moment en jouant l'arme à la main.

Or, comment ne découvriraient-ils pas mieux la pratique qu'en préparant un combat de spectacle ? Représenter un combat, en duo, en groupe ou même en solo reste l'essence de la pratique comme on l'a dit. Peut-on donc imaginer une séance découverte sans qu'ils expérimentent cela, même à un niveau très modeste ? Il leur faudra donc présenter un combat. Le plus souvent cela se fera devant les autres pratiquants mais dans le cadre d'un cycle de découverte de plusieurs séance ou d'une journée on peut imaginer ajouter les parents dans le public qui seront toujours heureux de voir leur progéniture s'amuser.

Contrairement aux pratiquants réguliers l'exigence sera très différente : il faudra présenter un combat coûte que coûte. On ne demandera pas à ces pratiquants occasionnels de produire quelque chose de "parfait", en fait cela n'a même pas besoin d'être présentable. L'important est qu'ils s'amusent. Ils n'auront, sauf cas rare, pas assez de temps pour acquérir et surtout maitriser selon nos critères habituelles des compétences techniques et scéniques ni pour répéter, mais, ce n'est pas grave ! Comptons d'ailleurs sur eux pour faire quand même tout ce qu'ils pourront pour produire la meilleure représentation possible car l'important est qu'ils y mettent du cœur. Finalement la seule exigence qui restera sera la sécurité, mais vous pouvez sacrifier ajuster tout le reste : la technique, le tempo, le jeu, la cohérence, tout ce qui sera nécessaire pour quand même permettre aux élèves d'un moment de se produire. Et même pour la sécurité, il ne faut pas négliger l'idée d'utiliser des cannes, des armes en plastique voire des armes en mousse qui diminuent les risques. Cela peut même rendre plus attirante l'adhésion à votre structure qui proposera l'usage des armes en acier.
 
Pour cela, il faudra se limiter à un bagage technique réduit et laisser la part belle à la création. Il est bien plus important que ces élèves dès la première heure, parfois la seule, parfois moins, explorent la finalité scénique de notre discipline. On peut ainsi se contenter de leur enseigner que quelques cibles comme la tête qui est à la fois naturelle et spectaculaire. Il faut ensuite compte sur la pédagogie de la découverte pour qu'ils trouvent des idées. Charge à nous de les accompagner à ces moments : une attaque à la tête qui s'accompagne d'un chassé, voir (vécu) d'une proto quinte lié tierce enveloppé tierce, autant de "trouvailles"  qui vont aider chaque groupe à se démarquer malgré une base on ne peut plus simple que commune. La meilleure manière de  saisir, en ce temps bref, la richesse de notre art et de les faire adhérer.
Après entre proposer le premier coup et leur demander ensuite de trouver la suite. Proposer deux-trois cibles, mais leur laisser le soin de composer avec... Nous vous savons plus que capable d'établir ce qui est le mieux pour vous, votre public et votre style. Néanmoins, avec ce procédé, ils auront ainsi la fierté d'avoir présenté leur combat, unique, personnel. C'est très important en ce début de XXIe siècle où l'on s'oriente beaucoup vers le fait d'être acteur de ses propres découvertes dans le monde de la Culture ou ailleurs.

Initiation au sabre laser par Les Bretteurs de Saint-Jean dans le cadre du festival des Geeks Faëries 2019

Les cas particuliers (stages, formations professionnelles etc.)

Il faut évoquer le cas particulier des stages et des formations professionnelles. Ici il s'agit de développer des compétences nouvelles ou de consolider celles que l'on a déjà concernant certains aspects de l'escrime de spectacle. Même si le but est évidemment de les utiliser dans le cadre d'une représentation scénique celle-ci n'est en général pas directement liée au stage ou à la formation. On est d'abord là pour se perfectionner, pas pour monter quelque chose. Pourtant on remarquera que tous les stages auxquels nous avons pu assister ou dont nous avons entendu parler se terminent par la représentation d'un combat devant tous les autres participants. Le but ici n'est évidemment pas de produire un spectacle abouti que l'on pourrait représenter sur une scène. On est en fin d'une formation souvent intense : une journée, un week-end voire une ou deux semaines à faire de l'exercice physique. Les corps sont fatigués, le temps de répétition et de création limité et il est illusoire d'espérer une qualité optimale. C'est qu'ici on veut d'abord voir la mise en application de ce qui a été appris, le transfert de l'apprentissage théorique ou en ateliers vers une mis en œuvre pratique en situation réelle. La situation réelle étant, pour l'escrimeur de spectacle, la création et le représentation d'un combat chorégraphié. Une preuve encore que l'affrontement scénique est au cœur de notre discipline !
 
Autre cas particulier l'entraînement de comédiens ou d'acteurs dans le cadre d'une pièce de théâtre ou d'un film. Ici le projet est clairement défini et, à moins que les acteurs ne soient très expérimentés, la création de l'affrontement repose sur le ou la chorégraphe de combat. Les délais étant souvent assez courts les comédiens apprennent l'escrime en même temps que la chorégraphie de combat et développent des compétences spécifiques pour celui-ci et rien que celui-ci car on n'a pas le temps d'en faire des escrimeurs généralistes. On a ici un exemple extrême d'enseignement dévolu à un combat spécifique et il est très répandu dans le monde professionnel car au théâtre les comédiens ne sont pas doublés par des cascadeurs comme cela reste possible pour le cinéma.

Nous voyons donc, même dans ces exemples particuliers, l'omniprésence de cet objectif qu'il ne faut jamais perdre de vue.
 
Couverture de L'escrime au théâtre de Georges Du bois (1910)
 

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On voit bien à travers tous ces exemples l'importance de cet objectif final de notre pratique. Cela peut paraître évident mais on peut malgré tout avoir tendance à le perdre de vue tant on est parfois dans l'envie de faire passer la technique. Cela est encore plus vrai pour les séquences de découverte ou d'initiation où l'on a souvent tendance à penser que les élèves n'ont pas encore assez de technique pour représenter un combat. N'oublions pas que pour représenter un combat devant ses pairs ou des gens bienveillants comme des parents d'élèves il faut en fait savoir peu de choses : savoir maîtriser suffisamment ses coups (avec des armes en mousse ou en plastique cela n'a même pas besoin d'être parfait tant que les frappes ne sont pas brutales) et c'est à peu près tout. On peut apprendre beaucoup de techniques en créant un combat et je dirais qu'on en apprend au moins autant que par le travail de techniques spécifiques : lorsqu'on a besoin d'une technique pour une chorégraphie on la travaillera plus volontiers et plus profondément que si on la voit dans un contexte désincarné. Nous devons donc ici souligner l'importance de la pédagogie de la découverte dans l'apprentissage de l'escrime de spectacle. Cela demande plus de supervision de la part de l'enseignant qui répond plus aux attentes de ses escrimeurs qu'il ne dispense un enseignement général mais c'est également en accord avec les attentes générales des pratiquants d'une activité (quelle qu'elle soit) en ce début de XXIe siècle.

vendredi 2 avril 2021

Engager le fer en escrime de spectacle

Si il y a une différence entre notre escrime moderne et l'escrime ancienne c'est bien la notion d'engagement des lames. Beaucoup de techniques commencent les lames engagées et il semble bien que l'on recherchait beaucoup le contact du fer adverse pour mieux le contrôler et, surtout, s'en défendre. Or, si l'escrime de salle ou de jeu pouvait éventuellement commencer les deux lames engagées ce n'est évidemment pas le cas d'un combat réel où les combattants se voient d'assez loin et doivent s'avancer l'un vers l'autre, hors de distance, pour s'affronter. C'est cette situation que voulait reproduire la distance de quatre mètres entre les tireurs dans l'escrime contemporaine.

Nous voyons en revanche assez peu d'engagements en escrime de scène et c'est l'un de ses nombreux aspects non historiques. Cet article est là pour examiner l'intérêt d'engager le fer mais aussi comment on pourrait le faire.

Engagement "de tierce" (outside guard) chez James Miller - 1735
À la broadsword britannique c'est souvent une position de départ.

Engager le fer, les raisons de le faire

Tout d'abord engager le fer vous donnera une crédibilité historique. C'est particulièrement vrai pour des armes comme l'épée de cour et le sabre et la rapière en grande partie. Ça l'est beaucoup moins pour les armes médiévales sauf éventuellement l'épée longue, surtout selon Fiore dei liberi avec ses gardes centrales (posture longue, courte, couronne voire garde à deux cornes) et pas du tout pour le coutelas (Messer, Dussack...) mais du XVIIe siècle (voire XVIe) au début du XXe c'est plus ou moins une situation normale quand on s'affronte avec des lames. La Verderada Destreza, l'escrime de la noblesse espagnole du XVIIe siècle, est même basée sur un contact quasi constant avec le fer adverse qu'on ne quitte que brièvement et avec lequel on joue en faisant varier sa force en fonction des positions relatives du faible et du fort entre les deux épées.

Pourquoi donc rechercher autant le contact du fer ? Tout simplement pour mieux contrôler la lame adverse et être sûr que la vôtre se trouve bien entre elle et votre corps que vous ne voulez pas voir blesser. C'est l'une des dérives de la compétition et du décompte des points : il importe plus de marquer le point que de ne pas prendre de touche. Aux armes de convention on est protégé par la convention et à l'épée la double touche est souvent intéressante. L'aspect martial qui veut que l'on évite d'abord d'être touché (car on a alors de bonnes chances d'en mourir) disparaît. Or, même si un bon nombre de traités d'escrime qui nous sont parvenus sont d'abord destinés à une escrime de jeu proto-sportive les escrimeurs de l'époque n'oubliaient pas que la même escrime ou presque pouvait leur servir sur le pré, dans la rue ou sur le champ de bataille. Et à ce moment on veut savoir où se trouve la lame adverse et avoir le "sentiment du fer".

Lames croisées en leur milieu dans le Florus de Arte Luctandi de Fiore dei Liberi (vers 1410-1420)

D'un point de vue techniques beaucoup de coups et d'enchaînements partent d'un engagement souvent suivi par un dégagement (suivi d'un battement ou d'une pression inverse car on veut toujours contrôler la lame et on n'attaque pas sur une pointe orientée vers soi). On peut aussi exercer des pressions et contre-pressions, tout un jeu de celles-ci en passant sur le fort et inversement. Il est aussi tout simplement possible d'attaquer ainsi (souvent pour provoquer une parade et tromper l'ennemi par un dégagement ou un coupé). Et comme c’est le point de départ de ce qui est décrit dans un certain nombre de traités c'est tout de même bien d'y être si l'on veut placer les enchainements qui s'y trouvent.

D'un point de vue scénique cela donne tout d'abord une position bien connue du public avec les deux protagonistes avec les épées croisées. Elle est aussi classique que celle fort contre fort mais, contrairement à cette dernière, elle est complètement réaliste. Elle peut ainsi permettre des échanges de paroles entre les adversaires. Cela permet de marquer de façon relativement calme la tension du combat, le fait que celui-ci est bien là et que les deux vont chercher à se tuer (ou à s'affronter pour un enjeu dans le cadre d'un combat aux armes d'entraînement). C'est évidemment le moment où il ne faut pas oublier le regard !

Engagement du fer chez Octavio Ferrara - Compendio y Philosophia y Dztreza de las Armas - 1625 (copie du début du XXe siècle)

Engager le fer, quelques pistes pour bien le faire

Alors évidemment, une difficulté demeure : comment faire pour engager le fer proprement et de manière crédible, sans que cela semble artificiel ? Je vais tout de suite évacuer le cas d'un affrontement d'entraînement ou d'un duel où l'on pourrait commencer les fers croisés (plutôt au sabre du coup et je dirais même plus à la broadsword/backsword britannique). On peut même envisager de faire remettre en garde, lames croisées, les adversaires après chaque passe d'armes. C'est une solution de facilité mais il ne faut jamais ignorer ce genre de solution.

Au début d'un combat le croisement des fers est plutôt logique. On avance protégé, on ne connaît pas l'adversaire et l'on fait preuve de prudence. Cela colle bien avec le début d'un combat où les adversaires normalement se jaugent, se testent et évitent toute imprudence avant de savoir ce dont l'adversaire est capable. On les imagine donc avancer en tierce allongée, en passes avant ou en marches prudentes jusqu'à arriver au moment où les fers se croisent naturellement. On peut imaginer de montrer quelques prises d'information avec des pressions plus ou moins fortes sur le fer voire un battement timide ou un dégagement de l'un des deux. Cela peut aussi bien correspondre à un personnage assuré, gardant son sang-froid qu'à un personnage mal assuré et qui se met sur la défensive car il ne se sait pas quoi faire. Notons que si cela peut s'imaginer dés le début d'un combat pour poser les personnages mais aussi après une ou deux passes d'armes ayant montré la supériorité de l'un ou de l'autre.

L'engagement peut aussi se faire à d'autres armes comme les hallebardes dans l’Opus Amplissimum de Arte Athletica de Paulus Hector Mair
 

Pour montrer la détermination de l'un des combattants celui-ci peut aussi s'avancer résolument et prendre fermement le fer adverse dans un geste brusque, presque un battement. Nous avons alors affaire à un tueur déterminé mais méthodique, pas un fou furieux mais un assassin de sang-froid qui connaît son escrime (ou veut montrer qu'il la connaît) et cherche à intimider son adversaire. Son adversaire, qui l'attend peut là encore être apeuré ou simplement entraîné dans ce combat plus ou moins à son corps défendant. Dans le même esprit cette scène peut avoir lieu après une ou deux phrases d'armes pour représenter une évolution dans l'état d'esprit des personnages. Celui qui prend le fer violemment serait ainsi agacé de ne pas voir ses actions aboutir et veut monter le niveau d'engagement du combat ce qui se traduit par ce geste. Il peut aussi dominer et vouloir pousser son avantage en intimidant son adversaire pour provoquer son effondrement moral.

Enfin, les fers croisés peuvent également résulter d'une pause après une attaque ou plusieurs attaques (et ripostes) parées, un moment de tension où l'on se jauge mais sans se remettre hors distance. Le fait de ne pas sortir de la distance de combat peut signifier qu'aucun des deux combattants n'a véritablement été intimidé par l'autre mais également qu'ils sont résolus à se tuer. C'est donc une situation à placer en plutôt vers la fin du combat, ou son milieu mais a priori pas au début où l'on est en principe plus élégant et plus prudent. Cette situation ne doit pas durer longtemps, quelques très courtes secondes au maximum, éventuellement le temps d'une réplique.

Engagement du fer dans l'Art des armes de Guillaume Danet - 1766
 

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Engager le fer est donc une option intéressante dans un combat de spectacle. Elle permet d'abord de nombreuses options techniques tout en restant très historique. Mais le croisement de fer permet également de poser les caractères de ces personnages ou de montrer l'évolution de ceux-ci. Il permet également de faire passer d'éventuelles répliques et d'accentuer la tension du combat puisque le public sentira bien plus le danger que si les personnages sont hors distance. Je vous invite donc à la tester !


BONUS : une remarque de Florence Leguy

"Pour répondre à la question pourquoi y a-t-il peu ou pas de prise de fer en escrime de spectacle voici dans un premier temps et immédiatement après lecture de cet article ce que je puis dire :

Au théâtre  le problème est l'action rendue visible. Il faut qu'il se passe immédiatement quelque chose. Les temps d'observation, préparations indispensables au combat, le spectateur ne sait pas ou plus le lire, on ne lui montre que des combats faussés, des combats qui entretiennent un  rythme cardiaque soutenu. Le spectateur est exclu du combat, on le maintient dans le rôle de spectateur. C'est comme si lors d'un match de football, nous ne montrions pas les footballeurs courir après la balle, dribler mais seulement marquer des buts, buts, buts ...."