vendredi 4 mars 2022

Construire et reconstruire, l'art d'enrichir ses chorégraphies.

Donc on est bien d'accord, huit, huit cass... Je m'en fous que t'appelle ça croix ! Je disais, huit cassé et un chassé. Le reste c'est trop technique ! 
Baron de Sigognac, Team trop technique

Bonjour à tous, ici le Baron de Sigognac pour vous desservir.  

Lors de mon dernier article, Pourquoi mettre en scène l'escrime ancienne n'est pas si compliqué, nous avions abordé comment, selon moi, décomplexifier une technique ou un enchainement pour la rendre abordable selon les niveaux du groupe.

Aujourd'hui nous allons comme promis, parler de la situation inverse et voir comment j'envisage de complexifier progressivement un enchainement connu ou en cours de création. Soit, le construire jusqu'à sa forme finale.

Du moins,  j'aimerais poser les étapes que je suis, en dehors de tout contexte ou cadre qui peuvent amener des ajustements. Une vision générale en somme sur laquelle je m'appuie dès que nécessaire et par défaut. Vision que j'aurai l'occasion de recontextualiser dans une approche davantage scénique dans d'autres articles. Donc, si vous avez l'impression que je ne parle pas assez ou du tout de scène en général, c'est normal. Je m'en excuse par ailleurs.  

Cette précision étant faite, commençons !


C'est précis. Ca pique, mais c'est précis. 

Au commencement étaient les cibles. 

Part importante et malheureusement délaissée, de temps en temps : déterminer et connaitre précisément les cibles, est une phase essentielle. Je sais, j'enfonce des portes ouvertes pour la plupart d'entre vous, mais il faut bien commencer

La petite plus value que je pourrais, peut être, vous rajouter c'est de vous souvenir que, quelles que soient vos préparations et leur complexité, l'arme doit VRAIMENT s'arrêter vers la cible choisie. Plus l'offenseur (voire contre offenseur) sera précis sur ce point, plus le geste sera sécurisé et source de confort pour le défenseur. Toujours cette histoire de cercle vertueux entre confiance, douceur et justesse.

Les cibles sont donc votre premier sujet à éclaircir, ce à travers trois étapes que je classe souvent dans cet ordre : Où, Qui, Comment. 

En ce qui concerne le où, les cibles fondamentales en escrime seront généralement votre support : tête, figure, ventre, flanc... 

L'avantage est qu'elles sont généralement connues de tous, et ne nécessitent pas beaucoup de discussions avec vos partenaires, pour peu qu'ils ne soient pas de parfaits débutants. Dans ce dernier cas, ce sera l'occasion idéale pour leur inculquer une part de notre savoir commun. 

Cependant, il se peut que vous ayez besoin, un jour, d'une cible plus originale. Dans ce cas, après vous être assuré qu'une cible plus classique n'aurait pas fait l'affaire, (sérieux, vérifiez ça !) n'hésitez pas à discuter avec vos partenaires pour que tout le monde soit d'accord. L'originalité crée une imprécision qu'il convient de combattre par le dialogue. Toujours le dialogue, en tout temps. Ne serait-ce que pour déterminer précisément où la lame s'arrêtera.

Le milieu du crâne n'est pas son côté gauche !

Ni ce crâne non plus ! Et puis, c'est quoi ces armes là !

Pour le "qui", peu de difficultés tant que nous nous mettions d'accord sur qui offense et qui défend. La complexité sera davantage scénique pour juger qui a intérêt à porter l'attaque : est ce que faire attaquer sans riposte quatre fois la même personne a du sens dans votre histoire ? Ce genre de question. 

Seulement, sur la partie technique, cette étape n'offre que peu de points à relever. Faites juste attention à bien vous comprendre et vérifier que les cibles, le où, soient respectées. Tout comme l'ordre établi : sur un enchainement tête, flanc, estoc, nous verrons toujours en premier une tête, puis un flanc et enfin un estoc, qu'importe l'auteur de l'offensive. 

Enfin le "comment". C'est ici, dirons nous, que les affaires sérieuses commencent ; que ça devient intéressant. 

En effet, la façon d'aller à la cible, fait rentrer toute la complexité technique du geste. En plus du travail de la main, se rajoute celui des jambes, mais aussi leur coordination, les préparations éventuelles de main et / ou de jambes. De quoi s'y perdre si on y est pas habitué.

Le "Comment", ou s'adapter à la complexité. 

Partir de l'offensive simple de pied ferme, puis l'enrichir. 

En effet, de multiples questions peuvent se poser, surtout quand notre bagage technique s'étoffe.

Dois-je faire un battement, une feinte, un déplacement latéral croisé en préparation, un demi, rester sur place ? Dois-je me défendre par une parade, une esquive ? Autant d'interrogations à la Prévert qui savent déstabiliser même les plus aguerris d'entre nous.  J'exagère ? Oui un peu. 

Néanmoins, devant cette problématique, l'idée que je défendrai dans un premier temps, serait de voir en l'offensive simple de pied ferme comme votre geste le plus simple et toute modification comme un enrichissement de ce dernier.

Des préparations de jambes ? Un enrichissement. Des attaques aux fers ? Un autre enrichissement etc...

Quand nous commençons à travailler une chorégraphie, une fois le "où" et le "qui" définis, nous ne savons pas forcément à quel niveau de technique nous allons faire appel pour simuler les offensives et défensives. Cela peut aussi bien rester simple, dans le cadre d'un personnage maladroit, tout comme partir sur un travail précis d'attaque au fer, accompagné de préparation de jambes toutes en finesse et fréquence ; nous serions plus sur un artiste (voir l'article sur les personnages). Quoiqu'il en soit, si la cible est la tête, cela terminera… à la tête avec juste un changement d'exigence dans le travail technique et scénique. Ce que partir de pied ferme permet d'englober.


Surtout qu'on a parfois peu de place, mvoyez

En effet, connaître l'enchaînement final désiré ou la nature de son personnage peuvent aider à fixer avec son partenaire jusqu'à quel degré technique nous souhaiterions aller. Mais, à l'inverse, il peut arriver que ce soit en fixant, sans but précis, la complexité / richesse technique de chaque action, que nos personnages vont se trouver. Le point commun dans ces situations, c'est la nécessité de travailler à son rythme pour atteindre la richesse technique voulue ou celle qui s'imposera à la longue. 

De fait, partir de l'offensive simple de pied ferme, permet de manier la cible dans un premier temps, puis de se poser la question avec ses partenaires si nous allons rajouter des éléments, "enrichir notre geste", ce petit à petit, que ce soit pour l'offensive ou la défensive. Chaque rajout étant alors travaillé jusqu'à être maitrisé avant de passer à plus complexe. 

Après, il n'en demeure pas moins qu'avec ce principe restent une multitude d'enrichissement possible, même en restant que sur l'aspect technique ; que ce soit dans les déplacements, latéraux, diagonaux…  les préparations aux fers, les feintes… 
De quoi toujours s'y perdre ou laisser faire le hasard. Et comme on dit, laisser faire le hasard, c'est pour le moins hasardeux... Pardon pour celle là.  
Fort de ces éléments, s'interroger sur un ordre, des priorités tout du moins, plus ou moins stricte, entre ces diverses évolutions de nos gestes semble important. 

Construire sa richesse du jeu, oui, mais selon un certain ordre quand même : on est pas des sauvages, non mais. 

En ce qui me concerne, je me suis fixé sur la préférence ci dessous. Préférence sur laquelle je n'ai aucun problème à bouleverser la hiérarchie, au besoin. Voyez davantage comme un guide sur lequel je m'appuie quand je n'ai pas mieux. Je ne saurais que trop vous conseiller, d'ailleurs, d'avoir ce type de "procédures" "faute de mieux" dans différents aspect de vos créations : cibles, répartitions, déplacements...


Plus ou moins


J'aurais l'occasion d'en parler davantage dans mon prochain article, mais par exemple si vous ne savez pas comment vous déplacer ou manquez d'inspiration, vous pouvez vous imposer d'aller dans le même sens que votre cible, par défaut. Le temps de voir. 

Revenons à mon ordre : 
  1. Offensive simple de pied ferme
    • distance d'allongement du bras en se rappelant qu'on est à distance de touche avec le faible pour taille et entaille et qu'en cas de coup d'estoc on est hors de cette distance : la pointe s'arrêtant avant sur un bras allongé, bla bla bla... tu sais. 
  2. Offensive simple sans préparation
    • Départ de pied ferme suivi d'un développement : fente, demi passe, changement de garde, marche, latéral, linéaire, diagonale… 
  3. Offensive simple avec préparation de jambe
    • Faire précéder votre développement de préparation de jambes 
  4. Offensive simple avec préparation de jambe et de bras
    • Rationaliser ses gardes et positions de mains pendant les préparations de jambes
    • Rajouter les préparations au fer
  5. Offensive composée avec préparation de jambe et de bras
    • Intégrer des feintes à nos offensives

Il est bien sûr, inutile de vous forcer à travailler vos cibles jusqu'aux offensives composées. Cela peut être intéressant pour sonder les possibilités, si vous n'avez pas d'idées. Par contre, si une offensive simple tête par attaque au fer vous convient, restez y ! Il y a déjà suffisamment à travailler
Vous noterez d'ailleurs, que cela permet sur le papier de revenir à la forme originelle d'une technique,  que nous aurions déconstruite, simplifiée comme vu dans mon dernier article. Les étapes à atteindre étant connues dès le départ. 


Bref, voici comment je procéderais ... bon, en fait... pas vraiment.

Points importants à nuancer parce que la réalité c'est jamais simple OK ! 

Comme vous vous en doutez, ce que je viens de vous proposer est ok dans l'éther, mais connait des adaptations dans la réalité. Je dirai même, sans honte,  que j'en suis revenu, mais que je trouve important de vous en parler aujourd'hui pour mieux saisir ce qui viendra la prochaine fois que je prendrai la plume. Ce pour parler davantage de création. 

C'est pour ces raisons que je n'expliquerai pas trop le pourquoi du comment de cet ordre, au profit de différentes remarques afin de nuancer mon propos.

Je ne le tue pas ! Je l'aide à se détendre. Définitivement !

Attention,  ce que je viens de vous décrire n'est pas "faux". Cela reste, à mon sens,  fonctionnel, mais s'est juste avéré à la longue et pratique, incomplet. Néanmoins, comme cette étape de ma réflexion fut importante dans ma construction personnelle, je pense nécessaire de vous en faire part, quitte à agrémenter la chose de ces quelques mises en gardounettes. 

Remarque 1 : je n'aborde pas pour alléger ma liste, le travail défensif qui est pourtant lié à celui de l'offensive et a donc toute sa place. Considérez que le travail de préparation suit le même ordre et qu'avant de passer aux préparations au fer, vous pouvez avoir déjà décidé avec votre partenaire si vous parez ou esquivez l'offensive
Ce point aura une incidence majeure sur la simulation de l'offensive et de sa cible que vous devrez parfois troquer pour un équivalent plus facile à esquiver : viser réellement la figure pour une esquive latérale n'est pas en général une "bonne" idée. 

Pour une bonne approche académique du sujet, cette vidéo sera parfaite :



Remarque 2 : toujours par souci de clarté, je n'évoque pas le cas de la contre offensive, mais elle peut se construire de la même façon. Je vous suggère, toutefois, de l'aborder qu'après avoir fini de vous interroger et travailler, le cas échéant toutes les étapes des offensives.  

Remarque 3 : la position de l'attaque composée aussi loin dans la complexité m'était apparue comme préférable, de par l'exigence de sa gestuelle et de sa rythmique. Cependant, ce n'est pas un choix, là encore, gravé dans le marbre, il n'y aurait rien de choquant à le mettre plus bas dans liste, avant les préparations au fer par exemple. 


Remarque finale : Si vous avez été attentif à mes autres articles, ( A travers le débutant et l'urgence : l'art de mettre en confiance. ; Pourquoi mettre en scène l'escrime ancienne n'est pas si compliqué. ) vous conviendrez que mon point de départ en pied ferme est en opposition avec mes propos sur la mise en confiance et la décontraction du corps. Cela est du à une différence que je fais entre la recherche d'expressions corporelles, de formes et leur consolidation. Cela sera l'un des sujets de mon prochain article, quitte à en faire plusieurs si nécessaire.


Voilà, j'espère que vous pourrez trouver dans mon article matière à réflexion. Je n'ai pas la prétention de vous dire quoi faire, surtout que nous avons tous plus ou moins nos manières, mais si je peux apporter mon aide sur ce vaste sujet qu'est l'art de construire une chorégraphie et plus généralement, créer.

Parlez vous, n'allez pas trop vite, écoutez vous et surtout, kiffez vos combats.


C'était le Baron de Sigognac, tout droit sorti de sa grotte. Portez vous bien et à la prochaine fois.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire