mardi 26 juin 2018

Idées de rôles féminins tirés de l'Histoire et des légendes d'époque : l'Antiquité et le Haut Moyen-âge

Une bonne partie des personnes pratiquant l'escrime de spectacle sont des escrimeuses. J'ai pu remarqué que, tout le monde n'étant pas toujours bien versé en Histoire, elles se posaient souvent la question des types de rôles qu'elles pouvaient jouer.  Je propose donc ici une série d'articles d'idées de rôles féminins historiques ou du moins tirés des mythes de l'époque. J'ai essayé de me documenter du mieux possible néanmoins, même si je suis historien de formation, j'ai conscience que mes recherches ont été rapides et qu'il y a probablement nombre d'imperfections, d'approximations et d'erreurs dans mes synthèses. 
Évidemment tout ceci ne vaut que si l'on souhaite un peu plus coller à l'Histoire, sinon les femmes font évidemment ce qu'elles veulent sur scène !

J'adopterai logiquement un ordre chronologique et ce premier article sera donc d'abord consacré à l'Antiquité et le Haut Moyen-Âge. L'Antiquité grecque et romaine est une mauvaise période pour les femmes, néanmoins on trouvera dans la réalité et la mythologie quelques rôles intéressants. Le Haut Moyen-âge fut une période de troubles et de guerres où l'influence germanique fut plus forte.

Guerrière celte

La reine Boudicca (auteur de l'illustration inconnu)
Si les Grecs et le Romains étaient particulièrement mysogines, les Celtes l'étaient un peu moins et il semblerait bien que des femmes aient combattu dans leurs rangs. La reine Boudicca est la plus célèbre d'entre elles et quelques témoignages d'auteurs latins nous laissent penser que des femmes celtes sont allées au combat. Elles étaient évidemment loin d'être la majorité mais il est très probable qu'elles aient existé. Une femme trouvera donc une rôle historique à sa mesure en interprétant une redoutable guerrière de Gaule ou de Bretagne !
Armement : le grand bouclier gaulois à manipule est la base, ajoutons lance, grande épée celte et éventuellement cotte de mailles et casque pour les reines.
Style de combat : il faudra regarder du côté des AMHE gaulois avec une utilisation du bouclier et des coups de taille pour l'épée. Les archers étant nombreux et les protections faibles on lâche rarement son bouclier qui est presque l'arme principale de la guerrière celte.

 

Gladiatrice

 
 Probable statue de gladiatrice au Museum für Kunst und Gewerbein d'Hambourg

Si les Romains n'auraient absolument jamais accepté d'envoyer une femme à la guerre ils avaient encore plus que nous cette absence de limites lorsqu'il s'agissait d'inventer des idées de divertissement. Dans ce contexte il était assez logique de faire combattre des femmes dans l'arène. Aussi bien en tant que Venatores (les gladiateurs combattant les animaux) que dans des combats classiques. On trouvera donc là un prétexte de combat tout trouvé. Normalement les femmes se combattaient entre elles mais qui dit des organisateurs pervers, avides de sensations fortes et de nouveautés n'ont jamais opposé hommes et femmes dans l'arène ?
Armement : il semblerait que les femmes gladiatrices combattaient sans casques pour qu'on voit mieux leurs visages et en principe seins nus (ce qu'on changera probablement pour la pudeur du public et de l'escrimeuse). Il n'y avait probablement pas d'armement aussi codifié que pour les hommes mais on piochera allègrement chez les gladiateurs à petits ou grand boucliers ou chez les rétiaires... 
Style de combat : l'idée est de faire durer le combat, donc de ne pas causer de blessures mortelles. On se bat avec de courtes lames, avec des coups d'entaille principalement, et quelques coups de taille jusqu'à vaincre l'adversaire et proposer sa vie à l'organisateur des jeux. 
  L'idée a déjà été filmée, avec ce remake de 2001 d'un premier film de 1973. Le résultat est, comment dire... discutable. Mais vous pouvez faire mieux !

Amazone

Dans l'Iliade Achille tue Penthésilée mais tombe amoureux d'elle au moment de sa mort.


Présentes dans de nombreuses légendes grecques et romaines, y compris dans l'Iliade avec la reine Penthésilée les Amazones sont bien connues de la mythologie antique... et même moderne !
La légende les dépeignant avec un sein coupé ou brûlé est très tardive et elles sont toujours représentées avec deux seins et le plus souvent en armure. Il y a de multiples histoires avec diverses reines des Amazones : Hercule et Hippolyte, Thésée en Antiope, Achille et Penthésilée, mais vous pouvez inventer la vôtre. Elles affrontent généralement des héros grecs (et perdent, les héros remettant de l'ordre dans le Monde selon la conception de l'époque) mais tout est possible !
Armement : la lance et le grand bouclier rond concave à énarme sont les principales armes des Grecs, on y ajoutera l'épée courte qui peut être un khopis ainsi que les casques de bronze et les armures de bronze ou de tissu et écailles de bronze de l'époque classique grecque.
Style de combat : là encore lance et bouclier, on s'inspirera utilement de l'excellent combat entre Achille et Hector dans le film Troie.

Guerrière germanique/viking

Même si sa tenue n'est pas vraiment historique je n'aurais pu citer les guerrières vikings sans mettre une photo de Catherine Winnick incarnant avec brio la guerrière Lagertha ! C'est d'ailleurs la seule de cette série à vraiment utiliser son bouclier au combat... La seule parmi les acteurs à combattre de manière crédible aussi.
Tout comme les Celtes, les femmes germaniques étaient plus libres que les Grecques ou les Romaines. On trouve des indices sur des guerrières germaniques et encore plus sur ce peuple germain tardif qu'étaient les Vikings. On s'est, par exemple, récemment aperçu que la tombe bien connue d'un guerrier viking était en fait celle d'une guerrière ! Il y a donc toute légitimité à proposer des rôles de femmes guerrières chez les Vikings. Qu'elles malmènent des moines, combattent des soldats écossais, saxons, carolingiens ou d'autres vikings elles ont toute leur place.
Armement : là encore la principale arme des vikings est leur bouclier, un assez grand bouclier rond, plat, à manipule centrale avec lequel on peut donner des coups. Il est complété par la lance, la hache, le scramasaxe et, plus rarement, l'épée. À noter que les vikings ne portent en principe pas d'armure ni même de casque (c'est très rare) et que ces derniers, les rares fois où on en trouve, ne portent surtout pas de cornes !!!
Style de combat : comme toutes les techniques de combat plutôt destinées au champ de bataille et où on a peu d'armure on compte surtout sur son bouclier pour se protéger. Toute une branche des AMHE étudie le combat viking, cela serait d'ailleurs l'occasion de faire des combats en formation (un défi en escrime de spectacle) !

Quelques sites ou articles intéressants :

Liste de femmes guerrières dans l'Antiquité
Article (un peu ancien) sur les Amazones
Article sur les gladiatrices
Article sur la statuette de gladiatrice du musée d'Hambourg

Le prochain article de cette série sera consacrée aux rôles féminins durant le Moyen-âge classique et tardif.

mardi 19 juin 2018

Le public

Le public est au cœur de l'escrime de spectacle puisque sans public il n'y a pas de spectacle. Il serait la raison pour laquelle nous combattons et le contenter serait notre but et nous contraindrait à faire en sorte qu'il voit et comprenne ce que nous faisons. Analysons donc tout cela...
Public au Puy du Fou

Nous faisons d'abord de l'escrime pour nous-même !

Cette affirmation peut paraître provocatrice mais si nous avons choisi de présenter un spectacle d'escrime c'est d'abord parce que nous aimons cela : le spectacle ET l'escrime. C'est évident pour les amateurs qui trouvent là un objectif pour présenter quelquechose de propre et convenable, se mettre un défi, mais ça l'est aussi pour les professionnels. Parce que certes ils sont payés et doivent manger, mais si ils n'aimaient pas d'abord ça ils auraient fait un autre métier plus lucratif. Je n'ai pas entendu parler que cela soit un métier très lucratif (bien moins qu'un trader, un cadre supérieur et même probablement un professeur du secondaire) et la plupart semblent plutôt vivre difficilement de leur art, tout comme les Maîtres d'Armes dont la condition est de plus en plus difficile.
Donc nous faisons d'abord cela parce que nous voulons nous faire plaisir, parce que nous aimons les belles passes d'armes, l'escrime historique, évoluer avec grâce, être sur scène et j'en passe...
Le public est donc d'abord un prétexte pour exercer notre art même si le plaisir de le voir applaudir et apprécier notre prestation est immense et grisant !

Le public est inculte et toujours heureux de voir des lames tinter.

Pour ce qui est des applaudissement avouons tout de même que, la plupart du temps il est facile de les obtenir. Soyez honnête : combien de fois, à des fêtes à la saucisse pseudo-médiévales avez-vous assisté à de piteuses démonstrations de tâcherons tâchant de mimer un combat "médiéval", et combien de fois, malgré votre désespoir profond devant cette prestation, combien de fois le public a-t-il applaudit sincèrement ? Hélas (?), il suffit pour les enfants et leurs parents de voir deux "chevaliers" vaguement costumés faire tinter leurs épées l'une contre l'autre pour être heureux. J'ai également parlé dans un précédent billet de l'escrime de paysans présentée dans la plupart des films médiévaux et qui ne semblait pas poser de problèmes. Et en croyez pas que l'escrime à la rapière soit traitée différemment, faites tinter des lames avec de grandes plumes et le public sera content !
Il aurait de quoi désespérer, cesser de s'entraîner, de répéter inlassablement ses combats pour y mettre de la vitesse, du jeu, de l'intention... J'en tirerais surtout la conclusion que l'on a finalement peu de pression et que surtout, on a ainsi la liberté de tout tenter. Tentons, de toutes façons ils seront quand même contents, et peut-être le seront-ils encore plus ?


En principe j'essaie de ne pas stigmatiser des troupes mais quand on se présente aux championnats du Monde avec ce... truc, On s'expose aux critiques légitimes !

Le public peut progresser et il sait malgré tout faire la différence.

Malgré tout, présentez à vos amis non escrimeurs deux combats : un truc de tâcherons mal fini et un combat léché et travaillé, réaliste, engagé et crédible : vous verrez qu'ils sauront faire la différence ! Il y a très longtemps on m'a comparé cela au canigou et au foie gras : des gens qui n'on jamais mangé que du canigou trouverons cela plutôt pas mal, mais faites-leur goûter au foie gras et ils en voudront plus jamais manger de canigou ! (si vous trouvez une version végane plus consensuelle je prends).
Vous pensez vraiment qu'ils pourront revoir de la merde après avoir vu ça ?

C'est quelquepart déjà notre cas : nous nous gâchons le plaisir en voyant de nombreux combat parce que nous sommes devenus exigeants. Cette exigence, le public peut l'acquérir lui aussi. Quelquepart il l'a déjà acquise dans les films d'action de combat à mains nues. Avec l'arrivée des films de Hong Kong et des arts martiaux dans le cinéma américain il est désormais inconcevable de filmer de la baguarre à l'ancienne comme on en voyait encore dans les années 80. Faisons ça pour l'escrime aussi, c'est possible : il faut être exigeants.

En guise de conclusion : ne plus se cacher derrière le public pour justifier des choix boiteux.

Au final je crois que je me lasse d'entendre les gens justifier qu'ils amplifient le mouvement "pour que le public comprenne" ou que si on va trop vite "le public ne suivra pas". Je crois que le public verra d'abord l'intention et le réalisme et si une passe d'arme est trop complexe pour son niveau d'escrime il y aura un effet "mais comment il/elle a fait ça ?", la même stupéfaction que devant les tours d'un magicien avec le bonus "wouahh il/elle est trop fort.e !"
Dans la vidéo d'Adorea montrée plus haut les coups sont historiques, c'est rapide, engagé et je ne pense pas que le public lambda comprenne absolument tout. Pourtant ça envoie, ça impressionne et ça a plu à tous ceux à qui j'ai montré ce combat !
Donc, même si on est conscient que le public sera très probablement bienveillant et content de voir des gens agiter des épées on se doit de le respecter en lui présentant ce que l'on sait faire de meilleur et en ne se cachant pas derrière lui pour justifier de ne pas respecter la logique de l'arme, du combat ou des personnages.