mardi 22 mars 2022

Osez créer ! L'art de décider.

Les gammes sont à l'escrime ce que le brouillon est à l'œuvre.
Baron de Sigognac, Milles et une brasseries.


Bonjour à tous ici le Baron de Sigognac,

J'espère que vous avez la forme car aujourd'hui, nous allons continuer le fil de mes idées suite à mes derniers articles (voir ici le dernier). J'y ai pu vous exposer comment j'envisageais techniquement de simplifier un enchainement pour mieux l'apprendre en le retrouvant étape par étape. Ou encore comment construire un enchainement du début à la fin.
Toujours selon une vision qui n'engage que moi et qui grossièrement se résume à ceci :

  Pour construire / enrichir : 
  1. Offensive simple de pied ferme
    • distance d'allongement du bras en se rappelant qu'on est à distance de touche avec le faible pour taille et entaille et qu'en cas de coup d'estoc on est hors de cette distance : la pointe s'arrêtant avant sur un bras allongé, bla bla bla... tu sais. 
  2. Offensive simple sans préparation
    • Départ de pied ferme suivi d'un développement : fente, demi passe, changement de garde, marche, latéral, linéaire, diagonale… 
  3. Offensive simple avec préparation de jambe
    • Faire précéder votre développement de préparation de jambes 
  4. Offensive simple avec préparation de jambe et de bras
    • Rationaliser ses gardes et positions de mains pendant les préparations de jambes
    • Rajouter les préparations au fer
  5. Offensive composée avec préparation de jambe et de bras
    • Intégrer des feintes à nos offensives
Pour déconstruire / simplifier : 

  1. Offensive composée avec préparation de jambe et de bras
  2. Offensive simple avec préparation de jambe et de bras
  3. Offensive simple avec préparation de jambe
  4. Offensive simple sans préparation
  5. Offensive simple de pied ferme
  6. Montrer la cible 
Remarque : je reprécise que je trouve cette liste incomplète. 

Fort de ceci, j'avais indiqué avoir mis en retrait, pour les besoins de mon propos, l'aspect scénique des choses. 
Il me semble temps d'y revenir et quoi de mieux que de commencer par l'acte créatif lui même : la décision. 


Œuvre de Kim En Joong à Auvers, commune de la Manche. Et non ! Ce n'est pas du hasard. 

 

Créer c'est décider !

 

L'incertitude et la décision : un acte angoissant, permanent et indispensable à la création.

L'escrime de scène étant ce qu'elle est, la diversité des demandes, contraintes, styles et choix à notre disposition amènent vite le passionné, à se rendre compte de l'océan d'incertitude qu'elle représente. Dois-je être réaliste, hors sols, de telles styles ? Suis-je un personnage expert, débutant … ? Quelles cibles ? Quelles préparations ? Le scénario, bien ou bien ?
Cette situation, que dis-je ? Ce gouffre ! Cet abime peut vite mettre mal à l'aise l'inexpérimenté ( et pas que ) face à la plus simple, mais ô combien complexe injonction : "Crée !." 

En effet, "Que faire ?" toute excellente question soit elle, détient sa part d'angoisse.  Peur de se tromper, de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir faire etc... 
Pourtant il faudra bien commencer. Choisir, discuter, décider. La création est à ce prix. 
De là commence souvent, bon an, mal an, une recherche  (pertinente) de guide, de méthode, de repère. Une de ses premières manifestations  passe par le mimétisme : on aime bien voir quelqu'un faire, ou mieux, nous dire comment faire. 

Sur ce constat, nous sommes nombreux à essayer d'aider nos élèves ou frères et sœurs d'armes à travers l'acquisition d'enchainement préfabriqués. Des gammes, voire des combats d'écoles auxquels, en fonction de nos objectifs, nous laisserons plus ou moins de libertés. De quoi nous inviter à nous pencher sur ces stratégies à l'aune de notre objectif ; créer, faire créer. Faire décider tout simplement. 
 

La gamme une réponse séduisante, mais empêchant, par nature, la prise de décision.  

Le mieux que je puisse dire sur la gamme, c'est qu'elle occupe une place paradoxale. Je n'en suis pas un amateur. Je vous renvois à mon article. Dans le même temps, je comprends les arguments en sa faveur, dont celui  d'aider nos partenaires/élèves à pratiquer. Et malgré tout ce que je vais dire dans les prochaines lignes, oui, j'en use aussi.

Votre serviteur après cet aveu.

Je vous en parlerai un jour. Là j'ai trop la honte... Nan, je plaisante ! Mais je vais écrire ça en tout petit quand même. 

L'avantage des gammes : enlever la responsabilité de la décision.

Les résultats sont souvent intéressants. Le cadre posé par ces outils permet aux pratiquants de pratiquer. Ce qui est important : un élève qui a peur de pratiquer est un élève qui disparait. L'urgence est donc de le mettre en action. Ce que la gamme sait faire ; bien faire. 
De plus, par la répétition, le jeu et l'habilité des conseils qui sont donnés, l'élève/partenaire ou nous mêmes allons commencer à se sentir suffisamment à l'aise pour, peut être, se poser les bonnes questions : la gamme me dit d'aller au flanc, mais pourquoi n'irais-je pas à la jambe armée ? etc. Ces exercices ont donc le mérite de nous accompagner dans une phase critique de notre apprentissage, prendre confiance en nous et amorcer nos premières réflexions d'artistes. Ce en soustrayant la responsabilité initiale du groupe à décider de ce qu'il va chorégraphier. Et donc cette difficulté.

Ils pratiquent, je pratique, nous pratiquons et de nos répétitions nait la notion. 

Alors où l'affaire se plaide ? Les gammes et associés n'offrent que du positif. Utilisons les, point, formons nos cadres à ça ! Arrête de nous prendre la tête et… C'est vrai, merci, c'était tout pour moi. je vous dis à la proch...HO ! ON RESTE CALME ! 

Le désavantage des gammes : enlever la responsabilité de la décision.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur les limites des gammes, notamment en spectacle. La question de la transition de la gamme vers la chorégraphie se pose, par exemple. Tout comme, in extenso la valeur créatrice de ce qui est jouée. ( revoir Sus aux gammes ! ) 
Si la gamme doit aider l'élève à créer, il faudrait, en réalité, qu'elle se cache les jours de prestations, pour ne laisser place qu'à la chorégraphie, l'art. Or, ce n'est pas toujours ce que nous observons. Ce dans des proportions qui ne laissent pas indifférent. 

Pourtant, les moyens pour nous amener à ce stade semblent nombreux : liberté de changer les cibles de l'enchainement, en rajouter, les répartir, enrichir les actions par des feintes, esquives, actions aux fers, le jeu de scène…De quoi m'interroger : où cela peut-il bien coincer ? Parce que les gammes, nous les voyons sur scène ( du moins, suffisamment pour nous interroger ), et même s'il est facile de cracher sur les enseignants, bénévoles comme professionnels, cela n'aide pas à avancer.  Oserais-je dire que c'est même puéril.   

Bref, pour revenir à nos moutons, j'aurais tendance à dire que la raison majeure vient de l'absence initiale de décision, justement. 
Je sais c'est un peu subtil et je suis navré si cela sonne abscons : placer abscons en étant un gros c... check 

Tout aussi vrai que puisse être la maxime "De la répétition nait la notion" et l'importance réelle de la pratique qu'elle défend, il n'en demeure pas moins que cette pratique seule ne semble pas suffire. Pas toujours en tout cas. 
En réalité, tout dépend de quelles répétitions nous parlons. Sur le plan de la pratique physique, la gamme n'a rien à envier à d'autres exercices, au contraire. Par contre, si on intègre la question de la décision, c'est davantage discutable. 

Ainsi, quand je déclare qu'à travers une pratique axée sur des gammes nous allons peut être pouvoir nous poser les bonnes questions, comprenons que c'est le "peut être" qui embête.  
Décider c'est comme tout, ça s'apprend. Nous pouvons proposer, sur une gamme, autant de prises de libertés que possible, il n'en reste pas moins, qu'à la base, l'enchainement est imposé. La gamme étant ici perçue comme un enchainement pédagogique codifié dont la base ne changera pas tout les quatre matins, sauf pour une autre plus conforme à nos besoins du moment. 

De fait, même en se donnant dans l'esprit toute liberté pour la modifier, les possibilités en pratique sont déjà réduites. La gamme par ses cibles, ses mouvements, nous influence et nos tendances de modifications ne seront pas les mêmes sur une croix, qu'une montante …
Pire, habitués à modifier des enchainements préfaits, nous risquons fort, au moment de créer, de reprendre directement ces enchainements dont nous ne maitrisons pas conceptuellement la raison d'être.
Imaginons que vous faites travailler une gamme comme la croix (aussi nommée "huit"). Êtes-vous certains, sans garde fou de ne pas influencer vos élèves à aller aux jambes après une attaque à l'épaule, même si vous demandez une création libre ?


Cathédrale St Paul, Liège selon une œuvre de Kim En Joong, 
Parce qu'on allait pas faire des vitraux contemporains dans une Cathédrale. 

D'ailleurs, pourquoi en serait-il autrement ? Si c'est ce que nous avons toujours fait ou proposé. De quoi retrouver les dérives que nous connaissons : gammes visibles car peu modifiées ou parce que la construction chorégraphique peut se résumer à enchainement proche d'une gamme 1 suivi d'une 2, je ne vous refais pas le dessin.
 
Retirer à l'élève, pour l'aider, la responsabilité de décider, l'empêche de décider tout court. Or après la nécessité de faire pratiquer (en sécurité) nos élèves, les aider à décider par eux même m'apparait prioritaire. Dans l'hypothèse, bien entendu, où nous voudrions accompagner des artistes en devenir. En effet, j'ai l'idée que la "vraie" valeur de notre discipline se trouve dans nos propres réflexions artistiques.

Après, si disposer de simples exécutants est tout ce qui vous intéresse, ce n'est pas pareil. Soignez votre discours ceci dit. Il ne faudrait pas que l'un d'entre eux se vexe !

Je caricature et plaisante bien sûr. La réalité est comme vous en doutez plus complexe et nuancée. 

Par exemple, pas mal de nos élèves arrivent naturellement à passer ce cap d'eux mêmes, ce fut mon cas comme pas mal de mes camarades de l'époque, mais je crois sincèrement que nous pouvons accélérer cette prise de conscience si nous mettons la décision dans le cœur même de nos pédagogies. Non pas par amour d'une liberté donnée à chacun, mais parce que décider aide par la pratique à trouver des idées, puis du sens à nos actions. Ce bien avant de pouvoir conceptualiser. Un point qui va nous forcer à aborder un peu la forte présence de l'empirisme dans notre discipline. Au point de ne pouvoir s'en passer dans notre quête de sens scénique et artistique, rendant d'autant plus nécessaire le besoin de choisir. 

Décider et pratiquer, les premiers pas d'une quête de sens artistique et créatrice. 


Allons y.
Décider crée. Même si la portée de cette création nous échappe souvent au début : l'effet de telle préparation, l'émotion dégagé par telle expression... 
Puis, une fois que nous commençons à y voir plus clair, l'envie de jouer consciemment avec les effets de nos décisions ( en terme d'émotions, de visuels ) s'impose.
  
L'ensemble constitue l'une des difficultés qui freinent la prise de décision. Ne pas comprendre le sens de nos choix n'aide pas à avoir confiance en ceux ci. Cela nous rends donc en recherche de guide, d'exemple, de compréhension. Et comme nous ne pouvons pas attendre d'être capable de disserter sur la valeur d'une attaque à la tête dans tel ou tel contexte, il faudra bien commencer à créer sans. 
Alors, partons sur un huit et… ON A DIT QUE NON ! BORDEL ! Pardon

C'est là qu'encourager la décision, trouver des moyens pour que nos élèves explorent, s'affirment malgré leur doute prend toute son importance. 
Maitriser son escrime, savoir comment elle s'inscrit dans son art, est un atour majeur. Cela donne la capacité de créer des chorégraphies en s'aidant de plus en plus de notre esprit ou de mieux comprendre comment modifier celle des autres, que ce soit à partir d'une gamme jusqu'à une création originale et complète. 
Cependant, pour atteindre ce résultat, la pratique et l'empirisme constituent un passage obligé qui perdura d'ailleurs, bien après que nous aurons commencé à nous positionner en tant qu'artiste. Nous décidons, cela semble intéressant, puis non, puis on s'interroge, on trouve que dans tel cadre c'est intéressant, moins dans un autre avant de mettre des mots sur toute l'affaire : théoriser en un mot, ce afin de mieux créer ensuite et recommencer. 
Décider pour comprendre, comprendre pour décider, pourrions nous dire. 

Ce que la gamme en tant qu'outil d'apprentissage ne me semble pas le mieux adapté. 

Attention, les gammes offrent des résultats, je ne le nie pas, mais à la condition que celui qui la propose comprenne parfaitement ce qu'il cherche avec. Et c'est davantage cette difficulté pratique à donner du sens scénique à ces enchainement qui me force à m'en méfier.
Mais n'allez pas croire que vous faites du mauvais travail si vous en usez habituellement. Je le redis, j'en use aussi. Soyons juste attentif et rigoureux sur ce que nous voulons apporter à nous même, nos camarades, élèves et public . 
 
Quoiqu'il en soit et à la vu de tout ceci, je vous propose d'aborder quelques pistes pour mettre davantage la décision dans nos entrainements et créations.   


Vous ai-je déjà dit que j'aimais Kim En Joong ?

Accompagner et s'accompagner dans nos décisions. 

Comme d'habitude, je ne vous propose pas quelque chose d'exhaustif, mais je l'espère suffisamment précis pour vous amener quelques réflexions. 

Nous aider à prendre des décisions passe par répondre aux blocages que nous pouvons rencontrer devant l'incertitude. Ci dessous, vous trouverez celles que j'identifie souvent, même si j'ai conscience qu'on peut plus subtil : l'absence d'idée, la difficulté de choisir dans un éventail de possibilités plus ou moins méconnues,  la peur de ne jamais pouvoir revenir sur nos décisions. 

Trouver ses îlots de certitudes dans un océan d'incertitude. 


Au commencement de l'enchainement était encore la cible. 

En ce qui concerne l'absence d'idée, l'un des points sur lequel nous pouvons jouer est l'ampleur de la tâche qui est demandée. Si déterminer une chorégraphie de quatre actions peut impressionner un débutant, choisir quelque chose de moins ambitieux comme une cible est tout de suite plus abordable. 
Tout comme simplifier une technique permet parfois de mieux l'aborder avant de la maitriser dans toute sa complexité. Ce qui nous renvoie encore sur la notion de cible. (Je sais, j'insiste.)
Nous n'avons peut être pas d'idée pour un enchainement, mais c'est surement différent pour une simple cible. Et si nous répétons l'opération trois ou quatre fois, nous obtenons, sans y penser, un enchainement. Même si nous avons répété quatre fois la même  (Je vous vois bande de petits malins.) 
Nous avons juste adapté mentalement notre raisonnement pour réussir la tâche.
Je ne pense pas à créer une chorégraphie ou un enchainement, mais x cibles et si je ne réussis pas à être à l'aise, j'en décide une, puis je recommence l'opération. Qu'importe si je reprends la même, que cela n'est aucun sens au final. Je décide et obtiens quelque chose ; ce qui in fine m'accompagnera petit à petit à trouver du sens. Avec un peu d'aide quand même, mais c'est déjà ça. 

Dans le doute prends la tête ! 


Le deuxième point sur lequel intervenir est d'avoir dans notre arsenal, une cible par défaut lorsque l'inspiration nous manque. Pas un enchainement ou une gamme, mais bien une cible. Cible que nous utiliserons dès la moindre hésitation. 

Elle peut aussi bien être une cible typique de l'arme utilisée ou celle que vous affectionnez.
L'idée sous-jacente c'est qu'à défaut d'avoir une idée autant prendre une cible sur lequel nous risquons peu de nous tromper, dans le sens de devoir modifier plus tard. La tête a l'avantage de la polyvalence, par exemple, mais si nous savons user d'une épée longue, la cible d'un zornhau (la jonction du cou et de l'épaule) pourrait parfaitement convenir. Tout comme l'estoc pour une épée de cour ou une rapière.
L'avantage de ces choix par défaut et d'éviter de nous bloquer sur une cible et de passer à suite. Mais aussi gagner du temps dans nos prises de décisions. De quoi constituer un îlot de certitude quand le doute nous habite. Un îlot que nous ferons fort d'exploiter dès que le besoin s'en fera sentir. 

J'ai choisis tête, puis ventre pour la première et deuxième cible. Je dois déterminer une troisième cible, mais je n'ai pas d'idée ou je ne suis pas sûr de moi. J'ai l'habitude dans ce cas d'aller à la tête. Dont acte. L'aventure continue. 
Loin d'être anodin, savoir comment se dépatouiller devant l'absence d'inspiration évite énormément de stress et d'inquiétude. Au contraire, cela ne peut que renforcer notre confiance, voire stimuler notre imagination et notre compréhension, la peur de ne pas y arriver étant un vrai frein. 

Faire et défaire c'est toujours faire. 


Enfin, cette croyance que nos choix sont définitifs.
Nous savons que c'est faux, mais il n'empêche que cette idée en mystifie plus d'un, souvent inconsciemment. Débutant comme confirmé. 

Pourtant, il est normal que nos chorégraphies évoluent en permanence : des cibles se rajouteront, s'enlèveront, nous enrichirons des passages, les simplifierons plus tard, avant de nouveau les enrichir… (je vous renvois à  Pourquoi mettre en scène l'escrime ancienne n'est pas si compliqué ; Construire et reconstruire, l'art d'enrichir ses chorégraphies.sur ses questions)
Un moment, certes, nous considérerons que l'œuvre sera terminée. Cependant ce ne sera pas parce qu'elle est objectivement finie, mais parce que d'un commun accord avec nos partenaires, nous avons conclu que nous n'y toucherions plus.

La Joconde, Léonard de Vinci. Un chef d'œuvre peut être inachevé.


Néanmoins, il semble inutile et contre productif de chercher de suite le mouvement parfait. D'une part parce que c'est un poil présomptueux et que d'autre part il existe un écart, doux euphémisme, entre ce que nous imaginons et son rendu. L'imaginaire ne peut se passer du réel. Alors, ne nous prenons pas la tête et laissons nous porter par les deux au fil de nos séances et échanges. L'un entrainant l'autre et vice versa. 
Certes, plus vous serez expérimenté et plus des fulgurances verront le jour. Une facilité acquise grâce à votre culture et vos connaissances, mais qui ne vous dispensera pas de revenir sur vos idées, les préciser, intégrer celles de vos partenaires... bref construire et déconstruire votre œuvre pour son plus grand bien. 

Remarque : je ne vous déclame pas ici une ode au chaos. Certes, la création tient un peu de ça, mais n'allez pas croire que vous modifierez aussi simplement vos décisions que vous les avez prises. Cela demande un effort supplémentaire.  Votre chorégraphie sur le long terme, développera une identité propre, rendant certaines modifications difficiles, car interdépendantes, (mais pas impossibles.). Tout comme vous aurez sûrement d'autres chats à fouetter avec vos partenaires. D'autant que leur accord sera nécessaire à toute modification (sérieux, surtout ne changez rien sans avoir leur aval !).   

Donc pour résumer notre propos sur comment nous accompagner dans nos prises de décisions: 

1 Ne pas hésiter à raisonner en cibles plus qu'en enchaînement.
2 Avoir au moins une cible par défaut en cas de panne d'inspiration. 
3 Choisir d'autant plus aisément que nous pouvons revenir à tout moment sur nos décisions.

Père castor raconte nous une chorégraphie. 

Pour finir, je voudrais insister sur le fait que nous ne travaillons pas seul. Vos partenaires seront un soutien important dans votre apprentissage. 
Par exemple, dans le cadre d'une création de duel, votre partenaire et vous pouvez dans le choix de cibles vous répartir la responsabilité de la décision : chacun choisit à tour de rôle, ou toute les deux cibles … 

De quoi discuter entre vous et vous enrichir d'autres raisonnements que les vôtres, mais vous pouvez aussi ne pas vous limiter à votre camarade et profiter du groupe entier. 

En ce sens, je voudrais vous présenter un exercice que j'affectionne particulièrement. J'ai nommé "Père Castor raconte nous une chorégraphie.".


Le castor, Renée Rose


L'objectif de cet exercice est de faire participer l'ensemble du groupe à la création d'une chorégraphie. Généralement quatre à cinq actions. 

Deux personnes, ou plus si combat de troupe, vont jouer les exécutants. Les autres vont proposer, pour chaque action, une cible, l'offenseur, le défenseur, voire la nature de la défense. Chaque proposition est soumis au vote du groupe. Par exemple si vous proposez une tête est que le groupe est d'accord dans sa majorité, elle sera validée. Dans le cas contraire, d'autres propositions seront entendues. 
Pour aider cette prise de décision collective, les exécutants jouent la cible proposée et toutes celles précédentes. Au moins de pied ferme suivi d'un développement. Cela permet au groupe de s'imprégner du visuel. D'ailleurs, si plusieurs propositions arrivent en même temps, faites les toutes tester avant de décider. 
Pour illustrer davantage, imaginons que soit soumis à l'avis du groupe un flanc comme troisième cible pour le joueur 2. Le groupe a déjà choisi tête, flanc pour le joueur 1 comme première et deuxième cibles
Les exécutants, joueront donc la tête et le flanc du joueur 1 avant de continuer avec le flanc du joueur 2. La volonté ici est d'intégrer chaque cible dans son contexte. Ce afin que les propositions du groupe s'appuie sur une situation concrète : la proposition venant du fait que, juste avant, le joueur 1 a repris au flanc et que le joueur 2 est en tierce ou en seconde haute. 

Une fois la chorégraphie "complète", chaque duo est invité à s'entrainer dessus, puis, plus tard, à procéder à des modifications ou enrichissements. ( encore une fois )

Remarque 1 : l'avantage majeur que je trouve à cet exercice est de contribuer à diluer la responsabilité de la décision à l'ensemble du groupe et non un simple duo. Sans la supprimer pour autant.

Remarque 2 : si une personne n'aime pas le choix du groupe, libre à lui avec son partenaire de modifier la chorégraphie, quand le temps sera venu, pour tester ses propres solutions. C'est ce que l'on vise après tout. 

Remarque 3 : vous vous rendrez compte qu'une fois des modifications et enrichissements fait, il sera très difficile de repérer que chaque duo est parti de la même base. Bon, c'est moins vrai si la chorégraphie n'a que trois actions, mais déjà vous constaterez une certaine diversité. 


Sur ce, il est temps pour moi de conclure cet article en vous souhaitant d'excellentes créations.
J'ai hâte de pouvoir les apprécier comme il se doit. N'oubliez pas ! Vous êtes déjà des artistes sans le savoir. Soyez confiant, amusez vous, testez, persévérez. Osez créer ! 

C'était le Baron de Sigognac. Je vous dis à la prochaine et d'ici là portez vous bien.  

Le Baron de Sigognac. 









vendredi 11 mars 2022

Armes insolites : le parapluie

J'avais déjà évoqué la self-défense au parapluie dans mon article sur les rôles féminins au XIXe siècle mais je pense que cette "arme" méritait un article à part entière. Tout comme le balai il ne s'agit pas d'une arme à part entière puisque l'on détourne ainsi clairement un objet de son utilité première qui était de protéger de la pluie. Néanmoins il s'agit d'un objet qui a véritablement été utilisé en tant qu'arme de défense et, en cela, on doit plutôt la rapprocher de la faux et de la faucille bien que le contexte d'utilisation soit fondamentalement différent.

Il convient donc de nous pencher d'abord sur son histoire avant de voir comment on pouvait (et on peut encore) l'utiliser pour se défendre.

Parapluie avec couverture en soie, manche en bois, sangle de transport en cuir et bouton en corne (1910)
dans les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam

Un accessoire destiné aux riches qui se démocratise au XIXe siècle

Si l'ombrelle est connue depuis l'Antiquité, l'histoire du parapluie commence au début du XVIIIe siècle avec l'invention du parapluie pliant en 1705. À cette époque un certain Jean Marius révolutionne le parasol-parapluie : couvert de taffetas imperméabilisé, il pouvait se plier et donc se transporter facilement. Présenté à la cour en 1710, Jean Marius obtient un privilège royal lui garantissant un monopole de 5 ans. L'invention s'est peu à peu répandue dans la bonne société française puis européenne tout au long du XVIIIe siècle. Au début, il était mal vu d'en avoir car cela supposait que l'on avait pas de voiture pour s'abriter et voyager en temps de pluie. Néanmoins il s'est peu à peu imposé au cours du siècle au point qu'en 1767, l'américain Benjamin Franklin s'étonnait que « tant d’hommes et de femmes aient toujours sur eux un parapluie pliant et l’ouvrent en cas de pluie ».

Vendeurs de parapluies et de soufflets  par Jean Duplessis-Bertaux (1760 - 1818)
dans les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam



Le parapluie n'était à l'époque utilisé que par la noblesse et la bourgeoisie riche, hommes et femmes. Ce n'est qu'à la Révolution française qu'il s'est démocratisé et a gagné toutes les couches de la société. Le taffetas huilé fut remplacé par de l'alpaga (plus léger et moins cher) et, pendant longtemps, les baleines ont été fabriqués en... fanons de baleine ! Le manche et la poignée étaient généralement en bois. Au XIXe siècle il était donc porté aussi bien par les hommes que les femmes, les ouvriers comme les bourgeois. Le parapluie télescopique n'ayant été inventé qu'au XXe siècle c'est la version longue et rigide qui a été employée pendant longtemps, et cela tombe bien, c'est la plus apte à la défense personnelle.

Femme du peuple avec un parapluie (1872)
dans les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam

Une arme improvisée pour la défense personnelle

Si au XVIIIe siècle il était de coutume pour les nobles et les bourgeois les plus aisés de porter l'épée au côté, le port de celle-ci a été interdit à la Révolution française. C'est ainsi que la canne s'est développée pour permettre de se défendre dans les rues pas toujours sûres du XIXe siècle (même si l'insécurité a souvent été exagérée, comme c'est le cas de nos jours). Le parapluie, de par sa longueur, sa rigidité et sa crosse, remplaçait souvent la canne et c'est donc logique qu'on l'ait utilisé pour se défendre.

On trouve ainsi des traces de son utilisation dans les faits divers. Et on trouve même des recueils de technique sur la défense avec cette arme. Ces techniques sont souvent présentées dans des articles de journaux ou sous la forme d'un court paragraphe dans un traité plus long. On peut difficilement parler d'une escrime élaborée au parapluie mais plutôt de principes et de techniques astucieuses pour se défendre.

Extrait du journal La Presse du 2 août 1836
 

Tout d'abord, toutes les techniques nous présentent un parapluie fermé, jamais ouvert. Celui-ci peut ainsi être utilisé à une ou à deux mains. À une main il sera tenu par la crosse, de la façon classique et c'est essentiellement la pointe que l'on utilisera. On peut ainsi porter des coups d'estoc très douloureux à la poitrine et même mortels si ils transpercent l’œil de l'adversaire. On est ici assez proche de l'escrime à au fleuret avec une arme un peu moins maniable et équilibrée mais qui reste dangereuse. On peut éventuellement donner des coups de taille comme si il s'agissait d'une canne mais ceux-ci seront atténués par le tissu du parapluie et n'auront probablement pas une grande efficacité, néanmoins on peut envisager de détourner des attaques portées à l'aide d'autres armes avec le parapluie.

Utilisé à deux mains on le tient plus fermement mais on a forcément une portée bien moins importante et l'on se retrouve facilement à distance de corps à corps. Notons néanmoins qu'il est possible de tenir l'arme à deux mains mais d'envoyer des coups à une main pour surprendre l'adversaire avec une portée plus grande. À deux mains on peut frapper de la pointe en estoc mais également de la crosse dans des coups de taille ou d'estoc. La crosse peut également être utilisée pour saisir des membres, des armes voire la nuque de l'adversaire. Au final on se retrouve avec une arme improvisée plutôt efficace pour la défense, capable aussi bien de faire mal que de déstabiliser un adversaire.

Roger Lafond, fondateur de la méthode Lafond démontrait dans les années 90 les méthodes de défense au parapluie à la télévision française (émission Coucou c'est nous ! sur TF1)

Le parapluie en escrime de spectacle

Si le parapluie était largement répandu au XVIIIe siècle, c'est plus dans des scénarios du XIXe siècle et même de la fin de celui-ci et du début du XXe siècle qu'il trouvera sa place (voir mon article). Comme on l'a vu il pouvait équiper toutes les couches de la société et tout type de personnage en portera. On l'imaginera plus volontiers dans les mains des "gentils", des passants agressés qui utilisent ce qu'ils ont pour se défendre. En effet, il y a d'autres armes pour agresser et on prendra plus facilement un gourdin, un couteau voire une canne. Il fera une arme idéale pour une femme qui n'est pas censée en porter à cette époque.

Pour ce qui est des scénarios, celui de l'agression est évidemment le plus évident. On peut tout aussi bien l'intégrer dans des combats de groupe que dans des combats individuels. Mais on peut également l'imaginer dans les mains d'un enquêteur audacieux comme Sherlock Holmes ou le John Steed de Chapeau melon et bottes de cuir (Avengers). Celui-ci (ou celle-ci) peut aussi bien porter sciemment cette arme improvisée que se battre avec ce qu'il peut trouver à porter et donc, entre autres, un parapluie.

 

Image issue du journal The Idler - 1908

Une autre remarque : il n'est pas forcément intéressant, aussi bien scénaristiquement que visuellement de voir s'affronter deux personnages tous les deux armés de parapluies. L'effet défense avec une arme improvisée contre une véritable arme reste plus intéressant, et comme les techniques sont assez pauvres on peut alors jouer sur les différences d'allonge, les différentes prises et, évidemment, mêler les techniques de parapluie avec des coups de pieds de boxe française ou des techniques de lutte ou de jiu jitsu d'époque. Deux personnages se battants seuls à coup de parapluie feront probablement un effet un peu étrange et l'on aura assez peu de techniques à montrer.

Enfin, si j'en parle d'un point de vue de self défense, donc un style de combat plutôt réaliste et un peu "sale" ce n'est pas forcément le seul angle artistique sous lequel on peut aborder cette arme. On peut aussi imaginer un combat très stylisé, dansant, sous des airs connus comme Singing in the rain par exemple. À vous d'inventer ce qui vous plait !

 

 Imaginez un combat sur cette chanson ! Vous voudriez forcément un parapluie non ?

***

J'espère vous avoir présenté cette arme et vous avoir donné envie de l'utiliser dans un ou deux spectacles. Ce n'est évidemment qu'une arme improvisée, insolite et non une arme qui fait l'objet d'un corpus fourni de techniques subtiles. Néanmoins elle fera probablement son petit effet vis à vis des spectateurs, notamment de par le fait qu'il s'agit encore d'un objet familier pour eux.

Quelques références :

Article sur l'histoire du parapluie sur le site Histoire pour tous.

Un autre article sur l'histoire du parapluie sur le site Hérodote.

L'Histoire du parapluie sur l’Encyclopedia Universalis

Article du San Francisco call du 8 novembre 1908 sur la self défense féminine.

Article du journal The Idler de 1908 sur la défense féminine

Article du Journal des voyages du début du XXe siècle sur l'escrime au parapluie

Manuel d'escrime de R. G. ALLANSON-WINN et C. PHILLIPPS-WOLLEY sur la broad-sword et le single-stick où l'on trouve un chapitre sur le parapluie


vendredi 4 mars 2022

Construire et reconstruire, l'art d'enrichir ses chorégraphies.

Donc on est bien d'accord, huit, huit cass... Je m'en fous que t'appelle ça croix ! Je disais, huit cassé et un chassé. Le reste c'est trop technique ! 
Baron de Sigognac, Team trop technique

Bonjour à tous, ici le Baron de Sigognac pour vous desservir.  

Lors de mon dernier article, Pourquoi mettre en scène l'escrime ancienne n'est pas si compliqué, nous avions abordé comment, selon moi, décomplexifier une technique ou un enchainement pour la rendre abordable selon les niveaux du groupe.

Aujourd'hui nous allons comme promis, parler de la situation inverse et voir comment j'envisage de complexifier progressivement un enchainement connu ou en cours de création. Soit, le construire jusqu'à sa forme finale.

Du moins,  j'aimerais poser les étapes que je suis, en dehors de tout contexte ou cadre qui peuvent amener des ajustements. Une vision générale en somme sur laquelle je m'appuie dès que nécessaire et par défaut. Vision que j'aurai l'occasion de recontextualiser dans une approche davantage scénique dans d'autres articles. Donc, si vous avez l'impression que je ne parle pas assez ou du tout de scène en général, c'est normal. Je m'en excuse par ailleurs.  

Cette précision étant faite, commençons !


C'est précis. Ca pique, mais c'est précis. 

Au commencement étaient les cibles. 

Part importante et malheureusement délaissée, de temps en temps : déterminer et connaitre précisément les cibles, est une phase essentielle. Je sais, j'enfonce des portes ouvertes pour la plupart d'entre vous, mais il faut bien commencer

La petite plus value que je pourrais, peut être, vous rajouter c'est de vous souvenir que, quelles que soient vos préparations et leur complexité, l'arme doit VRAIMENT s'arrêter vers la cible choisie. Plus l'offenseur (voire contre offenseur) sera précis sur ce point, plus le geste sera sécurisé et source de confort pour le défenseur. Toujours cette histoire de cercle vertueux entre confiance, douceur et justesse.

Les cibles sont donc votre premier sujet à éclaircir, ce à travers trois étapes que je classe souvent dans cet ordre : Où, Qui, Comment. 

En ce qui concerne le où, les cibles fondamentales en escrime seront généralement votre support : tête, figure, ventre, flanc... 

L'avantage est qu'elles sont généralement connues de tous, et ne nécessitent pas beaucoup de discussions avec vos partenaires, pour peu qu'ils ne soient pas de parfaits débutants. Dans ce dernier cas, ce sera l'occasion idéale pour leur inculquer une part de notre savoir commun. 

Cependant, il se peut que vous ayez besoin, un jour, d'une cible plus originale. Dans ce cas, après vous être assuré qu'une cible plus classique n'aurait pas fait l'affaire, (sérieux, vérifiez ça !) n'hésitez pas à discuter avec vos partenaires pour que tout le monde soit d'accord. L'originalité crée une imprécision qu'il convient de combattre par le dialogue. Toujours le dialogue, en tout temps. Ne serait-ce que pour déterminer précisément où la lame s'arrêtera.

Le milieu du crâne n'est pas son côté gauche !

Ni ce crâne non plus ! Et puis, c'est quoi ces armes là !

Pour le "qui", peu de difficultés tant que nous nous mettions d'accord sur qui offense et qui défend. La complexité sera davantage scénique pour juger qui a intérêt à porter l'attaque : est ce que faire attaquer sans riposte quatre fois la même personne a du sens dans votre histoire ? Ce genre de question. 

Seulement, sur la partie technique, cette étape n'offre que peu de points à relever. Faites juste attention à bien vous comprendre et vérifier que les cibles, le où, soient respectées. Tout comme l'ordre établi : sur un enchainement tête, flanc, estoc, nous verrons toujours en premier une tête, puis un flanc et enfin un estoc, qu'importe l'auteur de l'offensive. 

Enfin le "comment". C'est ici, dirons nous, que les affaires sérieuses commencent ; que ça devient intéressant. 

En effet, la façon d'aller à la cible, fait rentrer toute la complexité technique du geste. En plus du travail de la main, se rajoute celui des jambes, mais aussi leur coordination, les préparations éventuelles de main et / ou de jambes. De quoi s'y perdre si on y est pas habitué.

Le "Comment", ou s'adapter à la complexité. 

Partir de l'offensive simple de pied ferme, puis l'enrichir. 

En effet, de multiples questions peuvent se poser, surtout quand notre bagage technique s'étoffe.

Dois-je faire un battement, une feinte, un déplacement latéral croisé en préparation, un demi, rester sur place ? Dois-je me défendre par une parade, une esquive ? Autant d'interrogations à la Prévert qui savent déstabiliser même les plus aguerris d'entre nous.  J'exagère ? Oui un peu. 

Néanmoins, devant cette problématique, l'idée que je défendrai dans un premier temps, serait de voir en l'offensive simple de pied ferme comme votre geste le plus simple et toute modification comme un enrichissement de ce dernier.

Des préparations de jambes ? Un enrichissement. Des attaques aux fers ? Un autre enrichissement etc...

Quand nous commençons à travailler une chorégraphie, une fois le "où" et le "qui" définis, nous ne savons pas forcément à quel niveau de technique nous allons faire appel pour simuler les offensives et défensives. Cela peut aussi bien rester simple, dans le cadre d'un personnage maladroit, tout comme partir sur un travail précis d'attaque au fer, accompagné de préparation de jambes toutes en finesse et fréquence ; nous serions plus sur un artiste (voir l'article sur les personnages). Quoiqu'il en soit, si la cible est la tête, cela terminera… à la tête avec juste un changement d'exigence dans le travail technique et scénique. Ce que partir de pied ferme permet d'englober.


Surtout qu'on a parfois peu de place, mvoyez

En effet, connaître l'enchaînement final désiré ou la nature de son personnage peuvent aider à fixer avec son partenaire jusqu'à quel degré technique nous souhaiterions aller. Mais, à l'inverse, il peut arriver que ce soit en fixant, sans but précis, la complexité / richesse technique de chaque action, que nos personnages vont se trouver. Le point commun dans ces situations, c'est la nécessité de travailler à son rythme pour atteindre la richesse technique voulue ou celle qui s'imposera à la longue. 

De fait, partir de l'offensive simple de pied ferme, permet de manier la cible dans un premier temps, puis de se poser la question avec ses partenaires si nous allons rajouter des éléments, "enrichir notre geste", ce petit à petit, que ce soit pour l'offensive ou la défensive. Chaque rajout étant alors travaillé jusqu'à être maitrisé avant de passer à plus complexe. 

Après, il n'en demeure pas moins qu'avec ce principe restent une multitude d'enrichissement possible, même en restant que sur l'aspect technique ; que ce soit dans les déplacements, latéraux, diagonaux…  les préparations aux fers, les feintes… 
De quoi toujours s'y perdre ou laisser faire le hasard. Et comme on dit, laisser faire le hasard, c'est pour le moins hasardeux... Pardon pour celle là.  
Fort de ces éléments, s'interroger sur un ordre, des priorités tout du moins, plus ou moins stricte, entre ces diverses évolutions de nos gestes semble important. 

Construire sa richesse du jeu, oui, mais selon un certain ordre quand même : on est pas des sauvages, non mais. 

En ce qui me concerne, je me suis fixé sur la préférence ci dessous. Préférence sur laquelle je n'ai aucun problème à bouleverser la hiérarchie, au besoin. Voyez davantage comme un guide sur lequel je m'appuie quand je n'ai pas mieux. Je ne saurais que trop vous conseiller, d'ailleurs, d'avoir ce type de "procédures" "faute de mieux" dans différents aspect de vos créations : cibles, répartitions, déplacements...


Plus ou moins


J'aurais l'occasion d'en parler davantage dans mon prochain article, mais par exemple si vous ne savez pas comment vous déplacer ou manquez d'inspiration, vous pouvez vous imposer d'aller dans le même sens que votre cible, par défaut. Le temps de voir. 

Revenons à mon ordre : 
  1. Offensive simple de pied ferme
    • distance d'allongement du bras en se rappelant qu'on est à distance de touche avec le faible pour taille et entaille et qu'en cas de coup d'estoc on est hors de cette distance : la pointe s'arrêtant avant sur un bras allongé, bla bla bla... tu sais. 
  2. Offensive simple sans préparation
    • Départ de pied ferme suivi d'un développement : fente, demi passe, changement de garde, marche, latéral, linéaire, diagonale… 
  3. Offensive simple avec préparation de jambe
    • Faire précéder votre développement de préparation de jambes 
  4. Offensive simple avec préparation de jambe et de bras
    • Rationaliser ses gardes et positions de mains pendant les préparations de jambes
    • Rajouter les préparations au fer
  5. Offensive composée avec préparation de jambe et de bras
    • Intégrer des feintes à nos offensives

Il est bien sûr, inutile de vous forcer à travailler vos cibles jusqu'aux offensives composées. Cela peut être intéressant pour sonder les possibilités, si vous n'avez pas d'idées. Par contre, si une offensive simple tête par attaque au fer vous convient, restez y ! Il y a déjà suffisamment à travailler
Vous noterez d'ailleurs, que cela permet sur le papier de revenir à la forme originelle d'une technique,  que nous aurions déconstruite, simplifiée comme vu dans mon dernier article. Les étapes à atteindre étant connues dès le départ. 


Bref, voici comment je procéderais ... bon, en fait... pas vraiment.

Points importants à nuancer parce que la réalité c'est jamais simple OK ! 

Comme vous vous en doutez, ce que je viens de vous proposer est ok dans l'éther, mais connait des adaptations dans la réalité. Je dirai même, sans honte,  que j'en suis revenu, mais que je trouve important de vous en parler aujourd'hui pour mieux saisir ce qui viendra la prochaine fois que je prendrai la plume. Ce pour parler davantage de création. 

C'est pour ces raisons que je n'expliquerai pas trop le pourquoi du comment de cet ordre, au profit de différentes remarques afin de nuancer mon propos.

Je ne le tue pas ! Je l'aide à se détendre. Définitivement !

Attention,  ce que je viens de vous décrire n'est pas "faux". Cela reste, à mon sens,  fonctionnel, mais s'est juste avéré à la longue et pratique, incomplet. Néanmoins, comme cette étape de ma réflexion fut importante dans ma construction personnelle, je pense nécessaire de vous en faire part, quitte à agrémenter la chose de ces quelques mises en gardounettes. 

Remarque 1 : je n'aborde pas pour alléger ma liste, le travail défensif qui est pourtant lié à celui de l'offensive et a donc toute sa place. Considérez que le travail de préparation suit le même ordre et qu'avant de passer aux préparations au fer, vous pouvez avoir déjà décidé avec votre partenaire si vous parez ou esquivez l'offensive
Ce point aura une incidence majeure sur la simulation de l'offensive et de sa cible que vous devrez parfois troquer pour un équivalent plus facile à esquiver : viser réellement la figure pour une esquive latérale n'est pas en général une "bonne" idée. 

Pour une bonne approche académique du sujet, cette vidéo sera parfaite :



Remarque 2 : toujours par souci de clarté, je n'évoque pas le cas de la contre offensive, mais elle peut se construire de la même façon. Je vous suggère, toutefois, de l'aborder qu'après avoir fini de vous interroger et travailler, le cas échéant toutes les étapes des offensives.  

Remarque 3 : la position de l'attaque composée aussi loin dans la complexité m'était apparue comme préférable, de par l'exigence de sa gestuelle et de sa rythmique. Cependant, ce n'est pas un choix, là encore, gravé dans le marbre, il n'y aurait rien de choquant à le mettre plus bas dans liste, avant les préparations au fer par exemple. 


Remarque finale : Si vous avez été attentif à mes autres articles, ( A travers le débutant et l'urgence : l'art de mettre en confiance. ; Pourquoi mettre en scène l'escrime ancienne n'est pas si compliqué. ) vous conviendrez que mon point de départ en pied ferme est en opposition avec mes propos sur la mise en confiance et la décontraction du corps. Cela est du à une différence que je fais entre la recherche d'expressions corporelles, de formes et leur consolidation. Cela sera l'un des sujets de mon prochain article, quitte à en faire plusieurs si nécessaire.


Voilà, j'espère que vous pourrez trouver dans mon article matière à réflexion. Je n'ai pas la prétention de vous dire quoi faire, surtout que nous avons tous plus ou moins nos manières, mais si je peux apporter mon aide sur ce vaste sujet qu'est l'art de construire une chorégraphie et plus généralement, créer.

Parlez vous, n'allez pas trop vite, écoutez vous et surtout, kiffez vos combats.


C'était le Baron de Sigognac, tout droit sorti de sa grotte. Portez vous bien et à la prochaine fois.