lundi 28 août 2023

Ne ratez pas votre premier coup ! (vidéo)

Et non, avec le Baron de Sigognac nous n'avons pas fini de chercher les erreurs qui amollissent vos combats, les rendent moins dynamiques, moins vivants (sans même parler de réalisme). Et réjouissez-vous, nous avons identifié une nouvelle erreur dont on vous parle rarement, ou du moins pas explicitement* ! Votre joie sera (du moins nous l'espérons) encore plus grande lorsque vous apprendrez que nous avons eu l'occasion de nous rencontrer pour croiser le fer et surtout vous tourner une petite vidéo démonstrative devant les ruines d'un vieux pont romain.

Nous vous parlerons donc ici d'attaquer en mouvement et du dynamisme que cela apporte à votre premier coup. Vous trouverez la vidéo complète en fin d'article.

Nota Bene : Cette vidéo n'est pas exempte de défauts. Elle at été tournée en 2 heures, création des mini-chorégraphies comprise. Ainsi le choix de la garde du taureau au dussack pour donner une attaque de taille n'était probablement pas le meilleur mais c'est tourné comme ça. De même nous avons fait avec les armes disponibles (celles du Baron) et donc vous verrez des techniques d'épée de cour avec une rapière à lame triangulaire mais on espère que vous nous pardonnerez.

Le problème de commencer à distance d'attaque

Généralement c'est ce qu'on vous propose, presque tous les entraînements ou démonstrations se font à distance d'attaque. Distance d'estoc, distance de taille, nous n'entrerons pas ici dans les détails ce que nous critiquons ici c'est le fait de se placer à l'une de ces distances d'attaque et de généralement y stationner quelques secondes avant de lancer sa première attaque.
Alors oui, cela reste intéressant pour les escrimeurs débutants ou de peu d'expérience qui ont ça de moins à gérer. Mais en dehors de ceux-ci c'est dommage de la part de toutes celles et ceux qui, plus expérimentés, connaissent bien leur distance d'attaque.
Tout d'abord ce placement n'est pas toujours facile et on peut avoir tendance à faire de petits pas très visibles et plutôt moches puisqu'ils sont ensuite marqués d'un arrêt (et d'une attaque 1 ou 2 secondes après). C'est plus vrai pour les moins expérimentés, les bon escrimeurs sont en général capables de mieux se placer.
Ajoutons que se parler ou se menacer directement à distance d'attaque n'est pas très réaliste, toutes les personnes ayant une expérience du combat en opposition doivent d'ailleurs le ressentir : vous n'aimez pas rester dans une distance où vous pouvez vous faire attaquer à tout moment. Généralement vous préférez être un peu plus loin, moins en danger, pour avoir le temps de réfléchir à une stratégie.
Vous me direz que vous ne cherchez pas le réalisme (tout le monde se cache derrière ça), admettons, mais cela ne vous enlèvera pas un défaut majeur du fait de commencer à distance d'attaque : votre premier coup manque de dynamisme ! Et oui, vous étiez statique ou presque et vous amorcez soudain un mouvement. Il faut vraiment beaucoup d'énergie pour rendre ça crédible. Vous n'êtes pas en action, vous n'êtes pas dans l'énergie comme on dit, vous amorcez juste le mouvement et ce démarrage est rarement aussi vif que quand vous êtes déjà lancé
 
 

Notre vidéo d'illustration

Commencer à distance de marche-fente

La solution est, vous l'avez compris, d'amorcer le mouvement plus tôt et pour cela il faut que vous soyez plus loin. Vous pouvez donc commencer à distance de marche-fente, ou de passe-avant-fente, ou de passe ou marche ou ce que vous voulez - attaque pour les armes où on ne se fend pas (typiquement toutes les armes médiévales). L'idée est de faire un mouvement pour se mettre à distance d'attaque et d'attaquer dans le même mouvement, de taille ou d'estoc. 

Comme vous attaquez de plus loin vous devez donc, pour rendre l'attaque crédible, exploser rapidement sur votre mouvement. Ainsi, au moment de lancer l'attaque vous êtes déjà en mouvement, l'énergie est "activée" et votre attaque a plus de dynamisme. Le public pourra sentir la différence. Évidemment pour faire cela il faut à peu près maîtriser votre distance d'attaque pour bien vous placer à l'origine. Néanmoins vous pouvez tout à fait vous corriger en faisant un pas plus ou moins important. La taille du déplacement permet aussi d'attaquer tout aussi bien d'estoc (petit déplacement) que de taille (plus grand déplacement car la distance de taille est moins importante).

D'un point de vue du réalisme, mais aussi du récit du combat, c'est plus logique : vous être hors de distance de danger et l'attaquant n'y rentre que quand il a pris la décision d'agir. Ainsi le hors distance permet de marquer les pauses entre les phrases d'armes, celles où l'on récupère, ou l'on s'observe, mais aussi celles ou la tension du combat peut monter en puissance si l'on se débrouille bien. Et tout ce qui se passe à distance c'est le combat et un combattant refusant de reculer hors distance ou de laisser l'adversaire le faire raconte sa hargne, sa volonté de s'accrocher au combat.

 

Notre vidéo d'illustration

Commencer le combat hors de la distance de mise en garde

Nous avons donc ici deux distances : la distance de combat où le danger d'une attaque est constant et le hors distance où on a un peu plus le temps de voir une attaque arriver. On y est en danger mais moins. Ajoutons donc une troisième distance : le hors garde.

Il s'agit de la distance où vous êtes trop loin pour que l'adversaire puisse vous attaquer, même avec une vélocité extraordinaire. À cette distance, vous n'avez pas besoin d'être prêt immédiatement à recevoir une attaque et vous n'êtes donc pas obligé d'être en garde ni même de porter une arme à la main. C'est la distance où vous pouvez discuter, vomir votre haine de l'adversaire, vous moquer de lui, le provoquer, vous confondre en excuses... jouer la comédie quoi ! Elle est importante au début du combat mais également pour l'histoire si vous avez des trucs à vous dire, cela sera souvent mieux sans être en garde !

C'est également un code pour le public : à une certaine distance vous n'êtes pas en garde voire vous n'avez pas dégainé votre arme et lorsque vous arrivez à une certaine distance vous vous mettez en garde, la tension monte d'un cran. De même si vous reprenez de la distance, abaissez votre arme, la tension retombe un peu, vous permettant de jouer avec cela.

 

 Notre vidéo d'illustration

Se tourner autour et se provoquer

Enfin, pour rajouter encore plus de dynamisme et de réalisme on peut ne pas juste se contenter d'avancer en ligne droite mais vouloir contourner, casser la distance autrement, se provoquer, rentrer dans la distance, en ressortir, menacer, réagir etc.  La Maître d'Armes Florence Leguy en parlant de cette phase évoque l'idée de deux lions qui se tournent autour, se provoquent, cherche à intimider l'autre avant le combat. Les récits de rixes nous montrent aussi ça, cette phase où l'on se cherche, où la pression monte, où l'on se met en condition avant le déclenchement du combat par la première attaque.

Tout cela fait un début de combat plus crédible mais aussi cela permet déjà de poser les personnages que nous verrons dans le combat. On joue ainsi avec son corps : qui provoque, qui réagit, ou ne réagit pas: cela donne un indice sur les compétences, le caractère des protagonistes. Et surtout cela permet de faire monter en tension le spectateur qui ne sera délivrée de celle-ci que par le déclenchement d'un attaque. Là encore on peut en profiter pour jouer avec lui.

 

 Notre vidéo d'illustration

 ***

Nous nous arrêterons là pour aujourd'hui mais sachez qu'on peut évidemment varier encore plus le premier coup. Nous n'avons pas évoqué les contre-attaques (ou attaques sur la préparation) qui font que c'est finalement celui qui avance qui subit l'attaque, ni tout le travail au fer qui peut précéder une attaque, pas plus que les attaques composées et autres feintes. Toutes donnent de la vie au premier coup et évite ces débuts un peu mous qu'on voit trop souvent. Cela sera probablement l'objet principal ou secondaire d'autres articles ou vidéos. D'ailleurs nous avons tourné une seconde vidéo le même jour, donc wait and see....

*Alors nous ne prétendons pas que personne ne fait jamais ça. À vrai dire dans le haut niveau les gens le font plus ou moins naturellement. Ce que nous disons c'est que, ni moi ni le Baron, n'avons entendu cette histoire  d'attaque en mouvement théorisée ou juste expliquée dans un stage ou une formation. Personne n'en parle même si ça devient instinctif. Quand aux distances plus longue dont nous parlons après, nous ne l'avons entendu théorisé que dans la bouche de Florence Leguy à qui nous devons d'ailleurs beaucoup pour avoir été capables de penser cet article.

 

La vidéo complète