jeudi 5 août 2021

Non, non et non, ne faites plus ça avec une épée longue ! (vidéo inside)

Voici un article un peu particulier puisqu'il s'appuie sur une vidéo que nous avons tournée. Si celle-ci se suffit en elle-même, l'article est là pour donner quelques explications complémentaires à ce que nous montrons. Nous nous appuierons donc sur des extraits de celle-ci pour cet article. Si vous n'avez pas vu la vidéo complète vous trouverez un lien à la fin de l'article.

Comme expliqué en introduction, nous avons voulu revenir sur cet article où nous expliquions ce qui n'allait pas dans la plupart des combats d'escrime médiévale de spectacle auxquels nous pouvons assister. Après avoir écrit il nous fallait donc montrer. Nous avons eu l'occasion de le faire et nous avons ainsi pris deux épées, une caméra et après avoir recruté une troisième comparse nous avons filmé quelques techniques. Nous nous sommes ici concentrés sur des choses très basiques, il en manque donc beaucoup mais une vidéo mets du temps à être tournée et ils nous était clairement impossible de tout prendre en compte, sans compter que l'attention n'est pas non plus la même et que le spectateur aurait probablement été lassé beaucoup plus vite que sur un article écrit.

Je vous propose donc d'analyser un peu plus en détail trois éléments présents sur la vidéo.

Épée longue dans les collection du Musée de Leeds (1430-1450)
 

La tenue de l'arme et les attaques

(vidéo en fin de paragraphe)

La première erreur que l'on fait est souvent de mal tenir une épée longue. Beaucoup de gens tiennent les mains très rapprochées et serrent à fond le pommeau. Il est résulte des coups moins maîtrisés, de plus amples mouvements et une certaine brutalité. La meilleure méthode consiste à tenir la main directrice au niveau de la garde et l'autre main au niveau du pommeau. Celle-ci doit à peine tenir l'arme et doit être très mobile pour jouer sur l'effet de levier. Ainsi les coups sont aussi bien portés avec les bras qu'avec l'effet de levier. Celui-ci rend l'arme très véloce et permet des changements de direction de la lame très rapides, bien plus qu'avec une arme à une main. On met également moins de force et on retient son coup plus facilement.
Notons, pour être tout à fait précis, que la position avec les deux mains serrant le pommeau, plus ou moins écartée est également attestée historiquement. Ce n'est donc pas une faute historique de procéder ainsi, mais dans le cadre d'un combat de spectacle cela n'a aucun intérêt. Le public n'a qu'une infime chance de le remarquer et l'on recherche d'abord la vélocité et, surtout, la maîtrise de son arme. De fait, pour des raisons de fluidité de l'escrime mais aussi de sécurité, nous recommandons fortement de tenir la main non-directrice au pommeau.

La façon d'attaquer ensuite découle directement de cette tenue de l'arme. Dans le cadre d'une escrime civile il n'y a pas forcément besoin d'asséner d'énormes coups de butoir extrêmement armés. Martialement ça n'est pas sans intérêt, pour rendre difficile certaines parades, mais c'est loin d'être la seule option et, à moins de jouer certains personnages du type "brute" (voir mon article sur les types de personnages), ce n'est pas la meilleure option. Des coups moins armés, sans avoir besoin de grands couronnés sont bien plus rapides et secs, donnant une meilleure impression martiale. Je l'ai déjà dit ailleurs mais n'oublions pas que les épées longues, contrairement aux rapières à lame triangulaire, sont grandes avec un tranchant relativement large. Elles prennent donc bien plus la lumière par elle-même et sont bien plus visibles du public. De plus, même si nous nous attachons à rendre l'escrime la plus nerveuse possible, celle-ci reste tout de même un peu moins vive que ce que l'on peut faire avec une rapière à lame triangulaire et il n'y a donc pas besoin d'exagérer outrageusement le mouvement pour que l'on ait le temps de le comprendre.

Enfin, si vous voulez enchaîner quelques coups (ce qui demande tout de même à se justifier dans le scénario du combat) nous vous conseillons d'utiliser la technique du Zwerchau qui consiste à frapper alternativement avec le tranchant et le faux-tranchant de chaque côté, en gardant la lame plus ou moins sur le même axe horizontal. Cela permet de gagner en rapidité et justifie (en partie) un enchaînement de coups.


Les parades

Une autre erreur très fréquente est de pratiquer essentiellement des parades "de tierce" ou "de quarte" à l'épée longue. Si vous faites de simples parades d'opposition vous remarquez vite qu'il vous est alors difficile de riposter rapidement après une telle parade. En fait ce type de parade n'est pas vraiment attesté dans les traités de l'époque, ou ne serait alors qu'une parade de panique, de dernière minute, la chose à ne pas faire et l'on comprend pourquoi. Du coup, instinctivement, beaucoup d'escrimeurs poussent un peu leurs parades de manière à faire une sorte de semi parade du tac et c'est en fait très logique ! Alors pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et frapper directement l'arme adverse avant de riposter, soit dans le mouvement, soit en remontant en faux ou en vrai tranchant. Vous pouvez le faire depuis une garde basse comme dans la vidéo, vous n'aurez alors que très peu d'efforts à faire grâce à l'effet de levier que vous donnerez. Mais vous pouvez aussi le faire depuis une garde haute où la gravité vous aidera, ainsi vous aurez besoin de moins de force que l'on pourrait croire. En général, en escrime germanique, les mêmes coups sont utilisés pour attaquer et pour parer, sauf qu'on doit arrêter les coups pour attaquer quand la pointe arrive au niveau de l'ennemi alors que les coups pour parer doivent être poursuivi jusqu'à se retrouver dans une autre garde (garde basse depuis une garde haute et inversement).

Si cependant vous tenez vraiment à faire une parade d'opposition, ou surtout que vous êtes un peu pris ou prise de court vous pouvez alors tenter une parade "par suspension" qui correspond plus ou moins aux "prime", "seconde" et "none" que nous connaissons. Il convient de lever l'arme bien haut, la garde au-dessus de la tête pour protéger celle-ci avec le fort de la lame. Cette parade met moins à l'abri d'un enchaînement d'attaques par l'adversaire en Zwerchau, mais elle permet néanmoins de riposter facilement par un coup venant du haut.

Enfin, si vous voulez absolument parer en "quarte", assurez vous alors de le faire, non pas la pointe haute mais dirigée vers l'adversaire afin de pouvoir riposter en estoc. Vous pouvez le faire en vous éloignant du chemin de l'arme par en pas sur le côté ou, comme dans la vidéo, en utilisant la vota stabile préconisée par Fiore dei Liberi et vous mettre en position à la seule force de la rotation de vos hanches et de vos talons.

 D'autres techniques

Il convient enfin de faire un sort à quelques techniques ou situations que l'on voit souvent et qui ne correspondent pas à grand-chose. On commencera par les froissements qui ont pour principal effet de donner de l'élan à un coup pour l'adversaire tandis que l'on doit remettre sa propre arme en place après cette technique. Je n'ai pas souvenir d'en avoir vue la trace dans une quelconque source historique d'ailleurs. À la place vous pouvez soit frapper l'arme adversaire dans une parade soit directement opposer une contre-attaque (pour les escrimeurs et escrimeuses de spectacle un peu expérimentés cependant).

Faisons ensuite un sort à la volte qui n'est pas plus historique à cette époque qu'aux trois siècles suivants et qui est encore un peu plus ridicule avec une épée médiévale, surtout quand on attaque en première intention avec (ça s'est vu) !

Le cas du liement est un peu plus compliqué. Si on a souvent des situations de départ où les armes sont liées et où l'on attaque en coulé on ne trouve pas vraiment ces situations où l'on fait passer les lames d'un côté ou de l'autre en contrôlant celle de l'adversaire. Il lui est bien trop facile de se dérober. Non, le liage des armes est plutôt présent dans les échanges d'estoc, dans les pressions pour tromper l'adversaire ou dans la préparation d'une technique de corps à corps. Mais on ne voit pas ce genre jeu de force un peu maladroit auquel on assiste trop souvent dans des combats de spectacle médiévaux.

Enfin, le classique face à face, fort contre fort où les deux adversaires opposent brutalement leurs puissances physiques en tâchant de rejeter l'autre au loin... Eh bien en fait il y a tellement de techniques pour vaincre l'adversaire à partir de cette situation que personne ne cherchera à se retrouver dans celle-ci ! Nous en avons choisi deux mais il y en a au moins une dizaine.


***

Pour conclure nous espérons, comme dit dans la vidéo, que vous prendrez en compte nos critiques et recommandations. Ne le prenez pas mal, nous aussi nous avons fait la plupart de ces techniques avant de nous renseigner et de comprendre que, clairement, il fallait faire autre chose. Essayez, vous verrez que vous serez plus à l'aise, plus fluides, plus rapides et même plus beaux. L'escrime médiévale paraîtra ainsi moins brutale et plus technique, plus jolie. Libre à vous de la rendre néanmoins plus brutale, c'est possible même avec ces coups historiques !

Pour notre part nous avons bien aimé tourner cette vidéo et il y en aura probablement d'autres quand nous pourrons les tourner, sur la suite de ce sujet mais aussi sur d'autres sujets puisqu'une démonstration en images vaut souvent mieux qu'un texte, même si les deux peuvent tout à fait se compléter. Nous vous laissons donc avec la vidéo complète :



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