samedi 10 novembre 2018

Monter un combat de pirates - 2nde partie : armement et techniques de combat

Il s'agit de la seconde partie de mon article sur les combats de pirates. Après avoir vu le contexte, les scénarios et les costumes en première partie nous abordons ici l'armement et les techniques de combat. Je rappelle que je concentre toujours mon propos sur l'âge d'or de la piraterie soit le premier quart du XVIIIème siècle même si la thématique nous oblige à élargir un peu plus la période pour trouver des sources. Les deux traités qui reviendront le plus souvent sont ceux du français Pierre Jacques François Girard de 1735 et du Capitaine anglais John Godfrey de 1747.

Armes servant à la marine dans les Mémoires d'Artillerie de Pierre Surirey de Saint Remy (1696)
A : épée montée, B :  fourreau d'épée, C : pommeau, D: corps de la garde de l'épée, E : garde d'épée F : poignée torse, G : virolle, H : crochet de fourreau, I : bout de fourreau d'épée, K : sabre de cavalier à deux tranchants, L : sabre ou lame courbe & à dos, M : corps de la garde du sabre.

Manières générales de combattre des pirates (et de leurs ennemis)

Il convient d'abord d'essayer d'évaluer le niveau de connaissance de l'escrime des pirates. J'ai dit, dans la première partie que les pirates étaient d'anciens marins ou d'anciens corsaires. Rappelons-nous que les mers n'étaient pas sûres à l'époque et que c'est pour cela que tous les navires avaient des canons et des armes. Il n'est donc pas impossible de supposer que certains marins puissent connaître au moins des rudiments de combat. Pour ce qui est des corsaires et autres flibustiers rappelons-nous que leur objectif était de prendre le navire adverse et non de le couler et qu'ils étaient donc rompus à l'abordage. L'abordage impliquant le combat rapproché il est fort probable qu'ils connaissaient quelques techniques ou astuces pour vaincre. Les pirates de Nassau sont les héritiers des flibustiers de la Jamaïque issus de l'armée de Cromwell un demi-siècle plus tôt.

Bernesson Little dans son article sur le sabre d'abordage nous indique que le capitaine corsaire  Duguay-Trouin engagea un prévôt d'armes pour former son équipage à la fin du XVIIème siècle. Il évoque également Jacob de Bucquoy, prisonnier du pirate John Taylor, qui indique que l'équipage s'entraînait régulièrement à l'escrime et fait remarquer que les pirates étaient bien mieux entraînés et disciplinés que les équipages de la Compagnie des Indes néerlandaise (Jacob de Bucquoy - Zestien Jaarige Reize Naa de Indiën, Gedaan Door Jacob de Bucquoy, 1757, page 69). La survie des pirates dépendant en grande partie de leurs qualités de combattants il est donc tout à fait probable qu'ils savaient se battre et que certains s'entraînaient régulièrement.

En revanche même si quelques escrimeurs bien formés ont pu leur donner des leçons on peut aussi supposer que leurs façons de combattre étaient peu académiques. Même les duels ne sont pas aussi bien codifiés que chez les nobles et au combat l'important c'est de survivre. Avec des armes souvent courtes, un espace réduit, les pirates devaient très probablement facilement mêler leur escrime de techniques de lutte ou de coups de poing, s'aider d'une arme de main gauche (poignard, hache ou crosse de pistolet). Il ne faut donc pas hésiter à rechercher toutes les fourberies possibles lorsqu'on crée sa chorégraphie, cela montre également le côté sans pitié de ce monde.

Enfin si l'on veut combattre dans un espace réduit il est possible de prendre beaucoup moins d'espace en remplaçant les retraites lors des parades par une simple demi passe arrière voire un mouvement de bassin accompagnant la main qui pare. Les armes étant tranchantes on n'est pas non plus obligé de donner de grand coups très armés, mais cela est valable un peu partout...

Le sabre d'abordage

L'arme

À tout seigneur tout honneur, l'arme mythique des pirates et des corsaires est le fameux sabre d'abordage. Mais qu'était-il réellement ? Nommé cutlass ou hanger dans la langue de Shakespeare il est nommé en français sabre d'abordage, sabre de bord ou coutelas. L'appellation cuiller à pot est valable aussi mais uniquement pour le sabre réglementaire de l'époque napoléonienne, les pirates n'en ont donc jamais manié (laissons les aux corsaires de Surcouf). Ce sabre trouve son origine dans l'arme secondaire que portaient les fantassins des 17ème et 18ème siècle en plus de leur arme principale (en général une pique, un mousquet ou un fusil à baïonnette). À vrai dire c'est souvent exactement la même arme même si la compagnie des Indes néerlandaises en a fabriqué pour ses marins ou si Louvois a fait créer un modèle réglementaire pour l'infanterie de marine française.

Sabre de bord dit "Louvois" au Musée national de la Marine

Concrètement il s'agit d'un sabre court avec une lame de 50 à 70cm peut-être, à la lame relativement large, plus ou moins courbe et ne comportant qu'un seul tranchant. La garde est très variable mais protège le plus souvent la main qui le tient. Comme fréquemment à l'époque les modèles sont extrêmement variables aussi bien en ce qui concerne la garde que l'équilibre de l'arme que encore la longueur et la courbure de la lame.
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Sabre d'abordage vers 1720
(chez Paul M. Ambrose Antiques)

Il s'agit d'une arme robuste, pouvant être utilisé dans un petit espace encombré (le pont avec de multiples cordages, les coursives, les ponts inférieurs du navire) et faite pour être maniée principalement de taille. C'est une arme facile à prendre en main et un novice peut facilement tuer quelqu'un avec. C'était probablement une arme assez répandue sur les navires et donc chez les pirates mais également les marins de la navire marchande et, en arme secondaire, chez les soldats de marine.


Sabre d'abordage italien vers 1750
(chez Tortuga trading)
Il faut également lire l'article très complet de Bernesson Little sur cette arme (en anglais).

Manier un sabre d'abordage

Nous sommes confrontés à un problème : les "traités" spécifiques au maniement de cette arme datent du XIXème siècle. De plus ce sont des manuels d'instruction militaire destinés à former rapidement des marins. Le plus ancien est le Naval cutlass exercice de Henry Angelo the younger mais il date de 1813. Il est très court (une affiche) mais reprend très largement des techniques de sabre développées par son père et mêlant broadsword dite écossaise et sabre hongrois. Il reprend la terminologie du sabre et de la broadsword avec les gardes qui sont également des positions de parade.
Naval Cutlass Exercice par H. Angelo (1813)
Le plus proche en temporalité est le traité de John Godfrey de 1747. Celui-ci traite de l'épée de cour et de la backsword (ainsi que de la boxe dont il est un des plus ancien traité). Or la backsword est bien cette courte épée à un seul tranchant qui est l'arme secondaire des fantassins, notre arme quoi ! Son traité est proche des techniques de broadsword même si il tente de faire la connexion avec les postures et les techniques d'épée de cour (smallsword en anglais). D'une manière générale on trouve dans des traités du XVIIème les techniques de backsword être présentées avec celles de broadsword, au point que ces techniques sont probablement légitimes pour manier ces armes. On pourra donc utiliser le traité de Zacharie Wylde de 1711, celui de Thomas Page de 1747 (traduit en français par Sébastien Ventroux et Éric Lebeau) ou même celui d'Henry Angelo et de son fils de 1798.

Il s'agit donc d'une arme faite pour frapper d'abord des coups de taille et d'entaille en profitant de la courbure de la lame pour faire des blessures plus graves. Elle peut aussi donner des coups d'estoc mais le plus souvent l'estoc se fera après avoir paré ou en seconde intention, après que l'adversaire a paré en opposition. Certaines lames trop courbes peuvent avoir du mal à faire des estocs. En principe plus la lame est équilibrée vers l'avant, moins elle est faite pour l'estoc, cependant je déconseille en escrime artistique d'avoir une arme trop équilibrée vers l'avant car il sera plus difficile d'arrêter  un coup si nécessaire.

Pour ce qui est des techniques spéciales ou des associations avec d'autres armes le Lieutenant Pringle Green (encore lui) nous montre l'importance des gardes pendantes intérieures et extérieures (inside hanging et outside hanging guards correspondant pour nous à une prime et une seconde) contre les fusils à baïonnette (ou les piques d'abordage du coup). EDIT : voir mon article sur le sujet

Outside hanging guard (parade de seconde) pour contrer un fusil à baïonnette
 -manuscrit de William Pringle Green (1804) -
L'association avec le pistolet est également traitée par le même manuscrit, le pistolet déchargé et tenu par le canon sert alors d'arme secondaire pour parer et permettre des ripostes plus rapide ou assommer au corps à corps. Dans son traité de 1653 Charles Besnard, fondateur de l'école française fustige ceux qui combattent à la courte épée et au pistolet notamment sur le fait que ce sont des armes facile à apprendre.
"Voilà ce qui font aujourd’hui nos combattants du pistolet et petit couteau et à pied, qui sont armes dont toutes sortes de personnes se peuvent servir sans apprentissage, et desquelles le plus franc coquin, peu tuer le plus grand, le plus vaillant, et le plus adroit homme qui se puisse rencontrer sur la terre"
Charles Besnard 1653
Utilisation du sabre et du pistolet en main gauche
 -manuscrit de William Pringle Green (1804) -
On peut aussi facilement imaginer une autre arme telle que le poignard ou la hache dans la main gauche et il faudra alors inventer des techniques cohérentes pour être crédible.

Par ailleurs si j'ai parlé des techniques de broadsword britanniques il existe une autre école pour manier ce type d'arme : les techniques de dussack des contrées germaniques. Le dussack (ou tessack, dusage...) ainsi qu'il pouvait être appelé dans les contrées germaniques. Le manuscrit le plus récent est celui de Theodor Verolinus en 1679. Les principales différences résident dans la position les mouvements des pieds (à la broadsword le pied en avant est celui du côté de l'arme [et on attaque en demi-fente] comme en escrime moderne, au dussack cela dépend si l'arme est tenue à gauche ou à droite comme en escrime médiévale) on met le plus souvent le pied armé devant sauf quelques exceptions, et on attaque soit en "demi-passe avant" soit en rassemblant le pied arrière et en refaisant un pas]. Les gardes au dussack ne sont pas des positions de parade (protégeant un côté) mais des positions permettant aussi bien l'attaque que la défense et les parades sont le plus souvent des parades du tac avec le dos de l'arme tandis que les parades de broadsword sont plutôt des parades d'opposition.

Cela donne un style très différent, plus en mouvement qui peut également être intéressant pour des pirates (mais peut-être moins bien adapté à un navire ?). Nous ne savons pas comment combattaient les marins hollandais ou scandinaves très nombreux sur les mers (et donc chez les pirates) mais il n'est pas impossible que leurs techniques de combat (si ils en avaient) viennent du dussack. En spectacle cela donnera un style contrastant fortement avec les techniques de sabre plus "classiques" à nos yeux.

Illustration issue du traité de Theodor Verolinus (1679)
Enfin un dernier point sur la tenue de l'arme. Bernesson Little s'interroge longuement sur le fait de mettre ou non le pouce en opposition sur la poignée. Cela se fait systématiquement ou presque en dussack (à part sur certaines gardes) et souvent en sabre. Sur ce point Godfrey nous renseigne en nous disant que beaucoup prennent leur backsword avec une prise "globulaire", formant un anneau avec le pouce et la main mais il déconseille cette prise en préconisant de mettre le pouce en opposition ce qui donne plus de contrôle sur l'arme. Si vous êtes puriste tenez votre arme en fonction du niveau de connaissance du combat de votre personnage mais comme il y a peu chances que quiconque le remarque faites comme vous le sentez le mieux !
J'ai déjà eu l'occasion d'en parler mais les Flibustiers de Lémurie, un groupe d'AMHE situé à Mayotte étudie spécifiquement les techniques de sabre d'abordage.
 Duel pirate dans la série Black Sails avec une broadsword contre un sabre d'abordage
Je trouve que l'esprit de ce que devait être un combat de pirates est assez bien rendu
(même si les derniers coups sont trop armés)

Les autres armes des pirates (et de leurs ennemis) :

Le poignard

Les poignards de l'époque sont extrêmement simples, courts, sans quillons ou presque, ce sont des armes facilement dissimulables. J'ai peu d'informations sur leur diffusion à bord des navires mais il est certain que les britanniques possédaient des naval dirks, poignards spécifiquement conçus pour les marins. Arme d'assassin, le poignard se dissimule facilement mais il peut également être un couteau servant à couper les cordages et qu'on emploie au combat.


Naval dirk du 18ème siècle, au vu de la décoration il s'agit évidemment d'une arme d'officier
(chez The saleroom)
Au niveau des techniques de combat, l'arme, qui était longtemps une arme secondaire importante des nobles des XVème et XVIème siècle, a été abandonnée en grande partie par ceux-ci aux XVIIème et XVIIIème siècles, sa place est donc très réduite dans les traités d'escrime. Cependant il est peu probable que le poignard ait cessé d'être utilisé dans les rixes de rues et de tavernes, c'est à dire des endroits fréquentés par nos pirates ! On trouve cependant parfois quelques techniques décrites dans des manuels du XVIIème et du XVIIIème siècle, le plus souvent elles viennent de manuels italiens de la fin de la Renaissance. En français on indiquera trois techniques présentées par André Desbordes à la fin de son traité de 1610.

"Premierement tu mettras ton pied droit devant le gauche, tenant lœil sur la pointe du pougnart de tou ennemy, de maniere que tu luy donneras une estoquade en la main du dedans afin qu’il pare, d’autant qu’en parant tu auras le temps de luy oster son pougnart avec ta main gauche, en passant du pied gauche, puis tu le frapperas ou l’occasion se presentera."
André Desbordes (1610)
Le poignard peut également être utilisé arme secondaire dans la main gauche. On parera avec moins souvent qu'avec une main-gauche car la lame est courte, la garde n'a pas de quillons et protège mal la main. Mais on s'en servira éventuellement pour écarter une lame adverse ou alors on tentera de se rapprocher en contrôlant la lame adverse pour donner un coup de poignard.

La hache de bord

Il s'agit à la fois d'un outil et d'une arme. Elle est en principe courte et menue d'un fer de hache d'un côté et d'une pointe de l'autre. À noter que ce sont les haches des marins qui ont donné leur forme aux tomahawks utilisés ensuite par les Amérindiens. Comme on la trouve fréquemment sur les navires on s'en sert également au combat.

Hache de bord du 18ème siècle chez Invaluable
Concernant le maniement de cette arme nous ne possédons aucun traité la mentionnant. On trouve bien des vidéos de combat au tomahawk mais leurs auteurs n'expliquent pas d'où vient leur savoir et elles sont assez pauvres en techniques et se contentent surtout de montrer des frappes (qu'un escrimeur trouvera logiquement) et, parfois, quelques saisissements. La hache souffre, par rapport au sabre, d'un déficit d'allonge et de maniabilité. Elle a plus d'inertie, elle est plus courte, mal adaptée à la parade et, les combattants ne portant pas d'armures, sa puissance de frappe supérieure n'est pas vraiment utile. De même, le fer de hache sert normalement à crocheter mais le coutelas est une arme courte à lame courbe et l'efficacité d'un tel crochetage est donc très réduite.

On doit donc, en combattant à la hache, compenser en étant plus vif, en combattant avec plus d'esquives et en étant capable d'entrer très vite dans la distance pour mêler lutte et combat armé. On voit que ce n'est pas évident mais cela a un potentiel certain en spectacle. Cependant la hache a un inconvénient supplémentaire pour l'escrime de spectacle : du fait de son inertie elle est difficile à arrêter et nécessite un escrimeur avec une bonne poigne. Il peut donc être intéressant d'utiliser une arme avec un fer en duraluminium pour cette arme spécifiquement.

La pique d'abordage

Il s'agit plutôt d'une demi-pique, une lance relativement courte (celles qu'on a conservées mesurent dans les 2m50) par rapport aux piques des piquiers du XVIIème siècle. Je n'ai pas réussi à trouver des attestations sûres de son utilisation durant la période qui nous intéresse mais celle-ci est certaine au tournant des années 1800. De telles demi-piques existaient à l'époque mais étaient-elles utilisées à bord des navires ? Je suis preneur de toute source en ce sens. La pique sert essentiellement à repousser les abordages, c'est une arme utilisée par les marins, pas par les soldats de marine qui ont des fusils à baïonnette.

Pique d'abordage du XIXème siècle
(sur le blog historic-marine-france)
Pour ce qui est des techniques de maniement on pourrait utiliser tout ce qui se fait pour la lance mais il ne faut pas oublier que cette arme sert principalement pour les abordage et probablement peu en dehors. Les marins ou pirates qui les manient ont donc probablement des notions très sommaires de leur maniement et on évitera toute technique un peu trop subtile pour dégainer le sabre à la place !

Le fusil à Baïonnette

    "on a cru pouvoir suppléer au défaut des piques par la bayonnette au bout du fusil. Cette arme est très moderne dans les troupes. [...] Les soldats [du Régiment Royal-Artillerie] portoient la bayonnette dans un petit fourreau à côté de l'épée. On en a donné depuis aux autres Régiments pour le même usage, c'est-à-dire, pour la mettre au bout du fusil dans les occasions."

R.P. Daniel, 1721, p. 592
Les troupes de fusiliers armés de fusils à baïonnette remplacent la combinaison mousquetaires/piquiers des XVIème et XVIIème siècles en les fusionnant. Les soldats disposent ainsi à la fois d'un fusil et d'une lance, même si celle-ci est bien plus courte que la pique et plus lourde que la demi-pique. Comme leurs homologues terrestres, le fusil à Baïonnette arme également les troupes de marines du XVIIIème siècle. C'est d'abord l'arme des ennemis des pirates mais il n'est pas impossible que certains de ceux-ci aient pu également se procurer ces armes somme toutes assez communes dés cette époque.

Exercice de la baïonnette chez Pierre Jacques François Girard (1736)
Sur son maniement la baïonnette est proche de la lance, sauf que son poids permet moins d'agilité technique. En revanche, sa crosse autorise des coups bien plus puissant qu'une lance. Nous ne possédons pas de manuel d'époque puisque l'escrime à la Baïonnette est une escrime de guerre et que nous n'avons pas de manuels d'escrime à l'attention des soldats avant le XIXème siècle (en dehors d'exercices d'enchaînement surtout destinés à la parade). Nous pouvons nous référer aux deux auteurs les plus anciens sur le sujet : Alexandre Müller (manuels de 1828 et 1835) et Joseph Pinette (manuels de 1832 et 1848). Ces deux auteurs s'opposaient fortement à l'époque. On considère généralement les techniques de Müller comme plus archaïques et destinées au combat en formation dense tandis que celles de Pinette sont plutôt destinées à un combat de tirailleurs. Je vous invite par ailleurs à lire cet article de Julien Gary sur le sujet.

Comme dit précédemment il me semble dommage si l'on a quelques soldats de marines ainsi armés de ne pas faire une petite ligne même de trois ou quatre soldats se protégeant les uns les autres. Enfin on s'intéressera également à toutes les techniques opposant une lame à une arme d'hast pour trouver des idées de techniques d'opposition parce c'était probablement la situation la plus rencontrée.

Opposition fusil à baïonnette contre sabre (de cavalerie)
Par la Salle Saint-Georges

L'épée de cour

L'épée de cour est ce que nous appelons souvent improprement "rapière" dans nos salles d'armes. Elle possède une lame très fine qui peut être plate ou triangulaire et qui alors se rapproche assez de nos lames d'épées modernes. La lame mesure entre 70 et 90 cm, plus courte qu'une rapière, et la coquille est très réduite, le plus souvent en forme de "huit". C'est une arme rapide et vive, conçue pour le duel, presque totalement inefficace en coups de taille mais aux estocs mortels. C'est également une arme qui demande d'être maniée par quelqu'un formé à l'escrime. Dans le contexte qui nous occupe cela la réserve aux officiers ou autres nobles passagers, donc aux ennemis des pirates. Ceux-ci n'auront probablement que faire de cette arme raffinée dont ils ne perçoivent pas forcément le potentiel mortel. Face à un adversaire armé d'un sabre court l'épéiste devra jouer son allonge supérieure, garder à tout prix la distance et éviter au maximum le jeu au fer.

Épée de cour française vers 1720
(chez Magazin royal)
À l'époque et contrairement à la seconde moitié du XVIIIème siècle, on utilise encore très couramment la main gauche pour écarter une arme après une parade. Pour l'épée de cour les manuels d'escrime de l'époque sont foisonnants et l'on a que l'embarras du choix. Deux d'entre eux retiennent un peu plus mon attention. D'abord celui de Pierre Jacques Girard de 1736 qui a l'intérêt de présenter des défenses contre les sabres (on utilise plus souvent le terme d'"espadons" à l'époque) et donc des techniques de sabre contre épée de cour, mais également des ruses de guerre, des techniques contre l'épée-dague, contre les piques ou d'autres armes. De plus Pierre Jacques Girard était officier de Marine ! Le second est celui de Philibert de La Touche de 1670 qui a la particularité de présenter des coups de taille (appelés estramaçons) à la fin de son traité.

Sabre contre épée de cour dans le traité de P.J.F. Girard (1735)

Boxe et lutte : le combat à mains nues

Avant le XVIIIème tous les traités évoquant le combat à mains nues traitent de lutte et n'impliquent jamais de coups de poing. On voit occasionnellement des coups de pied dans le combat armé mais je n'ai pas trouvé d'attestation de la pratique du combat aux poings (ou avec les poings en complément de la lutte). Cependant le XVIIIème siècle voit la naissance de la boxe en Angleterre et le premier champion de boxe (à poings nus à l'époque) reconnu est James Figg en 1719. La majorité des pirates étant britanniques et la boxe étant à l'origine une pratique des classes populaires on peut supposer qu'un certain nombre d'entre eux en connaissaient des rudiments. On pourra donc utiliser indifféremment des coups de boxe anglaise ou des techniques de lutte en complément du combat à l'arme blanche.

Technique contre un adversaire armé d'un couteau chez Nicolaes Petter
Le premier ouvrage traitant de techniques de boxe est celui du Capitaine Godfrey en 1747 cité précédemment. Pour la lutte on pourra utiliser l'ouvrage du néerlandais Nicolaes Petter de 1674 présentant des techniques de self-défense traduites en français par le libraire Isaac Severinus en 1712. Un autre ouvrage de l'époque est celui de l'anglais Zacharie Wylde de 1711. On n'oubliera cependant pas que certaines techniques de lutte seront invisibles pour un public un peu loin du spectacle et qu'il faut privilégier les techniques les plus visuelles et spectaculaires.

Et les rapières ?

Même si il est courant en escrime artistique de faire combattre des pirates avec des rapières, à la vérité cela a dû rarement se produire. Au début du XVIIIème siècle Français et Anglais combattent à l'épée de cour (ou au sabre) et, dans les Caraïbes seuls les Espagnols portent encore des rapières. Comme les épées de cour, ces armes nécessitent un escrimeur initié et elles ne sont donc portées que par les officiers espagnols. Leurs lames sont plates et extrêmement longues, une illustration du traité de Pierre Jacques François Girard en fait même une représentation un peu caricaturale avec une lame véritablement démesurée !

Espagnol et sa rapière démesurée chez P. J. F. Girard (1735)

L'escrime espagnole à la rapière est très différente des autres escrimes. Elle suit les principes de la Verderada Destreza. C'est une escrime assez statique reposant sur une position de base assez droite, le bras allongé avec beaucoup de jeux avec le fer, des déplacements en cercle impliquant tout le corps et, à l'origine, pas de fentes. Les versions les plus nobles utilisent des formes géométriques pour décrire les actions, divisent la lame en dix niveau de force et de faiblesse (quand ailleurs on a "fort-faible" ou "fort-moyen-faible"). Au XVIIIème siècle les Espagnols pratiquent encore cette école mais ont appris à se défendre contre l'escrime italienne notamment et ils ont ajouté quelques techniques à leur escrime comme les fentes ou l'utilisation de la main gauche. Les traités de l'époque sont ceux de Manuel Cruzada y Peralta (1702) et de Nicolas Rodrigo Noveli (1731) mais là encore, le traité de P.J.F. Girard présente des techniques espagnoles utilisées contre les épées de cour qu'on peut en partie transposer contre les sabres d'abordage.

Pour conclure

J'ai essayé d'être la fois exhaustif et le plus synthétique possible dans ces deux articles et, même en se limitant à une période précise, c'est assez long. J'espère que ces articles pourront vous être utiles dans vos préparations de combat. Je réfléchis à leur donner peut être un ou deux compléments mais vous aurez la surprise !

Edit : article complémentaire sur les flibustiers et les corsaires napoléoniens

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