samedi 16 mai 2020

Pourquoi mettre en scène l'escrime ancienne n'est pas si compliqué.

Nan parce que ceux qui pensent qu'un zwerch c'est trop technique n'ont pas assez analysé le huit. 

Baron de Sigognac, les rechutes éthyliques. 

Hé ! ... C'est pas que c'est le sujet, mais on est pas très crédible, en fait. 


Bonjour à tous, ici le Baron de Sigognac pour un nouvel article...mhhh... techninounet. 

En ces temps moroses il est bon de se réunir, de nous rassembler autour de valeurs fortes, communes, universelles. 
Alors, aujourd'hui, parlons. Parlons d'un sujet rassembleur, simple, léger, qui évitera moults palabres et discussions compliquées.
Aujourd'hui...
L'escrime ancienne.

Nan sérieux ! Vous m'avez cru ? 

Enfin, plutôt la manière d'en user sur scène ; la reproduire. 

Si vous nous suivez depuis plusieurs articles, sa définition et ses avantages pour la crédibilité de vos combats ont déjà été suffisamment exposés. Tout comme l’intérêt des AMHE et de leur travail. Je vous dirigerais bien vers un article, mais vous pouvez tous les lire alors, lisez les tous. Oui c'est bien ça. Lisez-nous. Lisez tout. 
Au passage, je tenais à insister sur notre position qui nous semble, le Capitaine et moi, parfois incomprise. Ce qui sans être grave mérite la répétition : 
Nous ne prétendons pas que vous devez mettre des techniques "réalistes" dans vos combats. Ni que ces derniers doivent être crédibles ou que faire une chorégraphie conforme au canon des années 50-60 soit de la mauvaise qualité. 

Notre raisonnement se fonde simplement sur les principes suivants : 


  • Ma démarche scénique rend une chorégraphie "réaliste" inutile ou contre-productif ? 
    • Je ne crée pas une chorégraphie "réaliste". 
  • Ma démarche scénique la rend utile ? 
    • Je crée une chorégraphie "réaliste". 
  • J'ai un doute sur ma démarche scénique ou le besoin d'user de techniques plus réalistes ? 
    • Il vaut mieux commencer à créer une chorégraphie "réaliste". Le temps d'y voir plus clair. 

La démarche scénique se construisant elle même selon vos désirs artistiques, ceux des autres acteurs qui gravitent autour du projet et les moyens à votre dispositions. 
Ainsi, avec les même principes directeurs, elle ne sera pas la même au cinéma qu'au théâtre etc... 

Ce qui a une incidence sur le geste, discipline corporelle oblige. Et c'est bien là tout le cœur du problème. 

L'escrime de scène a cette capacité pour une même action d'offrir diverses expressions corporelles. On a beau dire qu'il n'existe pas 36000 manières d'attaquer à la tête, dans les faits scéniques...
Une réalité liée intrinsèquement à son essence créative. Le geste suit un but créatif et les règles qui s'en découlent. 

La plus commune de toutes étant la sécurité. 
Une technique ancienne, jugée efficace, ne peut être prise telle quelle dans sa conception martiale ou sportive. Elle se doit d'être neutralisée, modifiée. Par la cible : ne pas viser jugulaire ou le visage avec une punta reversi, arrêter la lame avant de toucher la cible... Par le rythme et la coordination : éviter de prendre le camarade de vitesse, annonce à travers l'armé...Par l'espace du mouvement : taille, entaille, large, court...
Je pense ne rien apprendre aux pratiquants. 

Bref, le geste scénique dénature le martial quels que soit nos efforts. User de l'escrime ancienne sur scène c'est accepter de la dénaturer. Et ce n'est pas grave : nous ne faisons pas acte d'AMHE. 
Cela amène d'ailleurs un premier filtre qui va bannir des techniques trop dangereuses ou trop difficiles à neutraliser ; objectivement plus rares que certains veulent bien le crier. 
Par la suite, notre volonté scénique continuera cette dénaturation, ce qui n'est toujours pas péjoratif, pour atteindre l'expression voulue. Au point, parfois, de rendre l'action initiale méconnaissable. Juste scéniquement, mais méconnaissable. Voire la considérer comme inutile, au final, et en choisir une autre. 


Petit ange technique parti trop tôt

C'est en ce sens que, dans le doute, partir du réel peut aider. Conserver au maximum les caractéristiques et la logique d'une action aide à cerner nos désirs. 



Toutefois, il est délicat de dénaturer, adapter une technique, si  nous discernons mal sa composition. Et tant bien même nous l'aurions, nous devons pouvoir l'expliquer aux autres. Ne serait-ce qu'à son partenaire. Or, c'est là que trop souvent, devant ce challenge de compréhension, de transmission et de création, un mur se dresse. "L'escrime ancienne, mais mon bon monsieur, c'est trop technique, trop compliqué. Bien trop dangereux pour un débutant. Non tout ceci est ridicule. Faisons et restons comme nous l'avons toujours fait. A grands coups de voltes, gammes et larges couronnés. Ou alors à petite dose, hein. Après un huit tient". ( cf : Sus aux gammes ! )

Bon, je caricature à l'excès, j'avoue. En réalité ces positions et ces craintes sont parfaitement compréhensibles. Mais laissez moi vous défendre le contraire : défendre que l'escrime ancienne sur scène, ce n'est pas si compliqué. Que nous pouvons tous, à n'importe quelle niveau la pratiquer et comment. D'autant que nous ne sommes pas démunis d'outils : des sources abondantes, dont mon collègue vous fait souvent l'éloges, traités, traductions, commentaires, vidéos, démonstrations et, malgré ses défauts, un langage commun pour pouvoir communiquer : notre lexique. Je passe sur les autres atouts dont nous disposons. 

Certes, en ce qui concerne l'escrime médiévale, nous pourrions rétorquer que ses systèmes de pensée étaient trop différents. Qu'user du lexique sans s'appuyer sur l'étude des traités entraîne des incompréhensions. On ne peut plus vrai, si on essayait de partir directement des dits traités. Or, nous tirons davantage nos idées des démonstrations filmés par ceux qui les ont déjà étudié ou adaptés. Cela ne doit pas vous empêcher d'aller vous-mêmes à la source ceci dit. Il ressort, en tout état de cause, que le lexique semble suffisant pour saisir l’enchaînement des actions. Il y aura une dénaturation, un biais, mais, comme précisé, ce n'est pas grave. Au pire, j'ai confiance en votre intelligence si cela le devenait.

Naturellement, comprendre intellectuellement le geste ne suffit pas à le reproduire. Corps et esprit s'influencent, mais ne se remplacent pas. Ce qui interroge de nouveau sur les procédés possibles : Comment faire ? Selon quelle(s) méthodologie(s) ? Quels avantages ? Quels inconvénients ? A moins d'avoir la science et l'instinct infus, progresser sans un minimum de méthode devient vite compliqué. Ne serait ce que pour mieux en dévier. Une affaire qui n'incombe pas qu'aux enseignants et tant bien même, pouvoir seconder à cette tâche demeure intéressant. Au besoin, imaginez que le prof soit parti ou que vous soyez mis en autonomie.

Spoiler : ça arrive plus souvent que vous ne le pensez. 

Heureusement, les possibilités sont nombreuses et permettent diverses approches. De quoi contenter tout le monde. En ce sens, au fil des années, plusieurs ont pu trouver grâce à mes yeux, être adaptées, combinées, modifiées au fil de mes réflexions et des besoins qui les motivaient. Réflexions dont je tenais à partager un aspect autour du procédé de simplification des techniques. Soit :

Déconstruire pour mieux construire. 

Au delà de l'aspect nihiliste du propos se cache le principe cardinal de ce qui vous est proposé : simplifier une technique, un enchaînement, jusqu'à atteindre un stade de difficulté où vous vous sentez à l'aise. Ce à fin de pouvoir ensuite retourner progressivement à son degré de complexité réelle. 

Une position très proche de mon dernier article "A travers le débutant et l'urgence : l'art de mettre en confiance." où pour amener au plus vite un débutant à assimiler des techniques censés ne pas lui être destinés, ce au plus vite, nous commencions le plus simplement possible. Une position  qui en reprends donc les principes, dont ceux qui découlent du schéma ci-dessous. 

Au risque de me répéter, lisez l'article précédent si vous voulez tout comprendre. 

Néanmoins, le sujet d'aujourd'hui va nous permettre d'aller plus dans le détail. Mon article précédent partait du postulat que notre partenaire était un débutant. Or, ce n'est, bien sûr, pas toujours le cas. Que ce soit en terme de niveau tout comme en nombre. De quoi adopter une vision plus générale que le schéma ci dessous essayera de rendre explicite. 


j'aime les schémas.
        
Sur la zone de confort :

Elle représente l'ensemble des actions où chaque partenaire, qu'importe son niveau, se sentira à l'aise. Nous pouvons commencer un acte de création aux niveaux les plus bas. Cependant, si vous êtes à l'aise avec davantage de complexité rien ne vous empêche de commencer plus haut. Vous en éprouverez souvent l'envie d'ailleurs, ne serait ce que pour gagner du temps. Cela n'est possible, en revanche, que si vous ne dépassez pas les capacités du plus "faible" d'entre vous, débutant ou non. Ce que je nomme, faute de plus claquant, le niveau de départ maximum. 

Quant à savoir s'il est pertinent de commencer à la limite ou en dessous, dans quelles circonstances, je propose de laisser ça à d'autres discussions.

Lorsque vous décidez d'intégrer une technique ancienne, adaptée pour la scène et, par conséquent, neutralisée, un niveau d'escrime plus ou moins élevé s'avère requis. Niveau à la fois objectif, mais aussi subjectif : nous avons tous nos facilités et inversement ; un débutant qui comprend instinctivement l'attaque composée ( vécu ) , un confirmé qui a du mal avec les voltes... 
Cependant, bien que de façons imparfait, estimer ce niveau permet de placer la technique, et l'objectif qu'il représente, sur notre schéma. 



A titre d'exemple.


Dans notre cas, la technique ne poserait pas de soucis particuliers au plus fort du groupe. En revanche, les partenaires le plus faible et intermédiaire auraient du mal à l'exécuter tel quelle sans une phase préparatoire. A savoir, simplifier la technique, la déconstruire afin d'atteindre une / des actions, des formes, conformes aux capacités de tous. 



Ce qui peut demander plus ou moins de travail.



Remarque : nous pourrions nuancer si la technique ne concernait, dans le cas d'un trio, que le partenaire le plus fort et l'intermédiaire. Déconstruire jusqu'au niveau de ce dernier pourrait fonctionner. Une exception qui mérite d'être discuter avec ses pour et ses contre. Nous y reviendrons. 

Ainsi, et selon les mêmes principes qu'avec la mise en confiance d'un débutant, nous déconstruisons une technique pour une version plus simplifiée. Ce que nous résumerons ainsi : 


La forme brute étant la technique ou l’enchaînement neutralisé.


Une forme simplifiée qui va servir de base pour retrouver progressivement la technique de départ ou, du moins, une version stylisée de cette dernière. Ce qui nous bascule dans une phase de (re)construction. Phase dont le produit final sera une forme travaillée de la technique ou l’enchaînement initial :






Toutefois, nous réserverons l'étude de cette phase pour notre prochain article. Ce afin de nous consacrer à la déconstruction, seule. L'article deviendrait trop long sinon.
D'autant, qu'il  reste à voir comment goupiller une déconstruction dans les faits

Déconstruisez oui, mais tout en réalité. 


Pour cela, nous aurons besoin d'un peu de matière. La nostalgie m'habitant, je prendrai un enchaînement proposé par Gladiatores sur la vidéo suivante : 



Je vous met la vidéo en entier dont il est issue.

De 2'29 à 2'34, Gladiatores continue de faire évoluer un enchaînement à l'épée longue. Selon notre lexique (sportif comme artistique) nous pourrions noter la phrase d'armes comme, pour l'escrimeur de droite, une feinte de brisé côté non armé (feinte de zornhau) suivie, à gauche, d'une contre attaque figure armée parée de tierce haute et terminée d'une reprise et mise en menace d'estoc en coulé.

Remarque : si on regarde attentivement, l'estoc en coulé ressemble davantage à une reprise à la nuque du faux tranchant, en coulé. Mais, à mon sens, il s'agit davantage d'une neutralisation de la technique. Ce qui livre d'ailleurs un exemple sur le sujet. 

La première étape consisterait à neutraliser la technique. Ici, les escrimeurs nous mâchent le travail, mais dans le cadre d'une démonstration technique avec protection, des touches auraient été probablement portées. Impossible en artistique, sauf dans les cas de mise à mort et blessure, mais même ici, nos règles sont contraire à l'usage de la technique tel quelle : Mercutio a beau mourir tout les soirs, chaque soir il monte sur scène pour mourir.
Ceci fait, il faudrait établir de quelles gestes, mouvements chaque action est construite. Comme cela prendrait trop de place, je vous met en guise de rappel ma décomposition d'une attaque simple à la tête, lors de mon précédent article. Le procédé étant le même :



Remarque : décomposer une action sur le papier peut vous aider à maîtriser l'exercice, mais l'idéal serait que cela devienne une gymnastique mentale. 

Ceci fait, un point de l’enchaînement de Gladiatores peut déjà retenir notre attention : la présence d'une feinte suivie d'une contre attaque. Si on considérait la phrase d'armes du point de vue d'une discussion, nous aurions un locuteur qui poserait une question piège à son interlocuteur. Dans l'espoir d'obtenir la réponse voulue. Et nous aurions aussi, un interlocuteur qui, au lieu de répondre, couperait la question en train de lui être posée par sa propre question. Si vous faites ou avez fait du théâtre, le rythme de ces échanges n'est pas à prendre à la légère. Il en va de même pour l'escrime de scène. 

La contre attaque devra s'enclencher  au plus tard à la fin de la feinte, du temps d'escrime. Ce qui constitue un gain en temps d'escrime. L'effet visuel se voudra plus percutant qu'une attaque simple suivie d'une riposte, mais l'absence de temps mort et les exigences accrues du rythme rendent aussi cette action plus complexe. Au point, de ne pas vouloir tenter le diable à l'essayer de suite en chorégraphie ; lui préférer des formes simplifiées.  Ne serait-ce que pour se préparer à assurer la sécurité d'une action contre-offensive qui implique souvent un partenaire qui avance vers la lame.  

Les solutions sont nombreuses et dépendent, rappelons-le du partenaire le plus faible. Par exemple, vous désirez un temps mort pour mieux sentir l'à propos de la contre attaque. De nombreuse options s'offrent à vous, certaines plus complexes que d'autres : respecter la feinte à l'épaule et la contre attaque, mais stopper l'action à la fin de la feinte pour prendre le temps. Ce qui, en réalité, transforme votre action en fausse attaque épaule, attaque figure armée, parade de tierce haute.
Vous pouvez aussi remplacer directement la feinte par une attaque simple et la contre attaque en parade de quarte haute riposte figure armée... Le temps de pause se faisant sur la parade de quarte et le contact des lames sécurisant davantage l'action. 

Vous conviendrez qu'en terme de simplification, ces deux propositions ne se valent pas et ne trouverons donc pas grâce dans les mêmes duos. De même, pour les autres possibilités de déconstruction autour de l’enchaînement.

Néanmoins, pour synthétiser les derniers paragraphes :

Par souci de clarté, je n'ai pas gardé la fausse attaque, attaque figure armée pour la simplification 1 

Remarque : si la partition en escrime de scène vous intéresse, je vous partage un article d'Adrien Garcia qui mérite d'être consulté : La musique élève l'âme, l'escrime la trempe : écrire la partition du duel

Nous disposons ainsi d'une forme simplifiée de l'enchaînement nonobstant la reprise d'estoc en coulé qui se résout de la même manière : nous pouvons citer le fait d'attaquer deux fois la figure armée. Contre-attaque, attaque ou riposte figure armée et remise figure armée du tranchant ou faux tranchant. De taille ou d'entaille... le choix dépend là aussi de vos besoins. Gardez juste à l'esprit le principe directeur : plus vous dénaturez l'action pour une forme moins complexe, plus cette dernière devient abordable.
Il suffit après de vérifier que cela correspond bien aux capacités du plus faible afin qu'il demeure à l'aise. Dans le cas contraire nous aurions qu'à simplifier davantage quitte à aller loin.
Imaginez que l'un d'entre-vous ait du mal avec les attaques simples ou des soucis pour parer à bonne distances etc... etc... la déconstruction, comme je le mentionnais dans mon précédent article, peut aller bien au delà des limites du lexique. Pour rappel, je l'avais illustré avec l'attaque à la tête : 


Restons simple. 

En tout état de cause, la déconstruction finira par produire une situation convenable pour l'ensemble des escrimeurs, servant de base de départ. Départ vers un retour progressif, par la pratique,  à la technique ou l’enchaînement initiale ou, scène oblige, à sa reproduction stylisée. Une phase de (re)construction qui, comme annoncé, fera l'objet de notre prochain article.

Dans l'attente, j'espère que cette lecture vous aura plus et encouragera davantage à user de notre patrimoine immatérielle dans vos chorégraphie, sans prise de tête.
J'ai l'espoir que présenter des manières de faire, que vous les adoptiez ou non, aidera à démystifier notre discipline et oser.

C'était le Baron de Sigognac pour le Fracas des lames.
Passez une excellente journée et je vous dis à la prochaine.

En parlant de construction, il y aurait bien ma cave à vin qui... 


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