dimanche 9 juillet 2023

France et escrime artistique : un monde d'artistes ?

Bonjour à tous ici le Baron de Sigognac pour vous desservir, 


Suite à nos discussions avec le Capitaine, seigneur et âme de ce blog, le sujet des personnages en escrime de scène était revenu s'inviter. Par le passé, mon confrère l'avait abordé à travers deux articles, parmi ses meilleurs : les neuf types de combattants.
Il s’agit même de l'un de mes outils au quotidien. Parce que oui, c'est amusant, mais nous utilisons vraiment les principes que nous mettons en avant. 



Où Menent les Chimères ? CFEA 2023, Bretagne OCE Rennes, crédit photo : Pauline Deysson



Bref, nous discutions des derniers championnats de France d'escrime artistique quand soudain nous nous dîmes que quand même, dîmes dong, je sors, la France était un sacré repaire d'artistes, au sens de l'archétype. Allez voir le lien.

Je vous passe les heures de débat qui en résultèrent, mais au final, nous nous sommes dit que ça méritait réflexion. Précisons, au préalable, que j'utiliserai le terme d'escrime artistique à dessein et la renvoie à nos pratiques fédérales dont la compétition. Surtout la compétition. Et si vous me dites que cela ne vous concerne pas parce que vous ne faites pas de la compet, mais que vous respectez, quand même, le cadre fédéral dans votre salle, je suis navré de vous l’apprendre, mais vous exercez bien une escrime qui se destine de plus en plus à la compétition. Et si vous me dites encore, que vous ne respectez pas, en fait, ce cadre, mais que vous participez malgré tout à des stages avec des Maîtres d'Armes. Idem. Enfin, dans le cas où vous ne feriez ni l'un, ni l'autre, mes confrères et consœurs proposent d'excellents stages. En plus c’est l’été. Qu'attendez vous pour foncer !

Maintenant, à quoi bon se poser la question vous me direz. Parce que oui, pour la plupart d’entre nous, cette question peut sembler bizarre voire complètement inutile. Et si, c’est bien ce que vous pensez, ce n’est pas grave. Vous pouvez arrêter de lire là et retourner à vos activités. Ou sinon vous pouvez me laisser vous expliquer. Expliquer les bons côtés de s’interroger sur ce sujet.

Premièrement, réfléchir à sa pratique est nécessaire pour progresser. Je sais, ce n'est pas la première fois, mais j'aime bien radoter. Ainsi, si au bout de plusieurs années, nous ne comprenons toujours pas pourquoi une gamme est à éviter, ne rigolez pas j'en connais, ou que frapper comme un sourd ne fera pas de nous un meilleur uber-warrior que celui qui sait se maîtriser, navré ! C'est raté. Nos progrès vont immanquablement finir par s'enrayer

Ce qui se voit, le niveau monte m'voyez.

Et si vous vous dites, une nouvelle fois, que je suis mignon derrière mon clavier à vous conseiller, mais que je pourrais avant tout me regarder, je ne peux qu'approuver.

Deuxièmement, si nous sommes bien dans un monde dédié aux artistes, le savoir, l’accepter permet de gagner du temps quand nous sommes amenés à créer : les attendus sont plus clairs, mais aussi les contre-pieds. Ainsi jouer les artistes correspondrait à une vision classique, admise et respectée et ne pas le faire reviendrait à se priver de cette légitimité, mais aussi plus facilement se distinguer. Ce que vous vous imaginez bien est plus risqué. et quel que soit notre choix, le plus important reste de l’assumer, le justifier et de correctement l'amener. Donc, connaître la méta, ce que n'importe quel joueur de eSports vous conseillerait et même si nous ne sommes sommes pas en eSport cela ne change rien sur le fait que vous devriez quand même les écouter sur le sujet… Bref, tout ça pour dire que connaitre la méta ce n'est pas un gadget en plus qu'on agiterait pour s'amuser. Non, la maitriser est bel et bien une étape à ne pas rater. L'un des premiers grand pas vers le progrès une fois les bases assimilées. Bref, connaissez votre méta.

Enfin, si notre hypothèse s'avérait exacte et que les artistes dominent le monde de l’escrime artistique, les utiliser aurait quelque chose de forcément rassurant pour les pratiquants. Leurs usages seraient bien connus, avec son lot d’exemples et de documentations capables de nous guider quel que soit notre niveau. En revanche, les autres archétypes disposeraient de ce parfum d’aventure, de terre vierge à explorer. Et si certains jours on aime rester en sécurité, des fois on souhaite aussi explorer. Sans compter que je ne sais pas vous, mais artiste contre artiste c'est un peu comme gentil contre gentil ou méchant contre méchant. Cela devient vite un peu chiant.

Alors ! France et escrime artistique ! Un monde d'artistes ? Hé bien oui ! Et non et... C'est compliqué.



Là aussi, Tous les cœurs saigneront, CFEA 2023, Île de France Les Lames sur Seine, crédit photo : Marine Acoiris



I) L'artiste, un archétype calibré pour les attendus de la pratique, presque exclusif au risque de l'appauvrir.

Comme de nombreuses pratiques avant elle ou après elle, l'escrime artistique est et sera régie par des institutions. 

Comme dans toutes institutions, ces dernières discutent, proposent des évolutions, déterminent des règles, une bonne conduite, forment, se disputent, s'influencent, constituent un groupe d'adepte, voire une corporation entière, tout ce qu'il faut pour qu'en théorie, cette discipline que nous aimons et chérissons vive sa meilleure vie.

Lorsque nous cherchions à déterminer, le Capitaine et moi, si nous serions dans un monde d'artiste, c'est assez naturellement que nous nous sommes penchés en premier sur ces organisations qui, oui, favoriseraient l'archétype. Pourquoi vous me direz ? C'est justement ce que nous avons recherché et fini par regrouper autour de l'influence de la belle escrime et de la compétition.


A) L'artiste, des caractéristiques propres aux attendus influents de la belle escrime et de la compétition

Qu'est ce qu'un artiste ?  

1) L'artiste, un personnage technique et désireux de l'étaler. 

Le Capitaine l'ayant déjà fait, je me permettrai de vilement le citer :

"L'artiste représente l'idéal du héros et du combattant. Il s'agit d'un escrimeur maîtrisant son art à la perfection et capable d'en exprimer toute la pureté. Cela regroupe essentiellement deux types de personnages : les maîtres d'armes et les héros chevaleresques. C'est D'Artagnan, Cyrano, Ivanhoé, Aragorn ou John Snow. Il s'agit souvent du type de personnage choisi lors des compétitions d'escrime artistique car il se prête idéalement à montrer de la belle escrime.

En effet, celle-ci doit respirer la grâce et la perfection du geste. On attend d'eux un parfait équilibre, une excellente maîtrise de l'armes et des déplacements. Si l'expert peut être vif, si il peut faire des feintes ou des provocations, c'est d'abord parce qu'il excelle en technique qu'il ou elle se bat bien. On l'imagine loyal, le genre à ne pas profiter d'être en supériorité numérique et à demander à un compagnon de ne pas intervenir, ou encore le seul type de personnage (ou presque), capable de rendre son épée à son ennemi après l'avoir désarmé.

Évidemment c'est un personnage difficile à bien interpréter puisqu'il demande forcément une superbe technique de la part de l'escrimeur qui l'incarne. Par contre, par pitié, ne donnez pas ce rôle à quelqu'un qui n'aurait pas le niveau technique pour l'incarner ! " (voir lien ci dessus)

Chose intéressante, artiste et belle escrime semble bel et bien liés, regardons ça de plus près. 


Oui, regardons ! Quand Lupin visite, CFEA 2023, Nouvelle Aquitaine L'Âme des Armes, crédit photo : Marine Acoiris



2) Artiste et la belle escrime, le cocktail idéal et influent de l'acte compétitif.


a) Belle escrime et artiste, les deux faces d'une même pièce difficile à éviter. 


Dans notre discipline, il y a deux catégories, ce qui relève de la belle escrime et ce qui n'en relève pas. 

La belle escrime c'est cet idéal que chaque escrimeur est censé rechercher : l'alliance de l'efficacité et de la beauté. Un art.
Bien sûr, ni vous, ni moi n'avons la possibilité de nous en réclamer nous même. Non, ce sont nos pairs, nos frères et sœurs d'armes, pas des profanes, qui sont habilités à nous l'attribuer : vous êtes un bon escrimeur, je ne le suis pas. Nos avis n'importent pas.

Alors, cette notion précise n'apparaît pas avant des temps, somme toute, récents et si vous la cherchiez dans nombre de traités anciens, vous ne trouveriez probablement rien, alors postulons.  Postulons que lorsque je parlerai de "belle escrime" j'engloberai toutes tentatives, même minimes, de définir ce qui relève pour une arme, une époque particulière, de la bonne pratique et de ce qui n'en relève pas. C'est arbitraire, imprécis et grossier, oui, mais cela nous permet d'avancer. 

Vous l'aurez compris, une part importante est subjective, mais cela n'a jamais empêché plusieurs auteurs de proposer  leur vision de ce que la belle escrime serait. Quitte parfois à l'asséner comme des vérités. Nous pouvons penser aux vertus, la géométrie, les mathématiques, etc... 

Sur les vertus, ce magnifique article : Origine des vertus et sens des segni dans l'oeuvre de Fiore dei Liberi

Or, pour nous qui observons de loin, à l'abri dans notre siècle, cette longue quête de vérité, la nôtre serait peut-être de ne jamais oublier que l'escrime pratiquée à un instant T était le fruit d'une pratique, mais aussi des mœurs et cultures de ce temps.  Sa beauté n'y faisait pas exception. Une beauté dont l'efficacité n'était pas toujours la clé. Ce qui, en ce qui nous concerne, ne pourra pas s'adapter à tout les personnages proposés. 

Et en réalité, comme le Capitaine le disait, seul l'artiste sur le papier semble y être pleinement dédié. 


Deal avec Dieu, CFEA 2023, PACA La Tulipe Noire, crédit photo : Marine Acoiris


Un style difficile à éviter. 


Or, comme nous sommes escrimeurs, il serait vain de nier que cette escrime, bah ... elle nous plait. Nous n'en sommes tous pas des extrémistes, loin de là, mais c'est sympa de l'utiliser et de la présenter. 

Elle nous plait tellement que certains, par passion, la confonde avec d'autres beautés. Vous savez quand Jean Robert veut justifier sa chorégraphie à coup de "le public veut voir du beau". Alors certes la belle escrime peut l'apporter, si c'est beau c'est proche du vrai. Et c'est amusant de constater combien c'est facile de basculer de beau à vrai, alors que nous devons, au contraire, nous garder de les associer ou confondre. Du moins, de façon automatique. 

Après tout, un athlète, autre personnage expert, basé sur la force, n'est pas censé pratiquer la belle escrime, le vieux briscard, rusé, encore moins. Pourtant les jouer et proposer un beau spectacle c'est plus que possible dans les faits. 

D'ailleurs, je vous dit beau, mais est ce que le public veut justement du beau ?  Un public, au sens d'un groupe de personnes qui par hasard ou volonté consciente se sont réunis devant une prestation, peut vouloir beaucoup de choses. Être émerveillé, ok avec la beauté, diverti, on peut l'envisager, même si  c'est pas gagné, instruit, là on commence à vraiment s'en écarter. 

Ce qui nous pousse à cette deuxième question; en fait, est-ce le public qui désire la beauté, où nous qui décidons de leur proposer, arguant que c'est eux qui l'ont demandé ? Je vous laisse y répondre, mais rappelons qu'aussi volontaire soit-il, celui qui monte sur les planches ce n'est pas le public. 

Quoiqu'il en soit entre notre envie de proposer de la belle escrime couplée à cette confusion de prêter au public une envie presque systématique de l'observer et vous comprenez pourquoi, il est déjà difficile d'y échapper et de ne pas jouer souvent les artistes, ou tout niveau inférieur associé. 

Ce que la compétition ne va pas aider. 

Ça non plus, Tous les cœurs saigneront, CFEA 2023, Île de France Les Lames sur Seine, crédit photo : Marine Acoiris


b) La compétition, une usine à artistes.  

Comme toutes disciplines qui font des adeptes, une question finit toujours pas se poser : c'est qui le meilleur ?

Et comme dans toutes disciplines, on finit par  créer une scène compétitive, des règles, au besoin des catégories, des participants se présentent, un résultat tombe et nous savons qui sont les meilleurs. Certains de façons plus incontestable que d'autres, certains créant la surprise, d'autres moins. Mais à la fin, la discipline et ses pratiquants savent. Savent qui est au sommet et qui ne l'est pas. 

Sauf que voilà. Et si je vous disais, avec ce que nous avons déjà présenté, qu'un événement censé promouvoir l'escrime, obtenir la reconnaissance de ses pairs, et déterminer la personne ou le groupe le plus fort dans une série d'épreuves, finirait par pousser à la belle escrime, seriez vous surpris ?

Et si je vous disais encore que pour y répondre, les compétiteurs choisiraient majoritairement d'incarner des artistes, vous ne devriez plus faire mine d'être étonnés.  Une logique que nous pourrions étendre au gala et autres joyeusetés, dès lors qu'un jury est constitué. 

B) L'artiste, archétype majeur, hégémonique et problématique. 


Ça c'est déjà un premier point, mais dans 95% des cas personnes dans sa carrière d'escrimeur ne participera à une compétition. Et cela vaut aussi pour tout événement qui consisterait à jouer devant un jury. Donc, affirmer comme je viens de le faire que 5% des pratiquants suffirait à déclarer notre discipline comme un repaire d'artistes, fait par des artistes, pour des artistes, semble oser. 
Pourtant, c'est bien, par un mimétisme assumé ou intégré, ce que nous pouvons observer. 

Elle aussi, observe, Pas de retraite pour les Zombies, CFEA 2023 Bourgogne Cercle Ledonien, crédit photo :Pauline Deysson.


1) Le mimétisme, un gigantesque producteur d'artistes. 


Eux, ils sont bons ! 

Voilà, vous profitez de votre dimanche après-midi, le mois de février fleure bon l'été, on va tous brûler, et puisque vous pratiquez l'escrime artistique vous visionnez en direct votre compétition préférée, le criquet aquaponey. Je déconne. Vous n'avez pas l'âme d'un compétiteur, mais vous savez que certains sont doués, très doués même. Au point de vous exclamer : "Eux, ils sont bons !" Ce que les résultats vont vous confirmer. Vous avez peut-être déjà participé à l'un de leur stage, vu certains de leurs spectacles et même si ce n'était pas le cas, à la fin une part de vous même le désirera. 

Naturellement, cette réflexion orientera nos séances et prestations : nous voulons que nos combats marchent et devant notre ordinateur ou assis en direct sur lieu de la compet, nous avons pu observer ce qui marche. Ce n'est d'ailleurs pas le résultat d'une simple façon de faire, mais bien LA façon de faire. La preuve, ils ont gagné ! Lorsque l'élite s'escrime, ceux qui triomphent influencent ceux qui ne le font pas, au risque d'oublier qu'il existe d'autres voies.

C'est ainsi qu'au fleuret, nous pouvons assister au spectacle de Robert qui du haut de ses quatorze ans va désespérément tenter et lamentablement échouer à toucher ses adversaires en passant sa lame entre ses jambes parce qu'il a vu les J.O à la télé. C'est pour la même raison que Justine, seize ans, va systématiquement à l'épée essayer de flécher ses adversaires sans convenablement se préparer. Et c'est pour les mêmes raisons qu'à moins de disposer d'une identité forte, comprise et assumée  nous allons imiter les podiums, chercher les conseils de ceux qui les montent afin de leur ressembler: des artistes, dans un monde d'artistes pour des artistes. 

Et là vient le hic.


Ange ou Démon ? CFEA 2023, Île de France Masque de Fer, crédit photo : Pauline Deysson



2) La domination des artistes, un appauvrissement de la pratique



Le hic, c'est que d'autres archétypes existent, que le public peut finir par trouver que tous ces artistes, c'est bien joli, mais que ça suffit. Or, si vous voulez faire une roulade, du corps à corps ou toutes activités sortant de ce cadre, si cette domination continue de se renforcer et évoluer, vous finirez immanquablement par être raillé ou être, au mieux avec des gens incapables de vous suivre ou vous enseigner les compétences désirées. 

Et si vous trouvez que j'exagère, demandez à des Orléanais. 

Pire, au fur et à mesure que l'artiste deviendrait le seul archétype expert autorisé, nous pourrions passer de prestations joués pour un public et aussi ceux qui pratiquent à des prestations uniquement destinés à ceux qui pratiques, seuls à même d'apprécier ce qui se passerait avec nos épées de cours et nos fleurets. 

Et si vous trouvez, là encore que j'exagère pourquoi cette crainte de ne pas voir son escrime comprise par le public.

Bref, vous l'aurez compris, l'homogénéité peut appauvrir. Heureusement, nous vivons un moment propice à un meilleur équilibre. 

II) l'escrime artistique, une pratique mûre pour une plus grande diversité. 



Cet équilibre s'articulent au moins sur deux axes : l'essor d'autres époques comme le moyen-âge, en quantité et qualité, ainsi que les propositions de troupes et cinématographiques qui prennent de plus en plus le contre-pied d'une escrime idéalisée. 


Bon ça reste beau. Très beau. Bon Dieu ! Que c'était beau ! Pestifer, CFEA 2023, Pays de Loire Formation aux Armes, crédit photo : Marine Acoiris


A) La magie du médiéval, une escrime à la beauté singulière et appréciée du public.

 

Ce qui a du bien avec le médiéval c'est qu'elles ont beau être pratiquées depuis des décennies, ses escrimes arrivent toujours à créer la surprise. Dans ce monde dominé par les rapières, rien que le fait de sortir une épée longue crée l'excitation. Son statut, subi, de parent pauvre de l'escrime artistique y joue pour beaucoup, mais  force est de constater que le public sait l'apprécier. 

Or, ce qui pourrait s'apparenter le plus à une belle escrime pour le med ne repose pas sur les mêmes principes que ceux de notre bonne vielle école française. Elle fait même pour le coup, office de petite jeune. Il est courant d'entendre que devenir bon à l'épée longue passe par l'escrime, ça ok, jusque là on connait, mais aussi la lutte. Et là, c'est pas dans une salle d'armes classique, où les tatamis sont aussi rares que l'ancien lutteur Brock Lesnar et l'ex judokate Ronda Rousey, que vous allez l'étudier. 

Et un combattant expert qui associerait aussi bien, escrime et corps à corps bah... c'est pas un artiste. Surtout quand il trouve ça normal, plus efficace... le vieux briscard. L'athlète parfois. 

Ainsi, par sa simple présence, l'escrime médiévale permet de tempérer l'usage systématique d'user d'artistes. C'est déjà visible alors qu'elle n'est toujours pas considérée comme une époque aussi importante que le Grand Siècle. Imaginez si ça l'était. Je suis médiéviste ! Laissez moi rêver. 

En revanche, seules, des armes à la logique différente auraient du mal  à renverser une tendance qui semble bien ancrée : belle escrime, école française, fleuret. Au moins, un allié de poids serait donc à chercher et le cinéma apparait comme un candidat tout trouvé. Lui qui depuis quelques années a su jouer des cartes différentes de ce que la belle escrime aurait prônées.  


Bon là, c'est plus Robert chez les suicidaires. Ne faites pas ça ! Knightfall, série 2017-2019



B) Un cinéma toujours spectaculaire, mais en quête de réalisme.


En 2020, le Capitaine avait déterminé deux styles en vogue dans le cinéma : le spectaculaire et le réaliste. Je ne vais pas recopier son article donc je vous y renvois : ici

Si le premier semble donner la part belle aux artistes et c'est très bien, le second prône et c'est une sacré évolution un style réaliste, efficace, l'affaire d'athlète et de vieux briscards, voire de leurs versions moins expérimentées

C'est d'autant plus intéressant que le cinéma constitue un excellent contrepoids à la compétition. Par sa fréquence de sortie d'une part, mais aussi par le public visé, beaucoup plus large qu'un championnat. Championnat qui, même avec la plus large des diffusions, verra probablement son impact moindre que celui d'un long métrage. Nous sommes en 2023 et je ne crois pas que cette analyse ait tant changé : le dernier trois mousquetaires, par exemple, me conforte bien dans cette idée. Si par le spectaculaire, la belle escrime, la virtuosité, même fantasmées continuent de vivre leurs meilleures jours, je suis satisfait que d'autres styles nous soit proposés et que le travail de nombreux artistes, au sens cette fois ci de l'art, militant pour le réalisme, ait pu trouvé l'écho de cette splendide industrie. 

Et certes nous ne sommes plus dans l'escrime artistique, mais nous ne saurions nier l'influence de ce média dans notre activité. 

Le genre de situation où on défend l'efficacité avant la beauté, Le sang des Templier de Jonathan English, 2011



C) Varier ses personnages, trois règles pour y arriver


Si vous aimez jouer les artistes, les bons élèves ou les maladroits, je ne suis pas là pour vous empêcher de le faire. Déjà, derrière mon écran, ça m'est compliqué, mais surtout si c'est votre choix, je n'ai pas à m'y opposer. En revanche, si vous recherchez des moyens pour éviter de toujours les incarner, ou les singulariser, voici trois règles pour vous aider.

Règle une, les mêmes styles tu n'opposeras.


Je le sous-entendais tout à l'heure, mais dès que nous choisissons un archétype, il est préférable d'éviter de lui opposer un clone de lui-même.
Le catch, par exemple, l'a très bien compris et réserve ses types de combat miroir au service de scénarios très construits. Le face affrontera un heel et un heel, un face. Ça fonctionne, ne demande pas des efforts incommensurables pour raconter une histoire et permet même, lorsque la rivalité est jugée importante, d'ajouter de la profondeur.

Alors, lorsque nous jouons un artiste, un athlète ou un vieux briscard, lui opposer  un style opposé permet à chacun de se singulariser. 


Règle deux, le corps à corps même pour un artiste tu useras.


Autre aspect où j'incite vos personnages artistes à s'ouvrir c'est bien le corps à corps. Artiste ne signifie qu'une tendance. Nos choix majeurs si vous préférez. Vous avez toujours le droit d'épicer un peu vos protagonistes préférées.  

Alors ? Vous reprendrez bien cette salade de pommeaux parfumés de petites clés ?


Lutte à l'épée longue - Traité de Paulus Hector Mair


Règle trois, le style le plus adapté à tes gars tu choisiras. 


Enfin, nous avons tous un archétype privilégié. Ce n'est pas parce que la donne est à l'artiste que nous devons nous y plier surtout quand nous sommes en train de progresser. Et si c'est valable pour nous, ce sera valable pour ceux qui nous accompagnent, élèves ou camarades. Restons attentifs aux facilités et appétences de chacun et aidons les à choisir un style conforme à leur identité qui les fera briller. 

Notre camarade a du mal à reculer, ou aime tout simplement jouer court, lui proposer de jouer le rusé peut payer. Des voltes, des esquives ? Un archétype autour de la force peut se trouver. 

Quant au niveau : débutant, intermédiaire, experts, chacun est plus ou moins compliqué à incarner, mais de manière générale les intermédiaires sont propices à des débutants, débutants-confirmés. Les archétypes experts demanderont des escrimeurs plus qualifiés et les débutants dépendent davantage de l'attribut associée. L'article du Capitaine a une rubrique sur le sujet. 


Conclusion


Si l'escrime de scène ne peut se réduire à l'artiste, force est de constater que l'escrime artistique y tend dangereusement. Au-delà de correspondre à une vision fantasmée de l'escrime, celle qui serait belle, par essence, la compétition, bien que minoritaire, encourage davantage cette identité par sa grande influence. Une identité propice aux artistes. Je parle toujours de l'archétype.

L'essor du médiéval, son gain de qualité, ainsi que celui de troupes proposant des prestations où l'artiste est absent, ont offert un contrepied nécessaire, bien qu'encore fragile, en dehors et au sein de l'escrime artistique. Son développement arrive déjà à faire bouger certaines lignes. Il ne tient qu'à nous de l'accompagner et d'en tirer certains enseignements ; ne pas oublier que si nous aimons le message que nous portons, l'escrime que nous pratiquons, les spectateurs suivront. 

C'était le Baron de Sigognac pour vous desservir. Bon début d'été. 






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