La plupart des traités d'escrime nous montrent des oppositions entre deux adversaires armés de la même façon. C'est aussi très souvent le cas pour les combats d'escrime de spectacle. Pourtant, que ce soit le choix de nos personnages ou juste une envie des escrimeurs on peut être amené à opposer des armes différentes et donc, souvent inégales. Mais encore faut-il ne pas faire cela n'importe comment, on ne doit pas se contenter de faire exactement comme on fait quand les deux escrimeurs sont armés de la même façon, on ne peut pas retranscrire le même combat, il faut en construire un spécifique. D'ailleurs c'est aussi tout l'intérêt d'utiliser des armes différentes. Je vais donc essayer ici de dégager une méthode pour bien le faire.
Précision : je vais parler d'armes par facilité, mais je devrais parler de systèmes d'armes comme on dit dans le domaine militaire. Ainsi considérez qu'une épée avec un bouclier ou une rapière avec une dague sont des armes différentes que ces mêmes armes employées de façon isolée.
Précision : je vais parler d'armes par facilité, mais je devrais parler de systèmes d'armes comme on dit dans le domaine militaire. Ainsi considérez qu'une épée avec un bouclier ou une rapière avec une dague sont des armes différentes que ces mêmes armes employées de façon isolée.
Épée de cour contre espadon (sabre) dans l'École des armes de Domenico Angelo - 1763 |
Se renseigner sur les armes employées
La première chose à faire est d'essayer de connaître les armes employées, leurs forces et faiblesses, comment les employer et, si possible, l'une contre l'autre. Il faut donc commencer par se renseigner.
Les traités d'époque qui décrivent le maniement de ces armes devraient être la source primaire, la première à regarder. Quelques traités, recèlent des passages qui traitent de l'opposition entre armes différentes. Le plus riche est, assez logiquement, celui de Paulus Hector Mair (années 1540), qui propose pas moins de 17 jeux opposant diverses armes avec attaque-riposte-contre-riposte. De façon non exhaustive on citera également les traités de Hans Talhoffer, de Antonius Rast, d'Andre Paurñfeindt, les planches d'Albrecht Dürer, les traités de Pierre Jacques Girard et de Domenico Angelo ainsi que les manuels de self-défense d'Émile André et Georges Dubois. Cependant, à chaque fois il s'agit d'une toute petite partie du traité. Il faudra donc aussi regarder les parties opposant des armes semblables. Elles permettent de comprendre comment l'arme fonctionne, quels coups on fait avec, et lesquels on ne fait jamais (la raison peut être culturelle mais le plus souvent il y a une raison pratique).
On pourra également faire une part à l'expérimentation. Celle des autres d'abord, celles d'époque où les sources font parfois des discours intéressants sur les armes et leurs avantages et inconvénients, mais également sur l'expérience des pratiquants d'AMHE qui les manient de nos jours. On peut également expérimenter soi-même, en opposition si l'on dispose des protections et du matériel adapté, mais aussi en essayant des coups comme quand on construit une chorégraphie, avec une logique martiale pour comprendre là où l'on serait dangereux et là où l'on serait en danger. Dans tous les cas il faut essayer d'être logique, de comprendre les armes et comment on les emploie.
Tout d'abord il faut déterminer le type de coups qu'est capable de donner l'arme (pour les termes que j'emploie je vous invite à vous référer à ma typologie des coups d'épée). L'arme peut-elle frapper d'estoc, de taille ou d'entaille ? Pour quel type d'attaque est-elle d'abord faite ? Si elle donne des coups de taille, ceux-ci ont-ils besoin d'être très armés pour être dangereux (quarterblow selon la terminologie de Swetnam) ou au contraire, vaut-il mieux privilégier les coups légers du poignet (wrist blow) ? Ainsi on a vu que la rapière est d'abord une arme d'estoc utilisant de petits coups de taille et d'entaille, tandis que le sabre est d'abord une arme de taille mais où l'on ne négligera ni l'estoc ni l'entaille. La hache, de part son tranchant et son poids, n'a pas besoin d'immense coups pour être dangereuse mais elle ne frappe pas d'estoc (ou de manière peu efficace). Les cannes, gourdin et autre bâtons ont besoin de beaucoup d'élan pour faire mal et les wrist blows sont inefficaces avec ces armes. On a vu qu'un bouclier ou une arme de main gauche prête à se protéger permet d'envoyer des coups plus violents ou même d'attaquer aux jambes (ce qu'on ne fait jamais à l'arme simple).
À partir de là je propose de dégager quatre caractéristiques qui déterminent les forces et les faiblesses de chaque arme. Chaque combattant doit ainsi s'efforcer de profiter des faiblesses de l'arme adverse et gérer les faiblesses de la sienne. Plus les différences sont flagrantes, plus elles auront un effet sur le combat.
C'est la première chose qui intervient puisqu'elle va déterminer qui a l'avantage avant le premier échange si les distances sont différentes (et il est rare qu'elles ne le soient pas). Celui qui a la distance la plus courte devra se tenir hors de la distance de son adversaire et n'y pénétrer que pour attaquer. Il devra d'ailleurs le plus souvent subir une attaque qu'il devra gérer pour pouvoir attaquer, il peut d'ailleurs la provoquer. Il voudra toujours avancer sur l'autre pour arriver à sa propre distance. À l'inverse, celui qui a l'avantage de l'allonge voudra rester à distance, reculera souvent pour conserver son avantage ou, si il veut avancer, usera de feintes et fausses attaques pour intimider son ennemi.
La maniabilité est très importante, elle détermine la facilité ou non à rentrer dans la garde d'un adversaire pour le frapper après qu'il ait donné un coup. Elle détermine la rapidité d'une riposte et peut justifier qu'on enchaîne plusieurs attaques avec une arme rapide contre une arme lente qui peine à défendre. Un adversaire équipé d'une arme plus lente devra éviter de se faire surprendre et beaucoup anticiper, être souvent sur la défensive... Sauf si votre combat doit être court (dans le cadre d'un combat de groupe par exemple) ce qui lui permettra de charger comme un idiot et de se faire éliminer rapidement !
Certaines armes nécessitent d'être parées en parade du tac et non en opposition. Nous avons vu récemment le cas de la faux, mais c'est aussi le cas si l'on pare une arme tranchante avec une canne ou un bâton, sous peine de voir son arme détruite.
Ainsi les possesseurs des armes les plus fragiles useront-il d'esquives et éviteront de donner leur fer. Ou alors, comme c'est le cas des combattants à la dague, ils devront rentrer dans l'attaque adverse pour arrêter directement le bras qui frappe et non l'arme. Contre une lance, un bâton ou une arme d'hast on aura facilement tendance à vouloir saisir l'arme adverse de sa main libre pour la neutraliser.
Les traités d'époque qui décrivent le maniement de ces armes devraient être la source primaire, la première à regarder. Quelques traités, recèlent des passages qui traitent de l'opposition entre armes différentes. Le plus riche est, assez logiquement, celui de Paulus Hector Mair (années 1540), qui propose pas moins de 17 jeux opposant diverses armes avec attaque-riposte-contre-riposte. De façon non exhaustive on citera également les traités de Hans Talhoffer, de Antonius Rast, d'Andre Paurñfeindt, les planches d'Albrecht Dürer, les traités de Pierre Jacques Girard et de Domenico Angelo ainsi que les manuels de self-défense d'Émile André et Georges Dubois. Cependant, à chaque fois il s'agit d'une toute petite partie du traité. Il faudra donc aussi regarder les parties opposant des armes semblables. Elles permettent de comprendre comment l'arme fonctionne, quels coups on fait avec, et lesquels on ne fait jamais (la raison peut être culturelle mais le plus souvent il y a une raison pratique).
On pourra également faire une part à l'expérimentation. Celle des autres d'abord, celles d'époque où les sources font parfois des discours intéressants sur les armes et leurs avantages et inconvénients, mais également sur l'expérience des pratiquants d'AMHE qui les manient de nos jours. On peut également expérimenter soi-même, en opposition si l'on dispose des protections et du matériel adapté, mais aussi en essayant des coups comme quand on construit une chorégraphie, avec une logique martiale pour comprendre là où l'on serait dangereux et là où l'on serait en danger. Dans tous les cas il faut essayer d'être logique, de comprendre les armes et comment on les emploie.
Quelques techniques de messer contre épée longue dessinées par Albrecht Dürer en 1512. Nous n'avons pas de texte les accompagnant mais la première est décrite par Antonius Rast en 1523 |
Comprendre la logique des armes
Tout d'abord il faut déterminer le type de coups qu'est capable de donner l'arme (pour les termes que j'emploie je vous invite à vous référer à ma typologie des coups d'épée). L'arme peut-elle frapper d'estoc, de taille ou d'entaille ? Pour quel type d'attaque est-elle d'abord faite ? Si elle donne des coups de taille, ceux-ci ont-ils besoin d'être très armés pour être dangereux (quarterblow selon la terminologie de Swetnam) ou au contraire, vaut-il mieux privilégier les coups légers du poignet (wrist blow) ? Ainsi on a vu que la rapière est d'abord une arme d'estoc utilisant de petits coups de taille et d'entaille, tandis que le sabre est d'abord une arme de taille mais où l'on ne négligera ni l'estoc ni l'entaille. La hache, de part son tranchant et son poids, n'a pas besoin d'immense coups pour être dangereuse mais elle ne frappe pas d'estoc (ou de manière peu efficace). Les cannes, gourdin et autre bâtons ont besoin de beaucoup d'élan pour faire mal et les wrist blows sont inefficaces avec ces armes. On a vu qu'un bouclier ou une arme de main gauche prête à se protéger permet d'envoyer des coups plus violents ou même d'attaquer aux jambes (ce qu'on ne fait jamais à l'arme simple).
À partir de là je propose de dégager quatre caractéristiques qui déterminent les forces et les faiblesses de chaque arme. Chaque combattant doit ainsi s'efforcer de profiter des faiblesses de l'arme adverse et gérer les faiblesses de la sienne. Plus les différences sont flagrantes, plus elles auront un effet sur le combat.
Les distances d'attaque
Il est essentiel de déterminer les distances auxquelles l'arme est efficace. J'attire votre attention que de nombreuses armes frappent à plusieurs distances en fonction du coup porté. Ainsi la distance d'estoc est toujours plus longue que celle de taille et l'entaille est très souvent possible même proche. Dans le cadre d'une opposition entre armes différentes c'est quelque-chose d'essentiel et de souvent mal maîtrisé dans les chorégraphies. Les lances, les bâtons longs et les armes d'hast frappent à longue distance tandis que les dagues ou les poings frappent de près. L'épée longue, arme d'estoc et de taille maniable en demi-épée est dangereuse à la plupart des distances.C'est la première chose qui intervient puisqu'elle va déterminer qui a l'avantage avant le premier échange si les distances sont différentes (et il est rare qu'elles ne le soient pas). Celui qui a la distance la plus courte devra se tenir hors de la distance de son adversaire et n'y pénétrer que pour attaquer. Il devra d'ailleurs le plus souvent subir une attaque qu'il devra gérer pour pouvoir attaquer, il peut d'ailleurs la provoquer. Il voudra toujours avancer sur l'autre pour arriver à sa propre distance. À l'inverse, celui qui a l'avantage de l'allonge voudra rester à distance, reculera souvent pour conserver son avantage ou, si il veut avancer, usera de feintes et fausses attaques pour intimider son ennemi.
On profite de l'allonge supérieure de la canne face au couteau pour neutraliser l'adversaire Georges Dubois Comment se défendre - 1913 |
La maniabilité des armes
Du type de coups provient aussi en grande partie la maniabilité de l'arme. Celle-ci est ainsi déterminée par la légèreté et l'équilibre de celle-ci ainsi que de l'importance ou non d'armer ses coups. Une arme maniable laisse moins d'ouvertures car on revient rapidement en défense après une attaque et on riposte facilement après une parade. Une arme maniable peut plus facilement changer de direction et ainsi permettre des feintes plus rapides. L'épée de cour est, on l'a vu, une arme extrêmement agile, capable d'esquiver des lames ou de revenir très rapidement après une parade. La canne qui est une arme légère est moins rapide car elle a besoin de beaucoup d'élan pour frapper, l'épée longue n'est pas si légère mais son équilibre et la diversité de ses coups en fait une arme maniable dans les mains d'un escrimeur averti (un buffle frappera de grands coups comme la brute qu'il est). Le grand gourdin à deux est en revanche une arme lourde et qui a en plus besoin de coups armés pour être dangereux, sa maniabilité est donc très faible.La maniabilité est très importante, elle détermine la facilité ou non à rentrer dans la garde d'un adversaire pour le frapper après qu'il ait donné un coup. Elle détermine la rapidité d'une riposte et peut justifier qu'on enchaîne plusieurs attaques avec une arme rapide contre une arme lente qui peine à défendre. Un adversaire équipé d'une arme plus lente devra éviter de se faire surprendre et beaucoup anticiper, être souvent sur la défensive... Sauf si votre combat doit être court (dans le cadre d'un combat de groupe par exemple) ce qui lui permettra de charger comme un idiot et de se faire éliminer rapidement !
Les possibilités de parade
Découlant des coups, les possibilités de parade, sont une chose à ne pas négliger. Certaines armes sont tellement puissantes que d'autres peuvent difficilement parer leurs coups de taille. Ainsi les rapières et plus encore les épées de cour sont incapables de parer les armes puissantes et lourdes lorsqu'elles frappent de taille (elles parent plus facilement les estocs), la parade en s'aidant de la deuxième main sur un coup puissant est utile au messer ou au dussack...Certaines armes nécessitent d'être parées en parade du tac et non en opposition. Nous avons vu récemment le cas de la faux, mais c'est aussi le cas si l'on pare une arme tranchante avec une canne ou un bâton, sous peine de voir son arme détruite.
Ainsi les possesseurs des armes les plus fragiles useront-il d'esquives et éviteront de donner leur fer. Ou alors, comme c'est le cas des combattants à la dague, ils devront rentrer dans l'attaque adverse pour arrêter directement le bras qui frappe et non l'arme. Contre une lance, un bâton ou une arme d'hast on aura facilement tendance à vouloir saisir l'arme adverse de sa main libre pour la neutraliser.
Saisie de la hallebarde après parade d'un coup d'estoc au dussack chez Paulus Hector Mair (années 1540) |
Les techniques spécifiques
Enfin, n'oublions pas les techniques spécifiques propres à certaines armes. Les haches peuvent crocheter les boucliers ou les autres armes, les messers ont un clou qui aide aux contrôle de l'arme adverse, les épées longues et certaines rapières ou mains-gauches ont des quillons qui peuvent enserrer la lame adverse, les combattants armés de boucliers vikings peuvent passer des turn-shield et ainsi attaquer du côté du bouclier... cette liste n'est pas exhaustive. N'oublions pas non plus que de nombreuses techniques d'escrime médiévale traitent du jeu court qui comprend des techniques de désarmement, de clefs, d'immobilisation ou de mise au sol. Il faut les connaître pour voir si on pourra les employer dans le combat.Ainsi beaucoup de techniques de jeu court se font à partir de lames croisées, elles sont assez facilement employables que ces lames soient à une ou deux mains voire qu'on croise une hache avec une épée... En revanche c'est souvent plus compliqué après un coup d'estoc. Il en va de même de toutes les techniques utilisant des quillons ou le clou du messer.
Cette technique de dussack dans le traité d'Andre Paurenfeindt peut être facilement reproduite avec d'autres armes (illustration issue de l'édition d'Eigenhoff - 1531) |
Pour conclure
Opposer des armes différentes est beaucoup plus compliqué que d'opposer des armes semblables. Cela demande une réflexion préalable qu'on ne devra pas négliger. Si on ne le fait pas les armes différentes seront seulement des décorations et l'intérêt est alors faible. Au contraire, si on prend en compte la différence entre les armes cela devient intéressant, cela fait de la variété pour le public et cela a de fortes chances d'amener des situations qu'on voit rarement. Soyons ambitieux et ambitieuses, ne nous laissons pas tenter par une volonté uniquement cosmétique !Je vous laisse avec ce combat d'Adorea opposant la longue rapière au court dussack :
Bonjour,
RépondreSupprimerOpposer deux mêmes armes, comme on le trouve la plupart du temps dans les traités, est le signe d'une escrime ... scolaire et civile, pratiquée dans les salle d'armes. En effet, c'est absolument contre-productive d'opposer deux adversaires à armes égales et réduire ainsi les chances de s'en sortir à la seul capacité d'escrimer des combattants. C'est beaucoup plus logique d'utiliser une arme qui me procure un avantage face à mon adversaire, un couteau face aux mains nues, une épée face à une dague ou une lance face à une épée etc. C'est le principe du combat militaire, où on oppose des unités armées différemment, des piquets contre des cavaliers, les épées/boucliers contre lanciers etc.
De mon avis, ce fait est aussi à l'origine de la diversification de la forme des épées. Logiquement l'épée de côté s'oppose à l'épée à une main et la rapière à panier à l'épée de côté ...
C'est dans les écoles d'escrime et salles d'armes, dans un souci d'égalité et d'entraînement technique qu'on commence à opposer les mêmes armes.
Des écoles on part dans les duels, où à partir du 17e siècle l'égalité des armes s'impose. Mais si nous regardons les traités de Talhoffer, un grand spécialiste du duel judiciaire du 15e siècle, souvent des armes diffentes sont opposées.
Utiliser des armes différentes en escrime artistique peut alors qu'enrichir une chorégraphie et faire d'un affrontement armé un vraie spectacle.