[article originellement publié le 4 février 2019 et réécrit suite à une fausse manipulation]
Comme vous le savez j'aime les armes insolites ou originales. J'inaugure ici une nouvelle série discontinue d'articles qui présenteront ces armes. On commence ici par ces redoutables outils de paysans que sont la faux et la faucille.
Technique de combat à la faix dans le traité de Paulus Hector Mair (années 1540) |
De l'outil efficace...
La faucille existait déjà un peu avant le Néolithique (9000 av-J.C), elle était en bois avec des dents de pierre. Avec l'âge des métaux elle a acquis une lame de métal. On connait de nombreuses variantes de faucilles mais la plupart sont assez proches. Sur un manche de bois est enchâssée une lame courbe le plus souvent pourvue de dents à l'intérieur. Seul l'intérieur de la lame est tranchant (et souvent c'est plus l'action de sciage des dents qui compte), la bout de la lame est généralement pointu. La faucille sert, depuis son invention, à récolter les foins et les céréales puis, à partir du Moyen-âge peut-être, seulement les céréales panifiables (blé, seigle). La technique de récolte consiste à rassembler les blés grâce à al forme courbe et à les scier grâce aux dents ou au tranchant. Cette technique permet de perdre peu de grains mais nécessite énormément de personnes pour la moisson. Tout le monde paysan était généralement mobilisé, d'autant que la faucille est un outil qui nécessite peu de force et peut être utilisé aussi bien par des adolescents que des vieillards.
Récolte de céréales à la faucille au Népal
La faux est une invention plus récente. Elle se serait répandu à partir de l'âge du fer (700 av.-J.C.), on connait des faux gauloises notamment. Son usage pour faucher les foins et l'avoine est attesté au XIIIème siècle en France. Cependant, pendant longtemps elle n'était pas utilisée pour les céréales panifiables que l'on récoltait encore à la faucille. La faux n'a commencé à être utilisée pour les blés qu'à partir du XVIIIème siècle avec une généralisation au milieu du XIXème siècle. Elle est 2 à 5 fois plus efficace en temps pour faucher un champ mais fait perdre plus de grains, d'où ce paradoxe probable. C'est un outil lourd et fatiguant qui nécessite d'être manié par des gens robustes et en bonne santé, typiquement des hommes adultes. Physiquement il s'agit d'une lame courbe montée perpendiculairement sur un manche pourvu de deux poignées. Contrairement à la faucille la lame doit être extrêmement affûtée pour couper les tiges.
Cette vidéo vous permettra de voir en action la technique de fauchage et son efficacité face à un débroussailleur moderne
Pour plus de précisions je vous invite à lire l'article de George Graham : "La faucille et la faux, un exemple de dépendance temporelle" - Études rurales - 1999
À l'arme vicieuse
Un seul traité d'escrime, celui de Paulus Hector Mair (vers 1540), nous présente des techniques de combat avec la faux et la faucille ainsi que d'autres techniques aux armes paysannes. Il est difficile de savoir d'où viennent ces techniques. Elles peuvent résulter d'une tradition non écrite dont nous avons ici la seule trace, cela ne serait pas étonnant pour une escrime de petites gens qui ne savent pas lire. Mais il n'est pas à exclure qu'elles aient été inventées par Paulus Hector Mair et ses escrimeurs. Un indice toutefois, dans sa présentation des différentes armes Mair indique pour la faux :
La faucille est une arme courte qui utilise beaucoup de techniques de corps à corps qu'elle partage avec la dague. Si elle en est très proche, elle en diffère par ses attaques qui se font par des coups de taille à la tête ou au flanc avec pour but d'enfoncer la pointe de la faucille dans le corps de l'adversaire. On la pare soit comme une dague en saisissant le poignet adverse, soit comme une lame avec la lame de la faucille. La lame peut également crocheter très facilement un membre ou le cou de l'adversaire. Une fois crocheté les dents de la lame ne sont peut-être pas assez acérées pour blesser toujours, sauf si on arrive à scier sur une grande longueur et infliger ainsi un cruel coup d'entaille. Mais il est probable que les dents accrochent le vêtement et accroissent la prise, permettant des techniques de corps à corps grâce à cette arme.
Vous trouverez ici une transcription et une traduction des techniques de combat à la faucille par Pierre-Henry Bas et Lutz Horvath
La faux est une arme encore plus particulière. Les attaques sont assez similaires à celles de la faucille, de grands coups de taille pour planter avec la pointe de la lame... ou passer derrière le cou, le ventre, ou un membre ! La faux n'a pas d'attaque d'estoc et malgré son long manche elle a ainsi une portée relativement courte. En revanche il suffit de la manier un peu pour comprendre ce qui en fait une arme extrêmement vicieuse : si l'adversaire fait une parade en opposition il a de fortes chances de se retrouver avec la lame de la faux derrière lui ! Le combattant à la faux n'a alors plus qu'à ramener vers lui son arme pour saisir une jambe ou un cou lui donnant la possibilité d'une profonde entaille (n'oublions pas que, contrairement à faucille, la faux est très affûtée). Toutes les parades doivent donc être des parades du tac qui rejettent très loin l'arme adverse !
Vous trouverez ici un article sur le combat à la faux par le Chapitre des Armes et là une transcription et une traduction par Pierre-Henry Bas et Thomas Rivière.
Es haben · die allten ain kunst des Fechtens mit der Segens gehallten ·Cela ferait pencher la balance vers une tradition ancienne (on peut comparer ça avec la tradition d'Okinawa au Japon où l'on a aussi des techniques de combat avec des outils, notamment le kama, la faucille japonaise). Mais il n'est pas à exclure que cela puisse être juste une invention pour mieux valoriser ces techniques. Dans son traité Mair nous présente ces techniques en opposition contre la même arme même si il s'agirait plutôt de techniques de défense. Précisons que nous ne savons pas si il existait d'autres traditions du maniement de ces armes, à quelle époque ces techniques sont apparues ni jusque quand elles ont perduré. Faute de mieux on les utilisera pour des combats du Moyen-âge au XIXème siècle, mais sans savoir vraiment si l'on est juste historiquement.
Il se trouve que les anciens détenaient un art de l'escrime avec la faux
(traduction approximative : Capitaine Fracasse, proposez-moi mieux !)
La faucille est une arme courte qui utilise beaucoup de techniques de corps à corps qu'elle partage avec la dague. Si elle en est très proche, elle en diffère par ses attaques qui se font par des coups de taille à la tête ou au flanc avec pour but d'enfoncer la pointe de la faucille dans le corps de l'adversaire. On la pare soit comme une dague en saisissant le poignet adverse, soit comme une lame avec la lame de la faucille. La lame peut également crocheter très facilement un membre ou le cou de l'adversaire. Une fois crocheté les dents de la lame ne sont peut-être pas assez acérées pour blesser toujours, sauf si on arrive à scier sur une grande longueur et infliger ainsi un cruel coup d'entaille. Mais il est probable que les dents accrochent le vêtement et accroissent la prise, permettant des techniques de corps à corps grâce à cette arme.
Vous trouverez ici une transcription et une traduction des techniques de combat à la faucille par Pierre-Henry Bas et Lutz Horvath
Présentation des techniques de faucille du traité de P.H.M. par le groupe Artes Belli
La faux est une arme encore plus particulière. Les attaques sont assez similaires à celles de la faucille, de grands coups de taille pour planter avec la pointe de la lame... ou passer derrière le cou, le ventre, ou un membre ! La faux n'a pas d'attaque d'estoc et malgré son long manche elle a ainsi une portée relativement courte. En revanche il suffit de la manier un peu pour comprendre ce qui en fait une arme extrêmement vicieuse : si l'adversaire fait une parade en opposition il a de fortes chances de se retrouver avec la lame de la faux derrière lui ! Le combattant à la faux n'a alors plus qu'à ramener vers lui son arme pour saisir une jambe ou un cou lui donnant la possibilité d'une profonde entaille (n'oublions pas que, contrairement à faucille, la faux est très affûtée). Toutes les parades doivent donc être des parades du tac qui rejettent très loin l'arme adverse !
Vous trouverez ici un article sur le combat à la faux par le Chapitre des Armes et là une transcription et une traduction par Pierre-Henry Bas et Thomas Rivière.
Présentation des techniques de faux du traité de P.H.M. par le groupe néerlandais Bataille
Les paysans au combat
Monter un combat avec des faux et des faucilles implique presque systématiquement de mettre en scène ceux qui les manient : les paysans. On peut trouver quelques scénarios opposant des paysans entre eux justifiant des combats à armes égales. Il faudra donner dans les vieilles querelles entre familles dont les paysans ne sont pas exclus, les vieilles haines à base d'héritage, de droits sur la terre ou de la vertu d'une jeune fille... Cela peut même donner lieu à des combats de groupe impliquant des familles armées de faux et de faucille mais aussi d'autres armes paysannes comme les bâtons, les hachettes, les grands couteaux ou encore les grands gourdins à deux mains.
En sortant du monde paysan strictement deux scénarios sont évidents : la révolte paysanne et la défense de la ferme face à des pillards. Au vu de la place que requiert le maniement de la faux (de grandes attaques circulaires) il ne s'agira que de petits engagements, une bataille en formation plus serrée se fera avec des faux retournées, les transformant en armes d'hast (ancêtre du fauchard). On peut imaginer des paysans révoltés contre leur seigneur, le collecteur de taxe, ou en pleine jacquerie. L'avantage de ces armes est d'être presque intemporelles et de permettre des combats à toutes époques ou presque.
Une remarque également : a priori la faux sera plutôt maniée par des hommes en forme tandis que la faucille peut l'être par n'importe quel habitant des campagnes. Il est logique de supposer que, si entraînement il y avait, celui-ci se faisait avec les outils que les gens maniaient habituellement. Ensuite il est peu probable que les paysans soient des experts des armes, même si ils connaissent quelques techniques leur expérience martiale sera probablement assez limitée. Ils seront donc vraisemblablement intimidés devant un combattant plus professionnel, du moins au début du combat. Après libre à vous de créer un maître de la faux (ou de la faucille), une sorte de héros rural défendant les petites gens face à l'oppression et aux pillards !
Les faux et les faucilles peuvent facilement s'opposer à d'autres armes. De part les zones qu'elles visent elles évitent facilement les zones protégées par des armures partielles (casque et cuirasse ou haubergeon de mailles par exemple) ce qui est un avantage face aux soldats du seigneur ou aux pillards. La difficulté à parer les faux en fait une arme valable face à une épée longue ou toute autre arme. Contrairement aux dagues les faucilles peuvent être utilisées pour parer des lames, on retrouve des parades de ce genre dans le traité de Paulus Hector Mair face à des coups de faucille, la technique fonctionnera tout aussi bien face à une épée ou un sabre.
Pour conclure ces armes ont un bon potentiel de spectacle. Elles permettent de varier les scénarios en mettant en scène des paysans que l'on voit rarement dans les spectacles de combat scénique. Leurs particularités martiales sont également l'occasion de coups surprenant et originaux dont le public raffolera. Enfin, une dernière chose : l'association de la faux avec la Mort dont on pourra aussi jouer si l'on veut un combat symbolique.
En sortant du monde paysan strictement deux scénarios sont évidents : la révolte paysanne et la défense de la ferme face à des pillards. Au vu de la place que requiert le maniement de la faux (de grandes attaques circulaires) il ne s'agira que de petits engagements, une bataille en formation plus serrée se fera avec des faux retournées, les transformant en armes d'hast (ancêtre du fauchard). On peut imaginer des paysans révoltés contre leur seigneur, le collecteur de taxe, ou en pleine jacquerie. L'avantage de ces armes est d'être presque intemporelles et de permettre des combats à toutes époques ou presque.
Parade d'une attaque à la faux avec une faux. Dans le traité de Mair les deux escrimeurs manient la même arme |
Une remarque également : a priori la faux sera plutôt maniée par des hommes en forme tandis que la faucille peut l'être par n'importe quel habitant des campagnes. Il est logique de supposer que, si entraînement il y avait, celui-ci se faisait avec les outils que les gens maniaient habituellement. Ensuite il est peu probable que les paysans soient des experts des armes, même si ils connaissent quelques techniques leur expérience martiale sera probablement assez limitée. Ils seront donc vraisemblablement intimidés devant un combattant plus professionnel, du moins au début du combat. Après libre à vous de créer un maître de la faux (ou de la faucille), une sorte de héros rural défendant les petites gens face à l'oppression et aux pillards !
Les faux et les faucilles peuvent facilement s'opposer à d'autres armes. De part les zones qu'elles visent elles évitent facilement les zones protégées par des armures partielles (casque et cuirasse ou haubergeon de mailles par exemple) ce qui est un avantage face aux soldats du seigneur ou aux pillards. La difficulté à parer les faux en fait une arme valable face à une épée longue ou toute autre arme. Contrairement aux dagues les faucilles peuvent être utilisées pour parer des lames, on retrouve des parades de ce genre dans le traité de Paulus Hector Mair face à des coups de faucille, la technique fonctionnera tout aussi bien face à une épée ou un sabre.
Parade d'un coup vertical avec la lame de la faucille, une technique transposable contre d'autres armes |
Pour conclure ces armes ont un bon potentiel de spectacle. Elles permettent de varier les scénarios en mettant en scène des paysans que l'on voit rarement dans les spectacles de combat scénique. Leurs particularités martiales sont également l'occasion de coups surprenant et originaux dont le public raffolera. Enfin, une dernière chose : l'association de la faux avec la Mort dont on pourra aussi jouer si l'on veut un combat symbolique.
Brigitte Lahaie en jeune fille vampirique fauchant ses victimes dans le films Fascination de Jean Rollin (1979) |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire