mardi 21 septembre 2021

Un duel atypique en 1835 (analyse)

Il y a presque deux ans j'avais publié un long article traitant du duel au XIXe siècle. Or en dépouillant les rubriques de faits divers des journaux de l'époque je suis tombé sur la relation d'un procès de duel particulièrement intéressante. Il s'agit à la fois d'un duel atypique puisqu'il était au sabre mais avec masques et gants d'escrime, mais aussi d'une affaire qui permet de bien mettre en lumière les enjeux et les réalités des duels de l'époque. Je vous propose donc d'analyser ces événements ensemble du point de vue de l'escrime et de l'histoire du duel.

Illustration du duel dans la revue Causes célèbres de tous les peuples II parue en 1858
Source : gallica.bnf.fr / BnF


 

Quelques éléments factuels

Comment cet événement nous est connu

Si je peux vous en parler actuellement c'est que la mémoire de ce duel est parvenu jusqu'à nous d'une manière ou d'une autre. Il eut son petit retentissement à l'époque et, comme le XIXe siècle est le siècle des débuts de la presse massive, c'est par ce biais qu'il est parvenu jusqu'à nous. À vrai dire il nous est aussi parvenu par la voie judiciaire puisque c'est aussi parce qu'un long procès de cour d'Assises a suivi cet événement qu'on en a entendu parler. Le mois de juillet 1836 voit la naissance de journaux d'un nouveau genre, La Presse et Le Siècle. Ces journaux sont des quotidiens vendus beaucoup moins cher que les autres quotidiens de l'époque et sont financés en partie par une demi-page de publicités à la fin du journal. Ils sont destiné à un public plus populaire (mais sachant lire ce qui n'est pas encore la norme à l'époque). Ils sont les premiers à proposer un feuilleton à découper en bas de page ainsi que des rubriques de faits divers qui nous intéressent ici.

C'est donc La Presse qui a couvert le procès d'Aimé Sirey au cours de ces numéros des 27, 28 et 29 août 1836. Je vous mets ci-dessous la reproduction de ce compte-rendu (n'hésitez pas à cliquer sur l'image et à zoomer). Il s'agit d'un compte-rendu d'audience par un journaliste probablement présent à celle-ci. Il en choisi forcément les moments les plus pertinents avec sa propre subjectivité mais il s'agit cependant d'une source de première main à laquelle on peut accorder un assez bon crédit.

Relation du procès Sirey dans le journal La Presse des 27, 28 et 29 août 1836
Collage personnel à partir de gallica.bnf.fr / BnF

L'acte d'accusation avait, quant à lui, été reproduit intégralement quelques jours auparavant dans La gazette des tribunaux et permet de compléter notre vision de l'affaire. n'oublions cependant pas que c'est un acte à charge qui accuse Aimé Sirey de meurtre et présente donc l'affaire sous un certain angle. Néanmoins il permet d'éclairer certains point. Je vous en donne une reproduction ici.

Enfin la meilleure source, même si elle est un peu plus tardive est le récit des trois affaires judiciaires d'Aimé Sirey paru en 1858 dans le périodique bisannuel Causes célèbres de tous les peuples. Abondamment illustré l'article fait vingt pages dont moins de cinq sont consacrées au duel avec Durepaire. L'auteur a fouillé le passé des affaires financières opposant Durepaire à M. Sirey père et nous donne surtout beaucoup d'informations sur la vie d'Aimé Sirey mais il se concentre surtout sur sa mort en 1842. Même si cet article n'est pas exempt de jugements moraux il nous semble également une source fiable sur l'événement. En raison de sa longueur je ne le reproduis pas ici mais je vous invite à le consulter directement sur Gallica (allez à la page 217).

Acte d'accusation de Sirey dans La gazette des tribunaux des 8 et 9 août 1836
Collage personnel à partir de gallica.bnf.fr / BnF

Le duel du 28 novembre 1835 et ses prémisses

Alexis Durand Durepaire et Aimé Sirey étaient cousins par alliance, la mère d'Aimé Sirey, Marie-Jeanne du Saillant, était une petite nièce du célèbre Mirabeau. Elle avait épousé Jean-Baptiste Sirey, célèbre jurisconsulte en 1800. Ce dernier, réputé pour être avisé en affaire, s'était occupé de la succession de son beau-père et de l'administration des biens de son beau-frère. À la mort de celui-ci en 1833 les enfants du marquis de Saillant ont contesté la gestion de Jean-Baptiste Sirey, l'accusant d'avoir voulu les spolier des biens de leur père. Ils étaient conduit par Alexis Durand Durepaire, époux de l'une des filles du comte décrit comme le seul qui s'occupa d'affaire dans cette branche de la famille. La querelle s'envenimant un procès est prévu mais cela n'empêche pas Durepaire d'insulter Sirey père. Cette insulte aboutit à une provocation en duel de la part d'Aimé Sirey qui, en tant que fils, relève l'insulte au nom de son père trop âgé pour un duel face à un trentenaire. Néanmoins ce duel, prévu à l'origine le 18 juillet 1835, fut empêché par des amis communs mais il n'éteignit cependant pas la querelle entre les deux hommes.

Durant la première quinzaine de novembre, en passant à Limoges, Aimé Sirey appris qu'Alexis Durand Durepaire avait proféré publiquement de nouvelles insultes contre son père, voulant l'assigner en justice. Ainsi, le 24 novembre, comme il était de coutume, il lui envoya deux témoins, Messieurs Cayeux et de la Brunerie pour lui faire part de sa volonté d'avoir un duel avec lui. L'alternative, pour éviter le duel, était de signer un écrit déclarant qu'aucun procès ne devait être fait à Jean-Baptiste Sirey par la famille Saillant. Durepaire refusa de la signer et acceptait ainsi le duel.

Lettre de Sirey tirée de son acte d'accusation reproduite dans La gazette des tribunaux des 8 et 9 août 1836
Gallica.bnf.fr / BnF

Aimé Sirey avait la réputation d'être un excellent tireur au pistolet et un bon escrimeur à l'épée tandis qu'Alexis Durand Durepaire n'était exercé à aucune de ces deux disciplines. C'est ainsi que, le 25 novembre, les témoins et les parties furent réunis Place de la Concorde à Paris. Durepaire proposa de se battre soit à bout portant avec un seul des pistolets chargés, soit à la carabine, à soixante pas de de distance en s'avançant et en s'avançant et en tirant à volonté (n'oublions pas que les carabines de l'époque étaient à chargement unique par la bouche, on n'a donc ainsi probablement qu'un seul tir). Si Sirey accepta ces conditions les témoins des deux camps refusèrent d'être impliqués dans une telle boucherie, ils rappelèrent également qu'il appartenait aux témoins de fixer les conditions du duel. Les témoins de Durepaire, M. de Mortemart-de-Boisse et l'écrivain et inspecteur des monuments historiques, Prosper Mérimée, insistèrent pour que le duel ait lieu après le procès. Mais le 27 novembre Sirey envoya de nouveaux deux de ses amis à Durepaire, l'enjoignant de signer la déclaration ou de se battre en duel. Devant le refus de Durepaire, Sirey apparu soudainement et frappa son adversaire au visage, rendant ainsi le duel inévitable. Durepaire envoya donc une lettre à son ennemi acceptant ainsi le duel.

Lettre de Durepaire à Sirey tirée de l'acte d'accusation reproduite dans La gazette des tribunaux des 8 et 9 août 1836
Gallica.bnf.fr / BnF
 

Les deux nouveaux témoins de Durepaire, MM. de Parny et de la Riffaudière emmenèrent leur ami chez un maître d'armes, Grisier qui constata son inexpérience à l'épée. C'est lui qui suggéra d'utiliser des sabres, arme qu'aucun des deux adversaires ne connaissait, pour égaliser les chances. Cependant, le lendemain, Aimé Sirey estimait avoir le choix des armes en tant qu'offensé et voulait se battre à l'épée. La qualité d'offensé étant contesté les témoins cherchèrent d'abord à consulter un officier général pour trancher cette question mais il n'en trouvèrent pas et décidèrent de tirer les armes au sort, ce fut le sabre qui l'emporta.

Le duel eut lieu le soir même derrière une manufacture de poudre fulminante en présence des témoins, d'un chirurgien et des paysans des environs venus assister au spectacle. Au bout de cinq reprises Aimé Sirey fut blessé légèrement tandis qu'il transperçait le foie de Durand Durepaire lui occasionnant une blessure mortelle. Nous analyserons plus loin le combat en lui-même (après tout il s'agit d'un blog sur l'escrime) qui fut déclaré comme loyal par les témoins. Visiblement aucun compte-rendu du duel ne fut fait par ceux-ci, il n'en est pas mention dans le procès.

C'est la veuve de Durepaire qui décida d'intenter un procès à Sirey fils pour homicide d'où l'enquête qui fut ensuite conduite et qui fait probablement que ce duel est parvenu jusqu'à nous. Sirey fut acquitté de l'accusation de meurtre mais fut néanmoins condamné à verser, à titre de dommages et intérêts, 10000 francs à la veuve de son adversaire.

Nous n'avons pas d'image du procès Sirey de 1836 mais à la place je vous montre cette image, tirée du journal L'illustration N°. 70 du 29 Juin 1844 montrant la Cour d'Assises de la Seine lors de l'audience du 27 juin 1844-Procès d'Édouard Donon-Cadot et de Rousselet.
tiré du Gutenberg Project

Un duel atypique mais une escrime de piètre qualité

Un duel atypique

Analysons tout d'abord ce duel du point de vue de l'escrime. Nous avons d'abord un duel au sabre, ce qui n'est pas commun, surtout quand aucun des adversaires n'est un militaire, et un duel avec des masques et des gants de protection qui se termine tout de même par un mort. On l'a vu, le sabre avait été choisi parce que l'un des adversaires, Alexis Durand Durepaire, ne savait clairement pas manier les armes. C'est d'ailleurs ce qu'avait constaté le maître d'armes que ses amis lui ont fait consulter. Durepaire ayant eu par le passé le bras cassé les sabres choisis sont dit "très légers". Il pourrait s'agir de sabres briquets mais cela serait probablement précisé. J'opterais plutôt pour ma part pour le sabre d'officier d'infanterie modèle 1821 pesant moins d'1kg et qui, au vu de la condition des combattants, semble plus "honorable" et plus probable.

L'utilisation de gants de protection semble être une pratique courante à l'époque, c'est du moins ce que nous en dit M. de la Brunerie, officier de cavalerie et témoin d'Aimé Sirey. En tant que militaire et cavalier il devait être familier des coutumes des duels au sabre. Cette coutume est confirmée dans l'Essai sur le duel du Comte de Chateauvillard (1836). Ceux-ci protègent bien les mains du coups de sabre puisqu'il est dit qu'à un moment, lors d'une reprise Alexis Durand Durepaire a été touché à la main. On voit là qu'on est sur une autre philosophie du duel que l'habitude des touches aux avancées à la fin du même siècle. Les gants pourraient être là pour protéger les mains lors des duels au premier sang courants chez les militaires et ainsi éviter une blessure handicapante capable de rendre le soldat inapte. Mais on peut aussi y voir l'idée d'éviter les blessures superficielles rendant l'un des adversaire incapable de poursuivre le combat sans pour autant qu'une blessure grave ou mortelle n'ait été délivrée. Sans plus d'informations il nous est difficile de trancher cette question.

En revanche l'utilisation de masques d'escrime pour protéger le visage était visiblement exceptionnelle. Elle a été proposée par Aimé Sirey qui ne voulait pas être blessé au visage. Faut-il entendre ici que le duel ne serait pas forcément à mort ou que, simplement, ce protagoniste ne voulait pas, s'il il survivait, finir sa vie balafré (il était dit bel homme et il eut de nombreux succès féminins ce qui lui coûta d'ailleurs la vie comme on le verra en épilogue) ? Était-ce une ruse ou une manœuvre pour forcer un combat d'estoc ? En effet, on l'a déjà vu dans ce blog, l'attaque à la tête avec une arme est à peu près le seul geste naturel d'attaque d'un être humain. En exigeant le port de masques de protection Sirey privait ainsi son adversaire inexpérimenté d'un coup dangereux qu'il était en mesure d'effectuer instinctivement. A-t-il eu cette pensée ? En tout cas ni les témoins ni l'avocat général ne semblent avoir relevé ce point.

Sabre d'officier d'infanterie modèle 1821 issu d'une collection privée.
Présenté sur le forum Les armes du Paléolithique aux Années Folles

Une escrime de débutants

Venons-en à l'escrime en elle-même, c'est dans l'acte d'accusation que le combat est le mieux détaillé et le moins que l'on puisse dire est que l'on a pas eu affaire à de la grande escrime ce soir-là. À chaque reprise il semble que Sirey, décrit comme ému et transporté, faisait reculer Durepaire "qui paraissait calme et de sang froid". Sirey étant, comme en témoigne le reste de sa vie, un individu prompt à l'emportement et étant également le plus expérimenté du point de vue de l'escrime ce scénario semble assez logique. Plus étonnant, l'acte d'accusation indique qu'aucun des deux ne tenta de coup de tranchant tous deux "avares de grands mouvements ripostèrent par des froissements de lame et de simples dégagements. Il faut dire que la tête et les poignets étant protégés, la plupart des coups de taille devenaient inefficaces tandis que le faible poids des sabres choisis permettait probablement un jeu de pointe correct. On a en fait là une escrime typique du jeu à l'épée de cette époque, escrime que Sirey maîtrisait en principe et qu'il a probablement voulu imposer étant en plus celui qui avait l'initiative.

Néanmoins dans le combat c'est essentiellement Sirey qui s'est trouvé en difficulté. Ainsi dés la première reprise il détourna de la main gauche un estoc qui lui arrivait à la poitrine. On dit que son épiderme en fut légèrement écorché ce qui semble indiquer que seule la main droite portait un gant. Cette action, ne semble pas être vue comme une tricherie rendant le duel non honorable, nous sommes probablement à l'époque charnière où cette technique commence à être dénigrée (elle est prohibée dans l'Essai sur le duel de Chateauvillard qui date de l'année suivant ce duel) . À un moment non déterminé Sirey fut touché  à la cravate et le gant de Durepaire reçu un coup de sabre. À la quatrième reprise la chemise de Sirey  fut transpercée et il tomba en arrière, c'est son témoin, M. de la Brunerie (l'officier de cavalerie), qui empêcha Durepaire de porter un second coup à son ami à terre. Enfin, à la cinquième reprise, au bout de 11 minutes de duel, les deux adversaire firent un "coup fourré" en allongeant la main sans se fendre et se blessèrent tout deux mutuellement sauf que la blessure de Sirey était superficielle alors que sa lame transperça le foie de Durepaire qui mourut quelques heures plus tard.

On voit ici en action comment quelqu'un de pourtant décrit comme meilleur escrimeur peut perdre ses moyens et se battre moins bien que son adversaire au point de se mettre en danger plusieurs fois pour finir sur un lamentable coup double où il eut de la chance de ne pas être blessé plus gravement. Est-ce à mettre sur le compte de sabre tout de même plus lourds que des épées et réagissant moins vite qu'on, pouvait l'espérer ? Mon expérience des armes m'incite à ne pas trop y croire et c'est plutôt dans l'emportement et la trop grande confiance en soi que je chercherai les causes de la mauvaise performance de Sirey. On voit également l'importance du rôle des témoins dans un combat puisque de la Brunerie a probablement sauvé la vie de son ami ce soir-là.

C'est probablement ce type de coups d'arrêt avec lequel se blessèrent mutuellement les deux duellistes
in L'escrime moderne ou nouveau traité simplifié de l'art des armes, par le Chevalier Donon (vers 1830)

Une illustration de la légalité relative du duel

Une Justice qui recherche l'honorabilité du duel

Là où, en revanche, ce duel est assez typique de son époque c'est sur le traitement qu'en fait la Justice (mais également la presse). Si l'avocat général a bien un timide propos contre le duel dans l'acte d'accusation c'est d'abord l'honorabilité de duel que la Justice a jugé en ces journées des 26, 27 et 28 août 1836. On interroge donc les témoins du duel ainsi que tous ceux qui ont assisté afin de savoir si celui-ci s'est déroulé honorablement et on lève les points obscurs d'autant que, si les témoins assurent que le duel était honorable, des étrangers ayant assisté au duel (a priori surtout des paysans locaux) n'était pas de cet avis. Après quelques éclaircissement c'est cependant l'avis des témoins, notables jugés probablement plus au fait des coutumes du duel, qui a prévalu sur celui des paysans locaux.

On demande ainsi des explications sur les gants et surtout les masques qui paraissent étranges mais le fait qu'ils aient été acceptés par les deux parties et que les deux duellistes en porte semble convenir aux jurés. De même on interroge sur les interruptions, les chutes... Mais ce qui semble être le principal soupçon est que Sirey ait profité de ce duel pour éviter à son père le procès que Durepaire voulait lui intenter. Celui-ci se défend en expliquant qu'il a d'abord voulu venger des insultes faites à son père ce que le jury semble finalement accepter en l'acquittant.

Néanmoins, et ce procès fut une première en la matière, si le jury acquitte l'accusé selon le droit pénal, il condamne ce dernier à payer des dommages et intérêts à la veuve de la victime selon les règles du droit civil. Il reconnait ainsi un préjudice pour la veuve sans pour autant vouloir punir Sirey de son comportement. C’est un premier pas vers une certaine délégitimisation du duel.

Très peu de temps avant ce procès le duel entre les patrons de presse Armand Carrel et Émile de Girardin où le premier avait été tué avait frappé l'opinion.

Des codes moraux du duel plus ou moins bien définis

Concernant le duel lui-même on voit bien que sa légitimité est l'affaire des témoins eux-mêmes. C'est eux qui ont la charge à la fois de protéger leur champion mais également d'assumer que l'égalité entre les combattants a bien été respectée et qu'il ne s'est pas agit d'un assassinat déguisé. Cette tâche est importante socialement car elle met en jeu leur honneur. Ainsi de la Brunerie, choqué de la proposition de duel à bout portant avec un seul pistolet chargé affirme qu'il aurait provoqué en duel Alexis Durand Durepaire si un tel duel s'était tenu. De même Prosper Mérimée et M. de Mortemart de Boisse refusent un duel considéré comme aussi peu honorable et et se retirent en tant que témoins de Durepaire.

Il y a là un certain paradoxe : d'une part on se refuse à un duel aussi mortel et hasardeux, d'une autre on veut néanmoins égaliser les chances entre les deux combattants. Or, si Sirey est rompu à l'escrime à l'épée ce n'est pas le cas de Durepaire (dont on ne sait rien de sa famille ou de ses origines, peut-être plus modestes ce qui expliquerait qu'il n'a pas appris l'escrime dans sa jeunesse). En pareil cas on décide souvent de régler les choses au pistolet mais Sirey est réputé être un tireur hors pair. C'est ainsi qu'on en arrive au choix du sabre et la demande de Sirey de porter des masques ajoute au côté atypique de ce duel. Notons que les témoins de Sirey, estimant avoir le choix des armes, tentèrent d'imposer un duel à l'épée où leur champion aurait clairement eu l'avantage (du moins en théorie puisqu'on a vu que son comportement au combat n'était pas à la hauteur de sa prétendue supériorité aux armes).

La détermination de qui était l'offensé pose également un problème aux témoins. Sirey affirme en effet vouloir venger les insultes faites à son père. À l'inverse Durepaire, qui essayait clairement d'éviter le duel jusque là, s'estime l'offensé après le coup de poing de Sirey qui est une telle insulte qu'il ne pouvait probablement pas ne pas le provoquer en duel après cet acte sous peine de passer pour un lâche dans le monde dans lequel il évoluait. On recherche alors, pour trancher cette question, une autorité supérieure en la matière, celle d'un officier général qu'on ne trouve pas et l'on choisit finalement de s'en remettre au tirage au sort.

Reste enfin la question du moment où arrêter le duel. Tous s'entendent pour dire que le duel au premier sang n'avait pas été convenu et, ainsi que l'explique M. Grisier, le maître d'armes consulté par Durepaire, il n'y a alors aucune règle en la matière. Le duel doit ainsi s'arrêter si les deux adversaires acceptent d'y mettre fin, ainsi Sirey aurait-il proposé une nouvelle fois à Durepaire de cesser ses actions judiciaires contre son père. Mais sinon il doit se terminer lorsque l'un des deux adversaires (ou les deux) n'est plus en état de poursuivre le duel, les témoins en étant les seuls juges. Cela implique souvent la mort de l'un des deux. Cette notion de duel à mort nous semble d'ailleurs un peu ambigüe. C'est clairement ce qu'envisageait Aimé Sirey pour le premier duel du 18 Juillet puisqu'il évoque un duel à mort dans une lettre à un ami. Néanmoins on refuse pour autant des solutions trop mortelles au pistolet ou à la carabine et on accepte les gants à crispins et surtout les masques. Est-ce un premier pas vers une réduction de la létalité des duels, tendance qui a été en s'accentuant tout au long du siècle ? Pour autant l'issue fatale du duel n'a visiblement pas choqué les témoins pour autant que le duel ait été honorable.

C'est peut-être pour clarifier un peu mieux ces règles d'honneur non-écrites qu'est paru la même année, l'Essai sur le duel du Comte de Chateauvillard, couchant ainsi par écrit un certain nombre de coutumes et permettant d'aider à trancher les débats entre témoins.

 

La couverture de l'ouvrage du Comte de Chateauvillard

Épilogue : la mort de Sirey en 1842

Je ne peux évoquer ce duel sans évoquer la mort d'Aimé Sirey dans une autre querelle quelque six années plus tard. Il ne s'agissait cependant là pas d'argent mais d'une femme, une cantatrice décrite comme "de troisième ordre" mais dont on louait la beauté et le charme : Catinka Heinefetter. Tous ces faits ainsi que les détails du procès qui s'ensuivit dans un livret de Causes célèbres de tous les peuples de 1858 que j'évoquais dans les sources. Il est également relaté dans le journal l'Illustration du 4 mars 1843.

Catinka Heinefetter
Lithographie d'Alphonse-Léon Noël (1807–1884) d'après la peinture de Franz Xaver Winterhalter (1805–1873)

En novembre 1842 Catinka Heinefetter était à Bruxelles où elle jouait et habitait un appartement rue des hirondelles. Elle avait été la maîtresse d'un jeune avocat parisien, Édouard Caumartin qui avait payé la première traite de son logement, lui avait fait miroité le mariage mais dont elle essayait de se séparer et dont elle redoutait la violence. Celui-ci était retourné à Paris mécontent de l'engagement à Bruxelles de sa maîtresse mais il revint à Bruxelles le 19 novembre sans prévenir dans le but, dit-il, de récupérer ses lettres car il était question pour lui d'un mariage à Paris probablement avec une jeune fille de bonne famille. Il se rendit au concert de la Grande-Harmonie où la cantatrice chantait ce soir-là et mais la vit sortir en compagnie de quatre personnes dont Aimée Sirey qu'il ne connaissait pas et deux autres femmes. Il se rendit alors son appartement où la compagnie avait décidé de souper.

Il refusa de souper, restant assis sur le sofa en découvrant que Sirey avait visiblement les faveurs de la maîtresse de maison. Celui-ci la fréquentait en effet depuis quelques jours et lui avait déjà fait des cadeaux. Lorsque, le souper fini, les dames se retirèrent Sirey vint trouver Caumartin en lui faisant remarquer qu'il était de trop. S'ensuivit une altercation où Sirey s'emporta et le frappa de sa canne. Un duel fut décidé pour le lendemain à huit heures à l'épée mais, Caumartin mettant du temps à partir Sirey l'attaqua de nouveau en le trouvant encore dans l'appartement, peut-être avec un couteau de table. Caumartin tenta de se défendre avec sa canne mais Sirey l'attrapa, et, croyant lui avoir arrachée il se jeta sur lui... Sauf qu'il s'agissait d'une canne à dard avec une lame d'une trentaine de centimètre et que c'est précisément sur cette lame qu'il se jeta, le cœur, l'estomac et le poumon transpercés. Il mourut dans les minutes qui suivirent dans les bras de son ami, Milord de Lavillette.

Il s'ensuivit un procès qui fit grand bruit et au cours duquel Caumartin fut finalement acquitté mais condamné à des dommages et intérêt notamment pour port d'une arme prohibée. Je conclue avec ces mots de Maître Chaix, défenseur de Caumartin sur Aimé Sirey :

"Ne cherchez donc pas qui a dirigé le coup ; c'est Dieu qui a voulu qu'il se précipita vers l'arme ; c'est lui qui a voulu qu'il mit à nu le fer sur lequel il s'est précipité. C'est Dieu qui l'a voulu ainsi pour lui pardonner ; que la miséricorde le reçoive, il a payé sa dette. Le doigt de Dieu avait marqué Sirey : Sirey avait frappé avec l'épée, il devait périr par l'épée. Caumartin n'a été que l'instrument passif de la vengeance divine. Mais que tout soit remis à la victime ; la justice humaine n'a plus de compte à lui demander. Sa mort a expié sa vie."

 

La mort de Sirey dans la revue Causes célèbres de tous les peuples II parue en 1858
Source : gallica.bnf.fr / BnF

***

Il nous reste à conclure après cette tranche de vie et de mort du XIXe siècle qui, je l'espère, vous aura un peu immergé dans la bonne société de l'époque et vous aura permis de la comprendre un peu mieux. On aura approché d'un peu plus près les notions d'honneurs et les obligations que pouvaient impliquer certaines actions si l'on voulait "tenir son rang". Le dernier épisode de la mort de Sirey est paradoxal : il aurait normalement dû déboucher sur un duel mais seuls l'impatience de l'homme et la malchance firent en sorte que le conflit fut résolu avant cette explication d'honneur. J'espère aussi que cette histoire vous inspirera pour vos scénarios et vos chorégraphies et, si jamais vous mettez un jour en scène l'histoire d'Aimé Sirey dites-le-moi, cela me fera plaisir !

dimanche 5 septembre 2021

Au fait, c'est quoi l'escrime ? Et de quand ça date ?

On entend encore trop dire que l'escrime commence à la Renaissance. Avant Camillo Agrippa ou Achille Marozzo il n'y aurait rien, ou alors juste des techniques brutales et sans subtilité. Soudainement, à la Renaissance, de géniaux maîtres d'armes italiens auraient inventé l'escrime avec son arme de prédilection : la rapière. Spoiler : c'est faux ! Mais pourtant cette idée reçue est encore très fréquemment relayée par des gens qui n'ont pas pris le temps de se renseigner.

Tout d'abord la Renaissance est, en Europe, un phénomène plus long et moins soudain qu'on ne le croit dont les racines prennent pied dans tout le XVe siècle voire le XIVe, et pas seulement en Italie. Le processus de sécularisation du savoir commence au moins au XIVe siècle, dés lors celui-ci n'est plus le monopole du clergé. De même la "redécouverte" des auteurs de l'Antiquité est à relativiser : on lit et on copie déjà Aristote mais aussi Ovide au XIIIe siècle par exemple.

Ensuite on trouve déjà des traités d'escrime dés cette époque, le plus ancien connu étant le fameux I:33 rédigé vers 1300 et la seconde moitié du XVe siècle est marquée par de nombreux traités d'escrime en langue allemande notamment. Évidemment l'imprimerie a décuplé le nombre d'exemplaires de traités et favorisé la "réduction en art" de l'escrime. On observe donc une escrime déjà très développée dont l'arme reine est ce que nous appelons l'épée longue. Les techniques sont très nombreuses (en témoignent les 150 jeux d'épée longue présentés par Paulus Hector Mair dans ses traités des années 1540) et plus ou moins faciles d'exécution. Elles mêlent souvent des techniques de corps à corps (mais pas toujours) ce qui semble parfois gêner les puristes de nos jours. De plus ces traités abordent souvent de nombreuses autres armes comme le coutelas, la dague, la lutte (pas distinguée de l'escrime à l'époque) ainsi que la hache de pas, le bâton et les armes d'hast. Lorsque les rapières se répandent on y ajoute cette arme qui, peu à peu prend de plus en plus d'importance.

Du coup cela nous amène explorer deux questions : comment définir ce qu'est l'escrime et ensuite depuis quand existe-t-elle ?

 AVERTISSEMENT : Cet article est essentiellement spéculatif et ne prétend pas appuyer une réflexion solide et construite sur des preuves tangibles. Il s'agit plus de pistes de réflexion qu'autre chose.

Relief sumérien mettant en scène le combat de Gilgamesh et Enkidou contre Humbaba

Qu'est-ce que l'escrime ?

On commencera par ce que nous appelons escrime au XXIe siècle : la pratique sportive, en loisir ou en compétition, de l'épée, du fleuret et du sabre. Nous avons donc un ensemble de techniques destinées à manier ce qui était à l'origine un simulateur d'arme blanche à longue lame tenue à une main. Nous trouvons à la fois des techniques mais également des principes plus généraux sur le combat. On notera que le terme escrime est surtout réservé à l'escrime occidentale même si on parle parfois d'escrime "orientale" pour le katana, l'épée chinoise ou leurs simulateurs. Actuellement le terme exclut des armes comme la canne de combat et le bâton mais c'est pour des raisons purement historiques. D'ailleurs avant la première guerre mondiale l'escrime aux trois armes, la canne, le bâton mais aussi la boxe française et la lutte française (appelée "gréco-romaine" de nos jours) formaient un ensemble cohérent qu'on pourrait appeler les arts martiaux français (je vous renvoie à la chaîne du même nom si vous voulez en savoir plus). Les enseignants étaient plus ou moins les mêmes ou du moins avaient pratiqué à peu près toutes ces disciplines qui ont peu à peu fusionnées au cours du XIXe siècle.

Voilà à quoi la plupart des gens pensent quand on parle d'escrime de nos jours...
© gaujard christelle
 

On appelle encore sans problème "escrime" les ancêtres de l'escrime contemporaine que l'on retrouve dans les traités du XVIe au XVIIIe siècle. Ces traités traitent en effet majoritairement voire exclusivement d'une arme, la rapière et de sa descendante, l'épée de cour (voir lien vers les articles du blog qui en parlent). Pour autant ils parlent parfois de sabre mais aussi d'autres armes comme la pertuisane ou l'épée longue. Devrait-on donc limiter le terme "escrime" à certaines armes comme la rapière et ses descendantes ? Que faire alors du sabre qui n'en descend pas et a eu son évolution parallèle ? Il faut donc revenir à leur ancêtre commun : l'épée chevaleresque à une main laquelle descend de la spatha romaine, arme empruntée aux guerriers celtes de l'Antiquité. Il faudrait donc logiquement inclure aussi l'escrime au coutelas, lui aussi ancêtre du sabre, et l'épée longue qui est elle également une évolution de l'épée chevaleresque. Cette dernière a eu longtemps comme particularité de se manier conjointement avec un bouclier. Or, si vous étudiez un peu le combat au bouclier vous comprendrez très vite que le bouclier est plus important que l'arme que vous maniez dans l'autre main. La technique de base est la même que vous ayez une épée, une hache, une lance ou un scramasaxe, les subtilités n'interviennent qu'ensuite.

... mais ils peuvent également penser à ça
Les quatre charlots mousquetaires réal par A. Hunebelle en 1974
 

Du coup il semble très réducteur de ne se limiter qu'aux épées, d'autant que la hache de pas a eu droit à des techniques très élaborées, tout comme le bâton. Quant à la canne de combat, les techniques de base ont quand même beaucoup à voir avec le sabre. En conséquence je proposerais bien d'étendre le terme "escrime" à toute forme de combat armé incluant des techniques ou des principes un tant soit peu élaborés. La question suivante est de se demander si on doit y inclure également les formes de combat non armé et là j'aurais tendance à dire que non.

Ce qui différencie le combat armé du combat non armé c'est la létalité des coups. Tous les coups de poing ne font pas forcément mal, si un coup de poing bien placé peut éventuellement tuer ou mettre hors de combat un adversaire cela n'est pas du tout certain. Il faut réussir à bien le placer, le donner avec suffisamment d'impact et il en faudra souvent plusieurs pour venir à bout d'un adversaire. Il en va de même des coups de pied ou des techniques de lutte. En revanche, le moindre coup donné avec une arme causera au minimum une blessure douloureuse et a de fortes chances d'occasionner une blessure sérieuse ou mortelle, surtout aux époques où la médecine restait rudimentaire. Aussi, si on peu encaisser certains coups en combat non armé ce n'est pas le cas en combat armé : on ne peut tout simplement pas se permettre d'être blessé, les conséquences sont trop importantes ! Alors évidemment, de nos jours nous ne faisons que jouer au combat armé quand les boxeurs tentent de se mettre K.O., mais c'est tout simplement que se battre avec des armes capables de blesser serait totalement inacceptable au XXIe siècle.

Nous avons donc une définition large : l'escrime c'est l'art du combat opposant des humains armés. Cela définit assez bien les choses et même des disciplines comme la dague qui mêle des techniques de clefs et de projections issues de la lutte avec des techniques plus proches de l'épée rentrent dans la catégorie "escrime". Tout simplement parce qu'un coup de dague est infiniment plus dangereux qu'un coup de poing. Il reste donc la seconde question : quand commence l'histoire de l'escrime ?

Illustration d'escrime à la dague tirée du Der Altenn Fechter anfengliche kunst édité par C. Egenollf en 1531

Les débuts de l'escrime ?

Il va donc être difficile de dater les débuts de l'escrime, mais reprenons plusieurs points de notre définition. Il faut tout d'abord qu'il y ait des armes, nous en avons au moins depuis l'époque d'Homo Erectus soit 2 millions d'années avant notre ère, et peut-être avant. Il s'agit ici de pierres, de silex taillés pour découper et probablement de bâtons. Le plus ancien épieu est attesté dés 400.000 av. J.C. En revanche ces armes étaient d'abord utilisées pour la chasse aux animaux et on ne sait évidemment pas si elles étaient utilisées contre des humains. Les groupes de chasseurs-cueilleurs préhistoriques évoluaient sur de très vastes territoires, se rencontraient assez rarement et l'hypothèse de guerre de clans est très peu probable. On connait encore au XXe siècle des peuples de chasseurs-cueilleurs qui sont des sociétés qui ne connaissent pas la guerre, c'est à dire l'affrontement entre deux groupes organisés.

En revanche ces sociétés ne sont pas pour autant des sociétés sans violence. Les meurtres n'y sont pas inconnus, ni la violence entre membres du même clan. Les raisons peuvent évidemment être multiples : concurrence sexuelle, jalousie, cupidité et aussi l'honneur. On peut donc supposer des affrontements assez tôt entre membres de ces clans préhistoriques de chasseurs-cueilleurs. À vrai dire ces affrontements se retrouvent dans la plupart des groupes d'animaux sociaux... sauf que ceux-ci n'ont pas les armes mortelles des humains. Il est ainsi raisonnable de penser que des affrontements individuels entre humains ont eu lieu dés l'aube de l'Humanité.

L'épieu découvert à Clacton-on-sea en 1911, vieux de 400.000 ans
sur Wikimedia Commons

Néanmoins ils ne suffit pas qu'il y ait affrontement pour qu'il y ait escrime, il y faut également de la technique. Si le coup de haut en bas visant la tête semble être, de l'avis de la plupart des auteurs de traités, un coup naturel à l'être humain (avec une main armée d'un caillou ou d'un gourdin), les autres, y compris la façon de ne pas se prendre ce coup, sont plutôt du domaine de l'acquis culturel et donc de la technique. Tout comme il y a un art de tailler un silex, de construire une habitation, de confectionner un vêtement, il y a un art de se battre qui relève à la fois de principes généraux (distance, temps, lignes...) et de techniques particulières (déplacements, parades, enchaînements de techniques etc.). Et tout comme les autres artisanats, l'artisanat de tuer s'apprend. N'ayant pas de connaissances étendues en anthropologie physique je ne saurais dire à partir de quand le cerveau humain était capable d'élaborer cet ensemble de techniques et de préceptes. Et quand bien même il en était physiquement capable il reste impossible de déterminer à partir de quand il est apparu.

Notons que son apparition et sa transmission demandent un contexte social où les affrontements entre humains sont suffisamment fréquents pour qu'apprendre des techniques de combat ne soit pas une perte de temps. Cela peut être une pression sur des ressources suffisamment longue pour avoir à défendre celles-ci, en groupe ou non. On peut aussi imaginer que cela relève d'un certain statut social : une caste dominante qui se devrait de perpétuer une maîtrise de l'art du combat pour perpétuer sa domination et se rendre alors difficile à vaincre en cas de rébellion d'un ou plusieurs dominés. Je tiens à préciser que je suis là exclusivement dans la conjecture et qu'il sera probablement impossible de savoir quand l'escrime a pu faire son apparition. On sait juste qu'elle est a priori présente au moins dans l'Antiquité et vraisemblablement bien avant. Si l'on en voit l'intérêt pour les sociétés néolithiques dont beaucoup sont déjà assez complexes et où la pression sur certaines ressources (terre, bétail) est forte, son intérêt est bien plus incertain pour des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique.

Ajoutons une dernière conséquence à tout cela : l'existence d'armes d'entraînement, de "simulateurs" comme disent les pratiquants d'AMHE. Elle semble presque aller de soi si l'on veut faire autre chose que d'apprendre des techniques sans les confronter à un combat simulé, sans faire des "assauts" ou du "sparring". La transmission et l'entraînement se font en effet à la fois par ce qu'on appellerait des "katas", répétition mécaniques de techniques seul ou à deux, mais aussi par des "leçons" et une mise en pratique par des "assauts". Sauf pour les "katas" l'utilisation d'armes neutralisées est utile voire indispensable. Nos ancêtres s'entraînaient avec des bâtons légers de différentes longueurs, pas avec des vraies armes dangereuses !

Illustration tirée du New Kůnstliches Fechtbuch de Jacob Sutor Von Baden (1611). On voit ici bien la neutralisation de la pointe de la hallebarde qui est probablement un simulateur.
 

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Pour conclure on peut sans grande hésitation supposer que l'escrime est une très vieille discipline humaine. En tant qu'ensemble de techniques destinées à l'affrontement armé d'autres humains elle est probablement née quelquepart au cours de la Préhistoire. Il est difficile d'en savoir réellement plus car pour que ces techniques apparaissent il a fallu qu'on en aie besoin. Dés le début l'escrime s'est forcément accompagnée d'affrontement simulés plus ou moins "libres" (pour éviter de se blesser gravement). il est probable qu'ils soient assez vite devenus spectacles. Et si, de nos jours, les armes blanches ne sont presque plus utilisées il reste les simulateurs : le sport et les spectacles et nous espérons, en tant que pratiquants, que ces aspects de la discipline perdureront encore longtemps !