mardi 30 mai 2023

L'importance de l'explosivité en 2023

Comme vous le savez peut-être si vous nous suivez, le Baron et moi sommes des amateurs de catch. Après tout il s'agit de combat de spectacle semi-chorégraphié avec des personnages, des histoires, des ressorts dramatiques etc. Il y a des choses à apprendre du catch et on en reparlera peut-être (un jour...) mais là c'est plus sur le "in ring" comme on dit, la façon de combattre, que je vais m'attarder car cela pointe un propos que j'essaie de nommer depuis des années, quelque-chose qui me gène dans beaucoup de combat auxquels j'assiste. Ce blog est, comme je l'ai déjà dit, une réflexion en mouvement et donc on va retomber sur des choses que j'ai déjà effleurées mais j'ai peut-être aujourd'hui trouvé le bon mot pour les nommer et ce mot est "explosivité".

Feu d'artifice
Photo de Theo Eilertsen Photography sur Unsplash

 

Trish Stratus vs Becky Lynch à Night of Champions 2023

Le dernier show de la WWE, plus grande fédération de catch au monde voyait donc s'affronter samedi 27 mai 2023 plusieurs catcheurs et catcheuses mais c'est le deuxième match qui nous intéresse, celui qui opposait deux catcheuses de générations différentes : Trish Stratus, figure des années 2000 et Becky Lynch, l'un des symboles de la Women's Revolution à la fin des années 2010 dans la compagnie.

Trish Stratus, malgré un âge relativement avancé pour une athlète (47 ans), affiche une forme physique que beaucoup lui envierait : elle a du cardio, elle est souple et son exécution technique de mouvements de catch, même complexes et excellente. Mais voilà, il y a quelquechose qui gêne, qui fait qu'on s'ennuie un peu alors qu'on s'ennuie rarement dans les matchs de Becky Lynch, l'une des meilleures catcheuses du moment. Et c'est Sturry, de la chaîne C'est ça le Catch qui pointe le problème :

"No offense pour Trish Stratus, qui a 47 ans, qui a le cardio hein mais sans une once d'explosivité, de ce fait, dans un catch moderne qui est voulu beaucoup plus flashy qu'il y a vingt ans, la voir se battre à coup de tirages de cheveux [...], bah j'avoue, je ne me suis pas beaucoup amusé."

Sturry - 28 mai 2023 [KeSSi C PaCé] WWE Night of Champions 2023 : LA RUPTURE DE LA BLOODLINE

Trish Stratus (en noir et rose) contre Becky Lynch (en jaune et noir) à Night of Champions 2023

Le problème est là : l'explosivité. Or, si le catch "à l'ancienne" pouvait être très lent chez les hommes comme chez les femmes ce n'est plus le cas actuellement. Avec l'arrivée du MMA et son succès cela devenait plus difficile de continuer à faire pareil qu'avant. Il y a toujours plein de styles de catcheurs ou de catcheuses : des combattants (plus souvent encore des combattantes que leur petit gabarit avantage) virevoltants, effectuant des moonsaults depuis la 3ème corde, esquivant leur adversaire en sautant et prenant des "bumps" spectaculaires, des catcheurs enchaînant les prises de lutte à grande vitesse, des brutes envoyant des atemis ou des projections impressionnantes etc. Mais tous ceux et celles qui sont en haut de l'affiche ont en commun désormais que, même lents, ils et elles donnent l'impression de frapper ou de projeter de toutes leurs forces (alors que c'est forcément faux).

C'est au point que le catch ancien nous semble souvent mou, lent voire pataud quand il s'agit des hommes ou ridicule quand il s'agit des femmes (les pauvres en plus n'ont longtemps pas été prises au sérieux dans le milieu). C'est hélas ce qui vient d'arriver à la pauvre Trish Stratus : elle a pratiqué le catch des années 2000 en 2023. Elle n'est donc plus dans son époque car l'explosivité est partout dans les combats de 2023 et notamment au cinéma. Le public l'attend et ne croira pas réellement au combat si elle n'est pas là.

 Un exemple récent de catch explosif moderne : Rhéa Ripley contre Charlotte Flair à Wrestlemania 39

Vous aussi, montrez de l'explosivité !

Ce manque d'explosivité se voit souvent dans beaucoup de troupes : on va insister sur la justesse des gestes, des positions de la main, du poignet, du corps etc. On va répéter des mouvements complexes mais on pense rarement à montrer comment ils peuvent être crédibles. Or, dans un combat (cela se ressent quand on fait des assauts d'escrime sportive ou des sparrings d'AMHE mais aussi ailleurs) lorsque l'on voit une fenêtre d'opportunité pour une attaque on va y aller "à fond", même pour une feinte si on veut la rendre crédible. Pourtant on retrouve rarement ça dans nos combats censés simuler de vrais combats (au minimum on part de l'idée d'évoquer un combat). En dehors de quelques endroits très spécifiques (coucou Warlegends) j'ai l'impression que c'est très peu abordé et que rares sont les enseignants qui insistent sur ce point pourtant essentiel dans les années 2023.

Ce n'est, paradoxalement, pas forcément très compliqué à faire, les gens de mon club y arrivent souvent assez vite plus ou moins instinctivement vu que chez nous on aime ça, qu'on montre l'exemple et qu'on fait des remarques dessus. Cela ne demande en général pas de condition physique particulière le tout est d'abord une question de "timing" : retardez un peu votre geste, même si vous allez lentement et brusquez le soudain au moment de l'attaque (ou de la feinte), continuez plus tranquillement jusqu'à être certain de la réaction de votre partenaire (parade, esquive ou autre) et alors là vous pouvez vous lâcher puisque tout le monde est en sécurité. N'hésitez pas à bien impacter la lame adverse. De même, si vous parez, ne vous contentez pas de "subir" votre blocage, ou mieux, frappez avec force l'arme adverse pour la détourner (c'est même la base en escrime médiévale et en grande partie en sabre).

Un peu d'explosivité avec la bande-démo de Warlegends

La même chose va s'appliquer pour le corps à corps même si là c'est peut-être la réaction du partenaire qui sera la plus importante. Pour les coups de pieds qui repoussent l'adversaire ou les poussées et projections n'hésitez pas à bien amorcer le mouvement pour donner la bonne impulsion à votre partenaire. Je ne dis pas de vraiment le ou la projeter mais de donner l'impulsion qui lui provoquera un léger déséquilibre et lui permettra de mieux vendre sa réaction. Cela vous obligera aussi instinctivement à placer votre corps de façon plus crédible. Donnez fermement (mais légèrement) cette poussée, parce qu'on doit y croire et le ou la partenaire évidemment l'exagérera, la faisant paraître plus violente qu'elle n'est en réalité. Mais si elle est inexistante cela ne fonctionnera pas.

L'explosivité peut aller de pair avec la rapidité mais on peut aussi le faire en restant lent pour bien travailler ses mouvements. Pour bien la comprendre n'hésitez pas à exagérer vos mouvements ou vos réactions dans un premier temps. Mais surtout prenez ce facteur en compte lors de vos entraînements, regardez-vous si vous vous filmez, faites-vous des remarques, faites aussi attention à ce point.

Là, ça va taper ! Michelle Rodiguez dans Donjons Dragons : l'honneur des voleurs de Jonathan Goldstein et John Francis Daley (2013)

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Pour conclure j'espère avoir complété ce que j’évoquais déjà dans certains de mes anciens articles comme celui parlant de l'intention ou celui sur la rapidité. Avec l'absence de prise en compte du poids des armes je crois avoir mis le doigt sur un autre gros défaut (à mon sens) de l'escrime de spectacle actuelle. Prenez bien compte que c'est aussi quelque-chose dans l'air du temps et que sans ça un combat paraît un peu d'une autre époque, comme cette pauvre Trish face à Becky Lynch. Alors écoutez-moi et surtout faites moi tinter ces lames !!!



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