lundi 27 janvier 2025

Les excuses : récapitulatif

Nous en avons fini avec la série d'article sur les excuses qu'on nous invoque régulièrement pour refuser de faire une escrime plus historique et plus martiale. Et puisqu'il s'agit d'une longue série d'article nous pensons qu'un article récapitulatif peut vous être utile, pour pouvoir plus facilement retrouver vos liens par exemple. Voici donc les différentes excuses que nous avons traitées dans l'ordre chronologique. Si jamais nous écrivons, par la suite, d'autres articles, ceux-ci seront ajoutés à cette liste.

L'excuse, carte du jeu de tarot

Les mauvaises excuses

Parce que nous sommes d'infâmes connards des gens qui aiment provoquer un peu, bousculer les certitudes, nous avons commencé par toutes les mauvais excuses que nous avons entendues au cours de nos "carrières" d'escrimeurs de spectacle.

"Ce n'est pas important que ça soit historique de toutes façons"

Ici nous expliquons l'intérêt de l'escrime historique et le respect que nous estimons devoir à nos spectateurs et à d'éventuels commanditaires, mais aussi l'intérêt pratique de respecter la logique de l'arme qu'on utilise.

"On ne peut pas savoir comment ils faisaient exactement à l'époque"

 L'excuse pour faire n'importe quoi c'est que nos sources ne seraient pas parfaites et qu'on pourrait donc tout inventer. On va voir qu'on dispose tout de même de bon nombre d'informations facilement accessibles pour avoir une bonne idée de l'escrime du passé.

"C'est trop technique"

L'escrime historique serait trop compliquée ? C'est surtout une excuse pour ne pas se remettre en question et ne pas vouloir l'apprendre.

"Utiliser une escrime plus historique c'est dangereux." 

Cette excuse est quelquefois sortie alors que l'un des principaux aspect de notre activité est de sécuriser les techniques.

"À l'époque les combats ne duraient que quelques secondes"

Un grand classique ici, qu'on nous invoque très souvent pour délégitimer les techniques historiques et martiales. Il est à relativiser et il faut bien se rendre compte que ces techniques n'empêchent pas de "faire durer" un combat.

"L'escrime historique ce n'est pas assez spectaculaire"

Oui notre activité consiste à faire du spectacle, et donc à mettre en scène, à jouer et à choisir nos techniques en fonction de l'effet qu'elles font et du scénario du combat. Proposer une escrime de spectacle d'inspiration historique ce n'est pas faire le gala des Arts Martiaux, c'est faire du spectacle avec des techniques historiques et martiales.

"C'est ce que le public veut"

On examine ici les attentes hypothétiques d'un public imaginé. Mais aussi l'idée qu'un artiste fait une proposition à un public, ce n'est pas un directeur marketing qui doit répondre aux attentes d'une cible.

"Nous on fait de l'Art, pas de l'Histoire"

Dans cette excuse il est souvent supposé que l'Art et l'historicité seraient incompatibles. Cette excuse nous semble vraiment étrange, d'autant qu'il faut se demander à quel point l'escrime de la majorité des pratiquants est réfléchie en termes de proposition artistique.

"Je fais comme untel a dit"

Ahhh.. les arguments d'autorité. Donc même si on vous a appris de telle ou telle façon il y a un moment où vous pouvez aussi, de vous-même, vous interroger sur votre pratique. C'est ce que nous vous encourageons à faire avec de blog d'ailleurs.

"Le fol" ou "Le mat", ancêtre de l'excuse au tarot. Ici celui du tarot dit de Charles VI (XVe S.)

Les bonnes excuses

Mais comme nous sommes quand même sympathiques nous avons gardé quelques bonnes excuses pour la fin, des raisons que nous estimons légitimes de ne pas nous montrer une escrime plus historique et/ou martiale.

"J'ai des débutants et j'ai peu de temps"

Lorsqu'on a même pas 20h pour apprendre une chorégraphie à des comédiens, des acteurs ou d'autres personnes il faut ruser et l'historicité n'est généralement pas le premier souci.

"Les bonnes armes historiques coûtent cher"

C'est essentiellement vrai pour la rapière et l'épée de côté. Il y a beaucoup d'autres armes sympathiques et abordable mais il faut reconnaître qu'on peut avoir vraiment envie de manier des rapières.

Les armes allégées par rapport à celles plus historiques sont parfaites pour ma chorégraphie fantastique.

Parfois il y a des projets artistiques qui demandent d'autres armes. Excuse acceptée !

 

Le Mat, tarot de Tarot Rider-Waite

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Voilà donc pour cette série. Nous espérons vous avoir convaincu mais, surtout, nous espérons avoir donné des arguments à toutes celles et ceux qui se voient opposer ces excuses. J'ai moi-même cru à certains d'entre elles avant de me pencher sur la question plus en détail. Nous ne voyons absolument rien d'incompatible entre le fait de faire de l'escrime de spectacle et le fait de le faire avec des armes et des techniques historiques et martiales.

Personnellement j'ai toujours eu envie de manier des épées, et de les manier de la même façon qu'on pouvait le faire à l'époque. Il m'a fallu plusieurs années pour le faire accepter et me rendre compte que rien ne s'y opposait en escrime artistique. Ne vous laissez pas brider par ces excuses, vous verrez c'est beau, spectaculaire, poignant et diversifié !

mardi 21 janvier 2025

Les bonnes excuses : les armes allégées par rapport à celles plus historiques sont parfaites pour ma chorégraphie fantastique.

Bonjour à tous, ici le Baron de Sigognac pour vous desservir. 

Si vous nous suivez depuis quelque temps, vous avez déjà dû lire nos réserves quant à l’usage d’armes « allégées » dans nos prestations. Nous parlions généralement de matière ou du type d’arme : usage du duraluminium ou de lames triangulaires ou sportives à la place de plates pour nos rapières… 

De notre part cela s’inscrit dans une promotion d’une escrime de scène de plus en plus respectueuse de son patrimoine historique. Et à ce jeu, nous constatons assez vite que certaines techniques historiques sont difficilement utilisables si l’arme s’avère plus légère que prévu, tandis que d’autres, pourtant peu concevables, le deviennent. Ce n’est pas l’idéal si on veut présenter une escrime plus respectueuse de celle historique. Une escrime que nous encourageons.

Prenez le comme une injonction si vous le voulez, offusquez vous-en si vous le désirez, mais de vous à moi, cela en dit davantage de vous que de nous. 

Néanmoins est ce que l’escrime de scène se résume à notre propre orientation ? Celle du Capitaine et moi-même ? Non, bien entendu. Est-ce que nous pensons que cela le devrait ? Je suis sincèrement désolé pour vous si vous le croyez. 

Il est vrai que, dans cette hypothèse, il serait inutile d’espérer entendre de notre part du bien de ces armes. Et pourtant c’est ce que nous souhaitons faire. Ce sera d’ailleurs l’occasion parfaite, dans un premier temps, de parler un peu de comment nous nous situons vis de vis de notre discipline.

Au centre et bien entouré. Crédit photo : Adrien Chazal 

Défendre une approche plus respectueuse de l'escrime historique tout en  reconnaissant et appréciant d'autres visions.


Déjà, j’insiste, nous avons bien conscience, pour ne pas dire approuvons l’idée que l’escrime de scène est un art et que, par conséquent, tous les courants, les styles, plus ou moins identifiés à ce jour, peuvent être pertinents. Aussi surprenant que certains pourraient le découvrir, nous ne boudons pas notre plaisir lorsque nous voyons une chorégraphie bien maitrisée. Qu’importe si ses positions scéniques ne sont pas les nôtres.

Exemple personnel, ça vaut ce que ça vaut, mais je suis très friand de cinéma et séries coréennes. Bon, en fait, je ne regarde que ça depuis un bon moment, avec quelques écarts vers des productions anglaises et plus particulièrement les séries dites « historiques ». 
Un bien grand mot, puisque je vais par commodité mettre dans le même panier aussi bien celles peu romancées que celles où la magie est clairement de la partie, avec malgré tout une toile de fond historique. Maudit Yuan. Pauvre Goryeo. Vive Joseon ! La particularité de ces histoires est de nous proposer leurs lots de combats épiques. Ce dans un style spectaculaire qui ne laisse nul doute quant à leur irréalisme : voltes à gogo, projection d’une escouade entière par un simple couronnée, courir sur les murs à la façon tigre et dragon… Vous pensez bien que si j’étais sectaire, cela ne pourrait pas passer. Pourtant J’.A.DO.RE ! 
Bon, je grossis le trait, en fonction des moyens de production, des choix de mis en scène, ils sont souvent plus sobres. Cependant, cela reste très inspiré et exécuté autour de l’idée que les héros et leur némésis sont des surhommes combattants des hommes et des femmes qui savent se battre conformément à leur statut. C’est juste que pour ces derniers, c’est difficile de l’emporter.

Alors pourquoi en France, le Capitaine et moi défendons principalement un style réaliste ?

Nous avons bien des courants qui misent sur le spectaculaire pour contrebalancer leur part assumée d’irréalisme. Cependant, ce n’est pas parce qu’un chorégraphe vous dit que sa création est spectaculaire qu’elle l’est. Le meilleur discours ne peut changer un héros qui confond son épée ou sa rapière avec un gourdin ou le constat que sa manière de combattre tient plus du paysan aviné que du chevalier correctement formé, encore moins la désagréable impression que ce que je viens de vous décrire s’observe beaucoup trop dans des productions professionnelles occidentales. Au point de se demander si ce n’est pas la norme, structurelle.  
Bref nous partons déjà d’un contexte différent. Ce qui a des conséquences sur la pratique amateur.

Ensuite, pour continuer de raconter un peu notre vie, avant d’être un « amateur éclairé » pour l’un, Maitre d’Armes pour l’autre, nous sommes des gestionnaires de patrimoines culturels de formation. Nous disposons donc déjà de deux trois bases en histoire et sommes sensibles au respect du patrimoine matériel ou immatériel dont nous faisons la promotion. Directement ou non. Or, l’escrime historique à travers ses traditions, ses traités, etc... constitue à nos yeux, et pas que les nôtres, un patrimoine. Patrimoine dont l’escrime de scène peut être un vecteur et qui, en plus, est assez spectaculaire comme telle. Il faut choisir les techniques, vérifier qu’elles correspondent bien aux personnages incarnés, c’est toujours un peu de boulot, mais c’est là. 
Et vu que le soi-disant spectaculaire à l’hollywoodienne, surtout en escrime médiévale, nous semble à minima bancal, que c’est ce sujet qui nous a intrigués lorsque nous étions de jeunes escrimeurs… vous devriez mieux nous cerner désormais. 

Toutefois, retenez que non, nous ne sommes pas fermés par définition à des créations qui misent davantage sur une escrime irréaliste. Nous serons méfiants si cela se produit lors des journées du patrimoine et que vous êtes censés incarner des mousquetaires, mais dans le cadre d’un gala, d’un festival, d’une animation… YOLO. Vous avez juste à savoir ce que vous faites. 

Et c’est, dans ce cadre non « réaliste », « fantaisiste » que l’usage d’armes allégées peut devenir intéressant. 


Ou alors, je suis juste raide dingue de leurs costumes... c'est important aussi ça... le costume.기황후 (Impératrice Ki) 2013-2014

L'usage d'armes allégées : une idée intéressante dès que nous ne créons autour d'un univers non historique. 


Pratiquer une escrime scénique qui s’affranchirait des contraintes réalistes ne veut pas dire faire n’importe quoi. Votre univers scénique, bien que fantaisiste, répondra à des règles. Vous aurez certes la liberté de les fixer, mais il vous faudra les respecter. Dans une vision plus réaliste : le choix des techniques dépendra plus du niveau des combattants, de leur origine, moins de ce qu’il représente pour l’histoire. Ce que le jeu d’acteur aura la charge. En revanche, dans une approche plus irréaliste, les gestes sélectionnés peuvent davantage appuyer les figures qu’incarnent nos personnages. Un héros pourrait se voir choisir une gamme technique plus aérienne avec des voltes, énormément de déplacements latéraux, des esquives. Au contraire, sa Némésis disposerait de techniques certes avancées, mais davantage axées sur la puissance, le déplacement linéaire, etc... Les possibilités sont nombreuses. 

Toutefois cela donne souvent la part belle à un profil de personnage : l’athlète. Le côté surhomme que je présentais tout à l’heure pour le cinéma coréen en est une parfaite illustration. Si votre héros est capable de l’emporter en exécutant des techniques qui aurait envoyé n’importe lequel de ses utilisateurs au cimetière c’est bien qu’il a un truc en plus. Le scénario ? chhhhhhhuuuut. 

Or, ce surhomme ou femme est joué pourtant par une simple personne. Il va falloir tricher un peu et rien de tel que de disposer d’une arme plus légère. 

Un univers qui s’inspire de la renaissance, mais qui a des rapières lames triangulaires ? Très bien. Avec ça mes escrimeurs vont pouvoir être plus rapide, plus agile que s’ils devaient composer avec les contraintes d’une lame plate. Ne faites pas les fous et restez en sécurité, hein. 

Un monde davantage médiéval fantastique ? Le duraluminium peut s’avérer un excellent alliage pour s’affranchir de certaines contraintes. Notamment pour souligner des personnages extraordinairement agiles. Ou puissant. 

Prenez une arme fantaisiste telle que certaines gargantuesques issues des Final Fantasy. Ces proportions irréalistes montrent certes la puissance surhumaine du personnage. Sauf que pour son interprète nous ne pouvons pas l'imaginer  manier son arme avec la précision et rigueur nécessaire d'une chorégraphie si c'était de l'acier. De même pour le duraluminium à partir d'un certains stade. 

Quant à incarner un personnage agile au delà de ce qu'un humain est censé pouvoir réaliser, coucou les elfes, disposer d'armes allégées ne peut qu'aider l'escrimeur dans ses actions. Même si ses armes sont de dimensions normales. Même si cela nécessite toujours un entrainement et une condition physique sérieuse. Cela reste un bon coup de pouce. 



Hé v'là la taille du pouce. 

Bref, vouloir exploiter l’avantage d’une arme plus légère dans une chorégraphie non réaliste et les techniques qu’elle favorise de fait est une bonne excuse. Et soyez certains que si c’est assumé et bien pensé, ce n’est pas nous qui irons vous critiquer. 

C’était le Baron de Sigognac pour vous desservir

À la prochaine. 

lundi 13 janvier 2025

Les bonnes excuses : les armes historiques coûtent cher

Il peut y avoir une autre raison de ne pas pratiquer une escrime plus martiale et plus historique qui tient aux moyens financiers : de bonnes armes correspondant à des armes historiques sont onéreuses et beaucoup de gens n'ont pas forcément les moyens de se les payer, en plus de tous les frais qu'ils auront aussi à débourser pour monter avec un costume décent sur scène. On va ici développer un peu cette excuse que nous jugeons plutôt bonne en voyant les prix, les conséquences de choix moins coûteux mais aussi les alternatives possibles.

Photo d'Alexander Grey sur le site Unsplash

Les rapières, c'est cher

Comme je l'ai dit en introduction cette affirmation vaut essentiellement pour les rapières. Une rapière historique a une lame plate plutôt longue et il est difficile d'en trouver de bonne qualité. J'en parlais d'ailleurs dans mon "guide d'achat" des épées, pour être à peu près sûr d'avoir une bonne rapière à lame plate il faut cibler les armes conçues pour la pratique des Arts Martiaux Historiques Européens (AMHE). Or ces armes se trouvent rarement en-dessous de 250€ et on atteint facilement les 300€ voire bien plus (les 500€ ne sont pas exceptionnels) en fonction des fabricants ou des modèles.

En-dessous de ces prix on trouve majgré tout des rapières à lame plate moins chères. ce sont soit des armes "battle ready" dont la simple photo vous dit qu'elle vous causera à coup sûr une tendinite, soit d'autres armes à l'équilibre incertain. Toutes celles que j'ai pu avoir en main qui n'étaient pas des armes d'AMHE étaient trop lourdes et donc moins maniables. Certes des rapières d'1,5 kg ont existé, et même plus lourdes encore, mais ce n'est pas forcément l'outil que l'on va rechercher pour préserver son bras et la qualité de son escrime. Je ne dis pas non plus qu'il est impossible de trouver de bonnes rapières en dehors des fabricants de matériel pour les AMHE, je dis juste que, d'expérience, dans leur immense majorité ce sont des armes de mauvaise qualité. Mais si vous avez un bon filon n'hésitez pas à partager !

En conséquence les pratiquants qui veulent faire de la rapière, parce que c'est une arme portée par un imaginaire riche et fort, vont facilement se tourner sur des rapières à lames triangulaires de 25 à 50% moins chères en général. Parce que n'oublions pas qu'il faut aussi acheter un costume avec des chaussures, un chapeau etc. Beaucoup de dépenses pour les pratiquants.

Notons que cette problématique est spécifique à la rapière et n'existe pas avec l'épée longue. En épée longue on va en général pratiquer avec des armes achetées chez des revendeurs d'équipement de reconstitution qui sont moins chers que le matériel pour les AMHE. Pour l'épée de cour vous trouverez des modèles aux mêmes tarifs que les rapières à lame triangulaire et le prix dépendra surtout du niveau de finesse et de décoration que vous souhaitez.

Je me suis amusé à créer la rapière la plus chère sur le site de Castille Armory, avec une garde anglaise et une lame en flamberge d'1m05, et voilà la résultat ! (sans TVA ni frais de douane). Bon ils font de jolies épées et tout est loin de valoir ce prix là, en général vous vous en tirez pour 450 à 500$ chez eux.

Armes pas historiques, gestes moins historiques

La conséquence de l'achat d'armes n'ayant pas le même équilibre ni le même poids que les originales qu'elles sont censé simuler est que l'on a vite tendance à produire une escrime moins martiale et moins historique. Si vous avez fait l'expérience d'une rapière à lame plate vous avez dû vous rendre compte à quel point cette arme était faite pour l'estoc et à quel point elle était mal adaptée aux coups de taille. Bien sûr, ceux-ci existent à la marge, dans plusieurs traités, en Verdadera Destreza par exemple c'est un coup qui peut venir dans certaines circonstances, notamment quand on a dépassé la distance d'estoc. Joseph Swetnam conseille quant à lui de ne les faire qu'avec le poignet et, d'expérience, c'est à peu près la seule manière convenable de les porter. Donnés ainsi, avec une lame fine, ces coups vont d'abord érafler et ils ne seront réellement efficaces qu'au visage ou portés sur des zones vitales comme des artères. Porter des coups de taille plus ample est très difficile et on sent presque l'arme y résister. Bref les rapières sont des armes faites pour l'estoc et les coups de taille ne sont que très secondaires dans cette escrime.

Or cette sensation est beaucoup moins présente avec une lame triangulaire, on ressent moins le besoin de gérer sa lame et de garder sa pointe vers l'adversaire. On peut plus facilement faire des coups de taille et on peut aussi beaucoup plus facilement faire de grands mouvements de bras. On en revient toujours à cette idée d'armes ayant du poids ou non. Ajoutons aussi un autre facteur : sur un scène ou un écran une lame plate est beaucoup plus visible qu'une lame triangulaire. Elle est plus large et prend mieux la lumière, on a donc moins besoin des gestes du corps pour lire la lame. ceci étant énoncé on peut quand même essayer de reproduire des gestes et des postures historiques mais sans expérience de lame plate cela risque d'être plus compliqué, d'autant que, dans l'idéal, il faudrait même ralentir certains mouvements. On assumera donc de ne pas faire une escrime historique et peut-être d'exagérer certains gestes avec le corps pour qu'on les voit mieux. Néanmoins cela ne veut pas nécessairement dire qu'on va pratiquer une escrime majoritairement à base de coups de taille. On peut garder une majorité de coups d'estoc et les agrémenter de quelques coups de taille selon les circonstances, rien ne l'interdit.

S'ouvrir à d'autres armes ?

Évidemment, je ne saurais finir cette article sans vous inviter à vous ouvrir à d'autres armes moins onéreuses et qui pourront vous procurer beaucoup de plaisir elles aussi. Tout d'abord l'épée de cour. Vous restez sur l'idée des films de cape et d'épées mais vous changez juste de siècle et le XVIIIe siècle (ainsi que le XIXe dans une moindre mesure) s'ouvre à vous. D'autant que la redingote est tout de même un costume magnifique, bien plus que ce que l'on portait sous Louis XIII et encore plus sous Louis XIV (il faut aimer les demi-manches et les rubans). L'épée de cour est l'ancêtre de nos épées d'escrime actuelles, la coquille en moins et, sauf pour les épées italiennes, avec une lame plus courte (plutôt une lame n°3 en fait). Si vous maîtrisez un peu d'escrime moderne et, notamment, de fleuret classique, vous ne devriez pas être perdus, bien sûr il y a des subtilités qui diffèrent selon les maîtres d'armes, mais la base est assez similaire. En revanche c'est une escrime de pointe à 100%.

Pour des prix parfois moins chers que les rapières de spectacle vous pourrez également vous procurer des sabres d'abordages. D'autres sabres peuvent se trouver à des prix corrects mais le sabre d'abordage est souvent peu onéreux, petit et relativement léger même si il fait partie des armes dont il faut gérer l'inertie et le poids. Si vous aimez les coups de taille et que vous avez un petit budget c'est probablement l'arme idéale. C'est facile à prendre en main et on fait rapidement des chorégraphies sympathiques avec de grands coups de sabres qui impressionnent bien le public. Et si l'univers des pirates vous parle, c'est une vraie alternative et une arme beaucoup trop sous-estimée.

Enfin je ne saurais vous inviter à tester d'autres armes et à aller voir mon article sur les différentes armes bon marché pour changer de la rapière. Les lances, les bâtons ou les cannes pourraient vous plaire par exemple. Notons que, récemment, les élèves du Baron ont monté un combat de Noël en se battant avec des cannes fédérales maquillées en sucres d'orge !

 Le père Noël et le vilain lutin par Les Voix des lames.

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Donc voilà, on veut bien vous excuser si vous n'avez pas de sous et que vous aimez le XVIIe siècle. Les costumes, les épées sont chers, notre loisir n'est pas gratuit et les clubs bien équipés sont rares ! Donc faites au mieux avec les moyens du bord même si ça va manquer d'historicité ou de martialité. Mais envisagez aussi d'autres opportunités !