Bonjour à tous ici le Baron de Sigognac pour vous desservir,
Suite à nos discussions avec le Capitaine, seigneur et âme de ce blog, le sujet des personnages en escrime de scène était revenu s'inviter. Par le passé, mon confrère l'avait abordé à travers deux articles, parmi ses meilleurs : les neuf types de combattants.
Il s’agit même de l'un de mes outils au quotidien. Parce que oui, c'est amusant, mais nous utilisons vraiment les principes que nous mettons en avant.
Où Menent les Chimères ? CFEA 2023, Bretagne OCE Rennes, crédit photo : Pauline Deysson |
Bref, nous discutions des derniers championnats de France d'escrime artistique quand soudain nous nous dîmes que quand même, dîmes dong, je sors, la France était un sacré repaire d'artistes, au sens de l'archétype. Allez voir le lien.
Je vous passe les heures de débat qui en résultèrent, mais au final, nous nous sommes dit que ça méritait réflexion. Précisons, au préalable, que j'utiliserai le terme d'escrime artistique à dessein et la renvoie à nos pratiques fédérales dont la compétition. Surtout la compétition. Et si vous me dites que cela ne vous concerne pas parce que vous ne faites pas de la compet, mais que vous respectez, quand même, le cadre fédéral dans votre salle, je suis navré de vous l’apprendre, mais vous exercez bien une escrime qui se destine de plus en plus à la compétition. Et si vous me dites encore, que vous ne respectez pas, en fait, ce cadre, mais que vous participez malgré tout à des stages avec des Maîtres d'Armes. Idem. Enfin, dans le cas où vous ne feriez ni l'un, ni l'autre, mes confrères et consœurs proposent d'excellents stages. En plus c’est l’été. Qu'attendez vous pour foncer !
Maintenant, à quoi bon se poser la question vous me direz. Parce que oui, pour la plupart d’entre nous, cette question peut sembler bizarre voire complètement inutile. Et si, c’est bien ce que vous pensez, ce n’est pas grave. Vous pouvez arrêter de lire là et retourner à vos activités. Ou sinon vous pouvez me laisser vous expliquer. Expliquer les bons côtés de s’interroger sur ce sujet.
Premièrement, réfléchir à sa pratique est nécessaire pour progresser. Je sais, ce n'est pas la première fois, mais j'aime bien radoter. Ainsi, si au bout de plusieurs années, nous ne comprenons toujours pas pourquoi une gamme est à éviter, ne rigolez pas j'en connais, ou que frapper comme un sourd ne fera pas de nous un meilleur uber-warrior que celui qui sait se maîtriser, navré ! C'est raté. Nos progrès vont immanquablement finir par s'enrayer
Ce qui se voit, le niveau monte m'voyez.
Et si vous vous dites, une nouvelle fois, que je suis mignon derrière mon clavier à vous conseiller, mais que je pourrais avant tout me regarder, je ne peux qu'approuver.
Deuxièmement, si nous sommes bien dans un monde dédié aux artistes, le savoir, l’accepter permet de gagner du temps quand nous sommes amenés à créer : les attendus sont plus clairs, mais aussi les contre-pieds. Ainsi jouer les artistes correspondrait à une vision classique, admise et respectée et ne pas le faire reviendrait à se priver de cette légitimité, mais aussi plus facilement se distinguer. Ce que vous vous imaginez bien est plus risqué. et quel que soit notre choix, le plus important reste de l’assumer, le justifier et de correctement l'amener. Donc, connaître la méta, ce que n'importe quel joueur de eSports vous conseillerait et même si nous ne sommes sommes pas en eSport cela ne change rien sur le fait que vous devriez quand même les écouter sur le sujet… Bref, tout ça pour dire que connaitre la méta ce n'est pas un gadget en plus qu'on agiterait pour s'amuser. Non, la maitriser est bel et bien une étape à ne pas rater. L'un des premiers grand pas vers le progrès une fois les bases assimilées. Bref, connaissez votre méta.
Enfin, si notre hypothèse s'avérait exacte et que les artistes dominent le monde de l’escrime artistique, les utiliser aurait quelque chose de forcément rassurant pour les pratiquants. Leurs usages seraient bien connus, avec son lot d’exemples et de documentations capables de nous guider quel que soit notre niveau. En revanche, les autres archétypes disposeraient de ce parfum d’aventure, de terre vierge à explorer. Et si certains jours on aime rester en sécurité, des fois on souhaite aussi explorer. Sans compter que je ne sais pas vous, mais artiste contre artiste c'est un peu comme gentil contre gentil ou méchant contre méchant. Cela devient vite un peu chiant.
Alors ! France et escrime artistique ! Un monde d'artistes ? Hé bien oui ! Et non et... C'est compliqué.
Là aussi, Tous les cœurs saigneront, CFEA 2023, Île de France Les Lames sur Seine, crédit photo : Marine Acoiris |
I) L'artiste, un archétype calibré pour les attendus de la pratique, presque exclusif au risque de l'appauvrir.
Comme dans toutes institutions, ces dernières discutent, proposent des évolutions, déterminent des règles, une bonne conduite, forment, se disputent, s'influencent, constituent un groupe d'adepte, voire une corporation entière, tout ce qu'il faut pour qu'en théorie, cette discipline que nous aimons et chérissons vive sa meilleure vie.
Lorsque nous cherchions à déterminer, le Capitaine et moi, si nous serions dans un monde d'artiste, c'est assez naturellement que nous nous sommes penchés en premier sur ces organisations qui, oui, favoriseraient l'archétype. Pourquoi vous me direz ? C'est justement ce que nous avons recherché et fini par regrouper autour de l'influence de la belle escrime et de la compétition.
A) L'artiste, des caractéristiques propres aux attendus influents de la belle escrime et de la compétition
1) L'artiste, un personnage technique et désireux de l'étaler.
Le Capitaine l'ayant déjà fait, je me permettrai de vilement le citer :
"L'artiste représente l'idéal du héros et du combattant. Il
s'agit d'un escrimeur maîtrisant son art à la perfection et capable d'en
exprimer toute la pureté. Cela regroupe essentiellement deux types de
personnages : les maîtres d'armes et les héros chevaleresques. C'est
D'Artagnan, Cyrano, Ivanhoé, Aragorn ou John Snow. Il s'agit souvent du type de
personnage choisi lors des compétitions d'escrime artistique car il se prête
idéalement à montrer de la belle escrime.
En effet, celle-ci doit respirer la grâce et la perfection
du geste. On attend d'eux un parfait équilibre, une excellente maîtrise de
l'armes et des déplacements. Si l'expert peut être vif, si il peut faire des
feintes ou des provocations, c'est d'abord parce qu'il excelle en technique
qu'il ou elle se bat bien. On l'imagine loyal, le genre à ne pas profiter
d'être en supériorité numérique et à demander à un compagnon de ne pas
intervenir, ou encore le seul type de personnage (ou presque), capable de
rendre son épée à son ennemi après l'avoir désarmé.
Évidemment c'est un personnage difficile à bien interpréter puisqu'il demande forcément une superbe technique de la part de l'escrimeur qui l'incarne. Par contre, par pitié, ne donnez pas ce rôle à quelqu'un qui n'aurait pas le niveau technique pour l'incarner ! " (voir lien ci dessus)
Oui, regardons ! Quand Lupin visite, CFEA 2023, Nouvelle Aquitaine L'Âme des Armes, crédit photo : Marine Acoiris |
2) Artiste et la belle escrime, le cocktail idéal et influent de l'acte compétitif.
a) Belle escrime et artiste, les deux faces d'une même pièce difficile à éviter.
Alors, cette notion précise n'apparaît pas avant des temps, somme toute, récents et si vous la cherchiez dans nombre de traités anciens, vous ne trouveriez probablement rien, alors postulons. Postulons que lorsque je parlerai de "belle escrime" j'engloberai toutes tentatives, même minimes, de définir ce qui relève pour une arme, une époque particulière, de la bonne pratique et de ce qui n'en relève pas. C'est arbitraire, imprécis et grossier, oui, mais cela nous permet d'avancer.
Vous l'aurez compris, une part importante est subjective, mais cela n'a jamais empêché plusieurs auteurs de proposer leur vision de ce que la belle escrime serait. Quitte parfois à l'asséner comme des vérités. Nous pouvons penser aux vertus, la géométrie, les mathématiques, etc...
Sur les vertus, ce magnifique article : Origine des vertus et sens des segni dans l'oeuvre de Fiore dei Liberi
Or, pour nous qui observons de loin, à l'abri dans notre siècle, cette longue quête de vérité, la nôtre serait peut-être de ne jamais oublier que l'escrime pratiquée à un instant T était le fruit d'une pratique, mais aussi des mœurs et cultures de ce temps. Sa beauté n'y faisait pas exception. Une beauté dont l'efficacité n'était pas toujours la clé. Ce qui, en ce qui nous concerne, ne pourra pas s'adapter à tout les personnages proposés.
Deal avec Dieu, CFEA 2023, PACA La Tulipe Noire, crédit photo : Marine Acoiris |
Un style difficile à éviter.
Elle nous plait tellement que certains, par passion, la confonde avec d'autres beautés. Vous savez quand Jean Robert veut justifier sa chorégraphie à coup de "le public veut voir du beau". Alors certes la belle escrime peut l'apporter, si c'est beau c'est proche du vrai. Et c'est amusant de constater combien c'est facile de basculer de beau à vrai, alors que nous devons, au contraire, nous garder de les associer ou confondre. Du moins, de façon automatique.
Après tout, un athlète, autre personnage expert, basé sur la force, n'est pas censé pratiquer la belle escrime, le vieux briscard, rusé, encore moins. Pourtant les jouer et proposer un beau spectacle c'est plus que possible dans les faits.
D'ailleurs, je vous dit beau, mais est ce que le public veut justement du beau ? Un public, au sens d'un groupe de personnes qui par hasard ou volonté consciente se sont réunis devant une prestation, peut vouloir beaucoup de choses. Être émerveillé, ok avec la beauté, diverti, on peut l'envisager, même si c'est pas gagné, instruit, là on commence à vraiment s'en écarter.
Ça non plus, Tous les cœurs saigneront, CFEA 2023, Île de France Les Lames sur Seine, crédit photo : Marine Acoiris |
b) La compétition, une usine à artistes.
Comme toutes disciplines qui font des adeptes, une question finit toujours pas se poser : c'est qui le meilleur ?
B) L'artiste, archétype majeur, hégémonique et problématique.
Elle aussi, observe, Pas de retraite pour les Zombies, CFEA 2023 Bourgogne Cercle Ledonien, crédit photo :Pauline Deysson. |
1) Le mimétisme, un gigantesque producteur d'artistes.
C'est ainsi qu'au fleuret, nous pouvons assister au spectacle de Robert qui du haut de ses quatorze ans va désespérément tenter et lamentablement échouer à toucher ses adversaires en passant sa lame entre ses jambes parce qu'il a vu les J.O à la télé. C'est pour la même raison que Justine, seize ans, va systématiquement à l'épée essayer de flécher ses adversaires sans convenablement se préparer. Et c'est pour les mêmes raisons qu'à moins de disposer d'une identité forte, comprise et assumée nous allons imiter les podiums, chercher les conseils de ceux qui les montent afin de leur ressembler: des artistes, dans un monde d'artistes pour des artistes.
Et là vient le hic.
Ange ou Démon ? CFEA 2023, Île de France Masque de Fer, crédit photo : Pauline Deysson |
2) La domination des artistes, un appauvrissement de la pratique
II) l'escrime artistique, une pratique mûre pour une plus grande diversité.
Bon ça reste beau. Très beau. Bon Dieu ! Que c'était beau ! Pestifer, CFEA 2023, Pays de Loire Formation aux Armes, crédit photo : Marine Acoiris |
A) La magie du médiéval, une escrime à la beauté singulière et appréciée du public.
Bon là, c'est plus Robert chez les suicidaires. Ne faites pas ça ! Knightfall, série 2017-2019 |
B) Un cinéma toujours spectaculaire, mais en quête de réalisme.
En 2020, le Capitaine avait déterminé deux styles en vogue dans le cinéma : le spectaculaire et le réaliste. Je ne vais pas recopier son article donc je vous y renvois : ici
Le genre de situation où on défend l'efficacité avant la beauté, Le sang des Templier de Jonathan English, 2011 |
C) Varier ses personnages, trois règles pour y arriver
Règle une, les mêmes styles tu n'opposeras.
Alors, lorsque nous jouons un artiste, un athlète ou un vieux briscard, lui opposer un style opposé permet à chacun de se singulariser.
Règle deux, le corps à corps même pour un artiste tu useras.
Lutte à l'épée longue - Traité de Paulus Hector Mair |
Règle trois, le style le plus adapté à tes gars tu choisiras.
Enfin, nous avons tous un archétype privilégié. Ce n'est pas parce que la donne est à l'artiste que nous devons nous y plier surtout quand nous sommes en train de progresser. Et si c'est valable pour nous, ce sera valable pour ceux qui nous accompagnent, élèves ou camarades. Restons attentifs aux facilités et appétences de chacun et aidons les à choisir un style conforme à leur identité qui les fera briller.
Conclusion
Si l'escrime de scène ne peut se réduire à l'artiste, force est de constater que l'escrime artistique y tend dangereusement. Au-delà de correspondre à une vision fantasmée de l'escrime, celle qui serait belle, par essence, la compétition, bien que minoritaire, encourage davantage cette identité par sa grande influence. Une identité propice aux artistes. Je parle toujours de l'archétype.
L'essor du médiéval, son gain de qualité, ainsi que celui de troupes proposant des prestations où l'artiste est absent, ont offert un contrepied nécessaire, bien qu'encore fragile, en dehors et au sein de l'escrime artistique. Son développement arrive déjà à faire bouger certaines lignes. Il ne tient qu'à nous de l'accompagner et d'en tirer certains enseignements ; ne pas oublier que si nous aimons le message que nous portons, l'escrime que nous pratiquons, les spectateurs suivront.
C'était le Baron de Sigognac pour vous desservir. Bon début d'été.
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