Les livres d’armes des XVIe et XVIIe
siècles sont nombreux, et la majorité traite uniquement de l’épée / rapière
(je vous invite à lire l’article du capitaine sur la diversité des armes du
XVIIe siècle). La tendance actuelle est de classifier par « traditions »
et/ou « origines » : escrimes italiennes, escrime commune
ibérique, Verdadera Destreza, traités Français, traités Germaniques, traités Anglais,
etc.
La majorité de ces ouvrages sont des
imprimés, et une plus faible quantité sont des manuscrits. L’imprimerie, ainsi
que l’amélioration des méthodes de rédaction des ouvrages didactiques, rendent leurs
lectures relativement abordables (si on compare à des ouvrages plus anciens). Néanmoins certains ouvrages comme le MS No.376 - Brief Instructions upon my
Paradoxes of Defence- restent opaques pour nous, lecteurs modernes. L’absence d’iconographies
détaillées, parfois associée à des textes lacunaires, peut générer des
incertitudes sur la nature de l’épée à utiliser. Par exemple, c’est le cas du MS
PBA 58 : son auteur, Domingo Luis Godinho, ne décrit pas les épées qu’il
faut utiliser.
Dans la pratique AMHEsque de la
rapière, deux styles d’escrimes se distinguent particulièrement en raison du
grand nombre de manuels disponibles :
- L’escrime italienne du début XVIIe, et les
formes qui en découlent. En grande partie, les techniques reposent sur le jeu
long, mettant l’accent sur les feintes et les cavations. Cette escrime nécessite
une lame plutôt longue, et une bonne répartition de la masse.
- La Verdadera Destreza, un système d’escrime défensif,
dont l’un des principaux ressorts est le contrôle de l’espace et de l’arme
adverse. Le jeu est plus court qu’en escrime italienne, et laisse une part
importante aux techniques de liages (travail au fer) ainsi qu’aux coups de
taille. Pas besoin d’une lame excessivement longue et une répartition de la masse
sur l’avant permet d’avoir un liage fort.
Ce sont deux descriptions à l’emporte-pièce, mais cela montre des approches différentes de l’escrime, nécessitant
chacune des armes aux caractéristiques spécifiques.
Les mesures et proportions dans les textes historiques
D’un texte à l’autre, il y a différents
degrés de précision. Il n’est pas rare que les auteurs s’appuient sur des
raisonnements pseudo-scientifiques de leur époque. L’un des raisonnements le plus commun est de proportionner l’arme par rapport à des parties du corps
humain.
Capo Ferro, maître d’armes du début XVIIe siècle ayant écrit un ouvrage appartenant à la tradition italienne, donne trois
indications :
-
l’épée doit être deux fois plus longue que le
bras.
-
l’épée fait la longueur d’un pas double (pour
faire simple : une fente).
-
l’épée arrive à hauteur de l’aisselle de
l’escrimeur.
Sa rapière est donc relativement
longue, 130cm environ pour un homme d’1m75. Il semble qu’Alfieri, une
cinquantaine d’années plus tard, ai des considérations similaires.
D’autres auteurs donnent des cotes
précises, comme Swetnam, qui indique qu’une lame de rapière doit faire 4 pieds
de long (envions 1m20).
Girard Thibault d’Anvers, dans on
Académie de l’épée, donne une proportion plus petite que celle de Capo Ferro.
Il fait partie des auteurs les plus précis dans sa façon de dimensionner
l’épée. La lame doit avoir une longueur pointe–quillons qui correspondent au
rayon du cercle qu’il utilise pour enseigner son système (le cercle est
lui-même proportionné à l’escrimeur), ou une longueur équivalente à la hauteur
pied-nombril de l’escrimeur. Les quillons sont dimensionnés selon la ligne
pédale, ce qui équivaut à la longueur du pied sans les orteils, et ainsi de
suite.
Représentation de l’épée dans l’Académie de L’Epée, de Girard Thibault d’Anvers (1628/1630), avec un style de garde plutôt ancien pour cette époque. Au centre, se trouve le cercle proportionné à l’escrimeur et qui se trace grâce à l’épée.
Les auteurs de la Verdadera Destreza
(l’escrime géométrique espagnole), donnent également des proportions. Ainsi des
auteurs tel que Don Luis Pacheco de Narvaez ou encore Rada se conforme à
l’ordonnance royale de Philip II, datant de 1564 et réglementant la longueur des
lames à 5/4 de Vara, soit un peu moins de 1m05. Ils s’appuient aussi sur ce
qu’ils considéraient comme la proportion « naturelle » d’un humain (hauteur
de 1m67). Les quillons doivent faire 1/6éme du corps (28cm). Pour la longueur
de la poignée, il est indiqué que le pommeau doit arriver un peu après la pulpe
de la main (ce qui permet de ne pas encombrer les mouvements de poignée), ce
qui donne une poignée assez courte. Pour eux, la logique visant à proportionner
l’épée au corps humain « naturelle » s’applique également à la dague,
cette dernières devant mesurer la moitié de la longueur de l’épée (56cm). A
noter que les boucliers (boucles / rodela) font la même proportion que la
dague.

Représentation de rapières dans le livre Metodo de
ensenanza de maestros en la ciencia filosofica de la verdadera destreza
matematica de la armas, Diaz de Viedma, 1639.
Pacheco à une opinion tranchée sur
l’importance de ces proportions (ainsi que sur ceux qui ne les respecteraient
pas). Il explique que les personnes utilisant des épées plus longues sont des
couards, méprisables, diminuant la valeur de leur nom sur 5 générations, que
cela rend la personne détestable et efféminée, etc ( et là je vous ai
donné la version synthétique de son texte). L’épée destinée à la Destreza se
distingue également par la dimension et la forme des quillons : ils sont
droits et longs, afin de se protéger et de verrouiller la lame adverse.
Comme dit ci-dessus, le roi Philippe II
d’Espagne a légiféré sur la longueur des épées. Le but était de limiter la
violence des combats entre civile, que ça soit des duels ou des rixes. Les
conséquences mortelles de ces pratiques impactent la démographie de la
noblesse, et vont à l’encontre de la morale religieuse de l’époque. La
réglementation de la longueur des rapières se retrouve également dans d’autres
pays comme le Portugal, où plusieurs édits ont été promulgués. L’un des
premiers imposait une longueur de 5 palmes de vara, soit environ 110 cm, le second
augmente la longueur (110 cm à partir de la croix) afin de ne pas désavantager
les escrimeurs portugais face aux étranges. Un autre aspect intéressant des
textes portugais, est la présence d’une interdiction de vente et de production
de lames plus longues.
Rapière portugaise de la fin du XVIIe siècle, voire du début du XVIIIe siècle.
George Silver apporte un autre
argument en faveur d’épée plus courte : l’épée est moins encombrante, donc
mieux adaptée aux champs de batailles (contrairement à la rapière plus
encombrante et pourtant présente sur les théâtres militaires).
Ces textes législatifs sur les
dimensions des rapières montrent que la tendance était à l’allongement des
lames et le besoin de limiter les effets des duels. L’efficacité de ces règles s’est
avérée limitée, car elles n’ont pas empêché les escrimeurs de s’équiper d’armes
de plus en plus longues, influencée notamment pas les modes des autres nations.
De plus, l’impact sur la violence des combats n’est pas mesurable : la plupart
des duels non organisés (ou rixe) se sont soldés, au mieux par des blessures
légères, au pire par plusieurs morts.
Représentations des rapières
La représentation des armes nécessite du
savoir-faire. Les techniques de tracés ainsi que de reproduction d’images ne
permettent pas d’obtenir des représentations toujours fidèles. Dans son ouvrage
sur l’escrime, Viedma (auteurs de la Verdadera Destreza) écrit sur la
difficulté de trouver des graveurs ayant les compétences suffisantes, et à
des tarifs accessibles. Ainsi, dans les livres d’armes, il n’est pas rare
d’avoir des représentations simplifiées des épées, voir des représentations
schématiques ou fantasmées.
Représentation
d’épées dans le manuscrit Verzeichnis etlicher Stücke des Fechtens im Rapier
(MS Germ.Fol.1476), attribué A.M. von Biberstein, et produit après 1593.
En revanche, à partir du XVIe siècle, certains
tableaux et portraits ont un véritable intérêt pour nous :
-
Les tableaux sont parfois plus détaillés que
les gravures.
-
On arrive facilement à trouver leurs années de
production.
-
Ils peuvent représenter des armes existantes
et disponibles dans les musées ou collections.
Tous ces points sont intéressants pour
la classification des épées à travers les âges, mais également pour nous donner
des pistes de réflexion la symbolique des armes ainsi que leurs places dans
la société de l’époque.
Le duc de Pastrana par Juan Carreño de Miranda (1614–1685). Date: 1679. Ce portrait
représentant Gregorio de Silva et Mendoza (1649-1693), Duc de Pastrana et IX,
Duc de l'Infantado.
Voici deux exemples :
Ci-dessus : ce tableau est l’une
des premières représentations d’une rapière à tazza, et pas ente les mains du
premier venu. En recoupant avec d’autres tableaux, on se rend compte que les
gardes à tazza se sont utilisées principalement durant la seconde moitié du
XVIIe siècle. Ce type de garde, très répandu dans l'escrime de spectacle et des
AMHE, est sujet à quelques erreurs : l’hypothèse d’une origine espagnole
reste à valider, le terme tazza /taza, (que je n’ai vu dans aucun documents
historiques) peut aussi bien venir de l’italien que l’espagnol. Sa forte
présence en Espagne peut s’expliquer par le fait que les espagnole ont
conservé la rapière comme armes traditionnelles jusqu’au XVIIIe siècle,
contrairement aux escrimeurs d’autres pays. Les premières gardes de ce type
apparaissent vers le milieu du XVIIe.
Ci-dessous : cet extrait offre un
détail d’une garde utilisée dans les années 1620, en Hollande, par un officier
d’ascendance noble. On peut également voir le fourreau, et notamment la
bouterolle (possiblement en laiton) à sa pointe.

Détaille
du « Schutters van het vendel van kapitein Abraham Boom en luitenant
Oetgens van Waveren », 1623. Adriaen van Nieulandt (1586/87-1658).
Mesures, orignaux et reproductions
Une autre façon de caractériser les
rapières de façon factuelle est de mesurer les originaux qui nous sont
parvenus. Comparer les mesures obtenues avec celles des reproductions nous
permet également de prendre du recul sur nos pratiques de l’escrime.
Pour cela, je me basse sur deux
articles. Le premier le travail, de Guillaume VAUTHIER, intitulé Étude De
Rapières Historiques De La Fin Du XVIe Et Du Début XVIIe siècles, contient une
analyse de données et des mesures provenant d’un échantillon de 111 épées du
fin XVIe au début XVIIe siècle. Le second est un article écrit par Florian FORTNER,
A comparison of late 16th to early 17th century rapiers with modern
reproductions, dans lequel est comparé des reproductions et des originaux (plutôt
adaptés aux escrimes italiennes). Pour la suite de l'article, l’étude de
G.VAUTHIER est nommée Etude 1 et celle de F. FORTNER est nommée Etude 2.
Nota : il faut prendre du recul
vis-à-vis de certaines hypothèses avancées sur la première étude (par exemple sur
les armes et l’escrime espagnole).
Plusieurs points ressortent de ces
analyses, et nous aident à mieux caractériser les rapières de cette période :
-
Longueurs :
o
Etude 1 : La longueur totale varie de
95 à 130 cm. Des artefacts plus longs (140cm environ) sont identifiés, mais ils
font figure d’exception dans cette étude.
o
Deux fourchettes de longueurs de lame ressortent
: 100 à 105 cm et 110 à 115cm. La fourchette 105 à 110cm est également importante,
mais à moindre niveau que les deux autres.
o
Etude 2 : La comparaison de la longueur
totale des épées montre que les rapières d'origines peuvent être plus longues, jusqu’à
une longueur de 1400mm. Les répliques ne dépassent pas 1300 mm de longueur.
-
Masse :
o
Etude 1 : La masse varie de 900g à 1,7kg.
La majorité des échantillons (65% à 70%°) font entre 1,1kg et 1,4kg.
o
Etude 2 : Les originaux ont un poids de
1130g à 1630g. Les répliques sont plus légères avec 990g à 1330g.
o
Il n’y pas de relation masse / longueur. Des
épées de 1m25 peuvent aussi bien peser 900g que 1,5kg.
-
Largeur de lame :
o
Etude 1 : L’épaisseur des lames à la base
est importante (environ 8 mm) et s’affine brutalement sur les 10 / 15 premiers
centimètre, puis s’affine progressivement jusqu’à atteindre environ 2mm sur les
derniers centimètres de la lame.
o
Etude 2 : les rapières historiques ont
une épaisseur au ricasso d'au moins 8,3 mm et la rapière moderne la plus
épaisse est de 6,2mm.
-
Autres mesures :
o
Etude 1 : Le centre de gravité se situe dans
un intervalle allant de 9 à 17cm (de la poignée).
o
Etude 2 : Le POB (point de balance) des pièces
historiques se situe entre 95mm et 140mm des quillons. Le POB de la A1318 est à
155mm, mais la forme de sa lame est très différente d'autres rapières historiques. Certaines répliques sont similaires, d’autres plus proche
de la garde.
-
Longueurs des poignées :
o Etude 1 : La longueur de la poignée (plus
le pommeau) est généralement d’une quinzaine de centimètres.
o Les longueurs des poignées sont de 77mm à
84mm. En comparaison, les longueurs des répliques sont plus importantes, avec
une longueur pouvant atteindre 93mm.
Voici une comparaison entre les
standards des deux études et quelques simulateurs destinés à
des pratiques modernes :
Comparaison
des dimensions entre les données des études et les mesures faites sur des
reproductions m’appartenant. Pour les 2 études, les côtes données ici sont des
moyennes, et entre parenthèses se trouvent les fourchettes côtes mini / maxi. *Rapière Destreza de
Ferrum Armory ; *Rapière Italienne de Danelli.
Les caractéristiques des simulateurs
modernes sont peu comparables aux « standards » de l’époque (en tous
cas sur la période de transition XVIe / XVIIe siècle), les usages ainsi que les
savoir-faire ne sont plus les mêmes depuis 4 siècles. La rapière d’EA a des
écarts importants. En escrime de spectacles, il n’est pas rare
d’utiliser des rapières fines, légères, avec des lames triangulaires et
courtes. Ces simulateurs répondent à des besoins spécifiques et n’ont pas
grand-chose à voir avec les artefacts présents dans les musées.
Au-delà de ces deux articles, si on
regarde les caractéristiques sur une période plus large, les masses varient, et
tendent à diminuer sur la seconde moitié du XVIIe siècle. Globalement, depuis le
XVIe siècle la longueur des lames augmente (d’où les limitations réglementaires
dans certains pays), puis vers le milieu du siècle, la longueur se stabilise (voire même commence à diminuer). Dans beaucoup de pays européens, des épées de transitions
(à mi-chemin entre rapière et épée de cour) apparaissent, alors que dans d’autres,
comme l’Espagne, les rapières perdurent au moins jusqu’au début du XVIIIe
siècle.
Pour conclure sur les caractéristiques
des rapières, je vous invite à lire les excellents articles d’Ensis Sub Caleo,
qui propose entre autres des contenus sur la dynamique physique des armes ou
encore sur la représentation graphique de la distribution de masse dans une
épée.
Classification des modèles historiques
Afin d’identifier et de caractériser
des types d’armes, il est commun de faire appel à des outils de classifications,
tels que la classification de E.OAKESHOTT. Ces classifications sont utiles,
mais il ne faut pas oublier qu’elles répondent à des besoins modernes qui ne font pas sens à l’époque.
Comme évoqué au début de cet article,
l’ouvrage Rapier and Small-Sword,
1460-1820 de l’historien A.V.B. Norman est sûrement l’une des
classifications les plus complète en ce qui concerne la classification des épées
du XVIe au XVIIe siècles. L’auteur propose un catalogue riche (plus d’une
centaine de types de pièces) et détaillé.
C’est sur cette base que je vais vous
présenter et essayer de caractériser quelques pièces de musée, mais avant : comment
fonctionne cette classification ?
Le système de classification :
Il est compliqué de caractériser l’ensemble
d’une épée / rapière (du pommeau à la pointe), car les assemblages sont
cosmopolites. Il n’est pas rare que les lames viennent d’une région de l’Europe
et les gardes d’une autre. Les fourbisseurs peuvent ainsi produire des épées
ayant des caractéristiques très diverses, en bénéficiant des savoir-faire et
avantages qu’offrent différentes manufactures.
Cependant, il est possible de classifier
les différentes parties d’une l’épée, puis d’identifier les assemblages les
plus communs. Par exemple, Norman observe que le pommeau type 33 (il donne des
numéros à chacun des modèles identifiés) est généralement assemblés avec des gardes
de types 100 à 103. C’est cela qui rend la classification A.V.B. Norman
particulièrement intéressante.
Un aspect qui n’entre pas dans la classification,
mais que A.V.B. Norman prend le temps de développer et de décrire, ce sont les
décorations : l’épée, de plus en plus présente sur les tenues civiles, est
une composante importante de l'habillement masculin. A partir du XVIe siècle, les épées
s’embellissent par différents procédés. Certaines gardes sont de véritables
œuvres d’arts, et des démonstrations des savoir-faire de l’époque :
émaillage, sertissage, gravure, dorure, damasquinage, etc.
Regardons les différentes pièces qui composent une rapière
Le triptyque est intéressant, car il représente différentes parties d’une garde : la structure en croix (pas d’âne et quillons), la garde extérieure et la garde intérieure.
Les lames :
Il en existe de toutes les formes
(lenticulaire, hexagonale, triangle, etc), de toutes les longueurs, avec
parfois une ou des saignés destinées à alléger l’arme et/ou à renforcer sa
structure. Les lames à section triangulaire, que l’on trouve sur des rapières
tardives (généralement de la seconde moitié du XVIIe siècle), étaient plus
longues et plus larges que celles utilisées en escrime artistique.
La lame de cette rapière est très particulière : la pièce à la base de la lame coulisse le long de la lame pour faire passer l’épée en configuration épée à deux mains ou épée longue.
Pour l’entraînement et les pratiques
ludiques, les lames avaient des tranchants rabotés et des pointes boutonnées.
Dans les livres d’armes ibériques, l’épée sécurisée est généralement qualifiée
de noire, par opposition à l’épée affûtée, dite blanche.
Exemple d’une rapière d’entraînement, conservé au musée de l’armée à Paris. La pointe est boutonnée et les tranchants sont rabotés. Elle mesure 125cm, et elle a une garde typique du début du XVIIe siècle.
Les poignées :
Beaucoup de rapières qui nous sont
parvenues ont des poignées dégradées. Généralement la fusée en bois (travaillé
ou non) est recouverte d’un filigrane métallique, ou d’un matériau souple tel
que du cuir ou du tissu. Sur certaines armes, il y a des barrettes décoratives
en métal ou matériaux précieux (de l’ivoire par exemple). Les poignées avec
filigranes métalliques étaient probablement très rependues pour des raisons esthétiques
et pratiques. Certes un grip en filigrane métallique « arrache » la
main (ou le gant), mais offre une meilleure tenue, ce qui est appréciable quand
l’on combat pour sa vie.
Les poignées filigranées ont généralement à leurs extrémités des Têtes de Turc (entrelacs de fil métallique).
Le pommeau :
Il en existe de toutes les formes et
de toutes les masses, selon les besoins. Ils peuvent être en deux parties : le
pommeau, et le bouton (partie qui vient bloquer l’assemblage). Ils sont
assemblés par martelage / rivetage, ou par vissage (il semblerait que cette méthode
existait déjà à l’époque). Norman a identifié 93 formes différentes, et ne
prend pas en compte certaines variantes (par exemple, les types 32 peuvent être
circulaires, ou au contraire avoir plusieurs faces planes).
La garde : là, ça devint compliqué !
Il en existe un grand nombre de formes
différentes, auquel on a attribué, parfois à tort, une origine géographique. A.V.B
Norman s’est contenté de les identifier par des numéros et de caractériser de
façon globale chacun de ces types en se basant sur différentes collections ainsi
que des sources iconographiques.
Beaucoup de types de garde se sont
côtoyés. Au début du XVIe, il y a peu de fioritures : une croix (un écusson avec
des quillons de part et d’autre) et parfois quelques bouts d’anneaux ou un pas
d’âne. Dans la seconde moitié du XVIe les entrelacs et les anneaux de métal se
font de plus en plus nombreux, puis des petites coquilles sont parfois
ajoutées. C’est après le 1er quart du XVIIe siècle que les gardes
avec des coquilles intégrales apparaissent, et notamment en Espagne avec les
épées dites à conchas (coquille / coquillage), puis vers le milieu du XVIIe siècle
les gardes à coquilles hémisphériques (Tazza). Les
avantages de ces gardes à coquilles sont multiples : la structure est
résistante tout en conférant une bonne protection (la coquille crée un cône de
protection à la manière d’un bocle) sans pour autant augmenter la masse de
l’arme.
La garde intérieure :
Souvent, les gardes ne sont pas
symétriques de part et d’autre des quillons, c’est pourquoi A.V.B Norman sépare
la classification en deux : une classification globale et une
classification des parties intérieures des gardes. Il a identifié environ 39
types de gardes intérieures.
Quelques exemples de pièces historiques :
Garde type 39 (des liens avec les modèles 16 et 41 également). Ce type de garde est daté entre la fin du XVe siècle et le début du XVIIe siècle.
Garde type 43, contre garde type 9 ou 10, Pommeau type 25, datation A.V.B : 1550 à 1630. Sûrement l’un des types de garde ayant la plus longue période d’utilisation. Ici la garde et le pommeau sont particulièrement travaillés. Il y existe beaucoup de variantes de cette forme : pommeau rond, quillons droits ou cintrés, anneau de pouce, etc.
Garde mixte entre le type 52 et le type 57 avec quillons cintrés. Contre garde type 31, 35 ou 36. Datation de la collection 1580. Datation A.V.B : 1550 à 1640. Epée allemande avec une lame de Tolède.
Garde de type 58, pommeau type 32. Datation A.V.B : 1560 à 1635. Ce fragment de garde est conservé aux Rijksmuseum, et daterait d’environ 1596.
De gauche à droite : Garde type 57 et pommeau type 32. Datation A.V.B : 1585 /1640 - Garde type 80 et pommeau type 14. Datation A.V.B : 1630/1650 - Garde mixte type 54 / type 55 et pommeau type 28, Datation A.V.B : 1620-1640.
Garde type 66, pommeau type 32. Datation A.V.B : 1620 / 1640 (plus ou moins 5 ans).
Ces gardes arborent des plaques ajourées sont dites à la Pappenheimer. Ce nom viendrait de Gottfried Heinrich, comte de Pappenheim, officier pendant la guerre de Trente Ans, qui a encouragé l’utilisation de ce type de garde. A.V.B Norman n’utilise pas ce nom, sûrement, car il y existe plusieurs types de gardes ayant des plaques de renforts similaires.
Garde type 55, pommeau type 16. Cette épée appartenait à Gustave II Adolphe, roi de Suède, mort sur le champ de bataille de Lutzen en 1632. Epée produite en Allemagne entre 1625 et 1630, pèse 1kg410g, et à une longueur de 115,6 cm (dont 92,9 cm de lame).
Garde type 83, pommeau type 60, première moitié XVIIe. Garde dite à conchas (coquille ou coquillages). Ce type de garde semble originaire d’Espagne, ou en tout cas, la quasi-totalité de ce type artefact sont originaires de la péninsule ibérique. Ce type de garde est un exemple de l’influence entre matériel et type d’escrime : pour la pratique de la Verdadera Destreza, avoir une épée à quillons droits et longs est important.
Garde type 103, pommeau type 66, vers 1660/1670.
Garde de type 88, datation A.V.B : 1635 / 1650. Datation Royale Armouries : 1630/1670. Pommeau du type 55, datation A.V.B : 1500 /1580. Il est intéressant de noter l’important décalage entre la datation du pommeau et celle de la garde. Cet écart peut venir d’un remontage / réutilisation de pièces, ou un choix purement esthétique, rappelant une mode plus ancienne.
Garde mixte de type 91 et de type 102, absente de la classification. Les deux types datent de la seconde moitié / fin du XVIIe. Cette pièce, datée d’environ 1700, est un assemblage espagnol avec une lame allemande (Solingen). Longueur totale : 107,5cm et 91cm.Le pommeau semble être proche du type 66.
Garde mixte de type 95 et type 104, pommeau type 66. Datation H V B : seconde moitié XVIIe siècle. Datation de la collection : 1700.
Quelques mots pour conclure