Les formes du balai dans l'Histoire
Gravure d'une série en douze parties avec des vendeurs ambulants d'après un dessin de Boucher et imprimé par Le Bas et Ravenet (vers 1700) |
Le balai comme arme
Intéressons-nous ensuite au balai représenté comme arme dans les images et les gravures qui nous sont parvenues. On constate que celui-ci est essentiellement représenté dans deux contextes différents.
Le premier est celui de scènes où une ou plusieurs femmes humilient un homme. L'image a le plus souvent une connotation morale et l'homme se fait chasser d'un lieu mal famé à coups de balai, de gourdin et d'autres armes improvisées et humiliantes. On va en trouver quelques variantes de scènes de ménage où la femme manie le balai, ou encore de rixes généralisées où se mêlent balais, gourdins, chopes et autres armes improvisées.
Le fils prodigue chassé des prostituées - Crispijn van de Passe (I) d'après Merten de Vos (1580-1588) |
Le second contexte nous présente alors le balai dans les mains des hommes. Et là il s'agit de ridiculiser la scène. Le plus souvent ces hommes sont des paysans révoltés ou en milice, le dessinateur se moque alors de leur valeur militaire en leur attribuant des balai comme armes voire en les faisant combattre avec en lieu et place de vraies armes. Ces balais peuvent se mêler avec d'autres outils paysans ainsi qu'avec l'inévitable gourdin. Le balai peut également être représenté pour ridiculiser l'ennemi comme cette caricature de la bataille navale de la Hougue où un marin Hollandais, armé d'un couteau et d'un balai voit un Français lui remettre son épée (une véritable arme associée aux gens bien nés).
Dans tous les cas on joue sur l'idée que le balai n'est pas une vraie arme et on ironise sur son porteur ou sur celui qui se fait vaincre par un outil aussi inoffensif !
Caricature représentant l'expulsion des jésuites du sud des Pays-Bas, octobre-novembre 1828. Jean-Baptiste Madou (1828) - dans les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam |
Le maniement du balai
La question qui suit consiste à se demander comment manier cette arme insolite qui n'est même pas vraiment une arme. Si nous avons, de façon improbable, un traité d'escrime nous décrivant des techniques pour la faux et la faucille nous n'en avons aucun qui s'intéresse au balai. Les seules sources facilement accessibles sont iconographiques (les autres seraient des sources judiciaires ou, pour le XIXe siècle, la rubrique "faits divers" des quotidiens). Or les gravures et dessins nous représentent essentiellement deux coups : un grand coup de taille de haut en bas (le plus fréquent) et un coup d'estoc depuis la hanche. Ces deux coups frappent avec la partie molle du balai et humilient plus qu'ils ne blessent. Hélas, avec ces techniques on tient à peine 10 ou 20 secondes de combat !
Encore une représentation du fils prodigue chassé par des prostituées, cette fois-ci par Jacques Callot (1635) Dans les collections du Rijksmuseum d'Amsterdam |
Il est donc indispensable, si l'on veut faire durer un peu notre combat, d'aller piocher des techniques ailleurs. Si l'on examine nos balais on s'aperçoit que deux ou trois armes pourraient nous aider : le bâton, la hache de pas et la hallebarde. Toutes sont pourvues d'un long manche et d'une tête. La tête ici est un fagot de branches ou de tiges végétales mais il s'agit tout de même d'une tête. Le paradoxe est qu'elle sera moins dangereuse que la queue du balai alors que c'est d'habitude l'inverse. On peut donc allègrement piocher dans les techniques de frappe et de moulinets utilisées pour ces armes. Il ne faut pas hésiter à faire sans cesse coulisser l'arme entre ses mains pour parer ou frapper avec l'un ou l'autre côté, de taille ou d'estoc. Notons que les coups de taille se doivent d'être amples, comme des coups de bâton, puisqu'il faut de l'élan pour faire mal avec la queue ou fouetter avec un minimum de force avec la tête du balai.
Si le balai est en forme de "T" ou avec un plateau de bois on peut même utiliser les techniques de crochetage de la hache et de la hallebarde pour attraper la jambe ou la nuque de son opposant. On peut également parer directement avec la tête du balai en opposition frontale à un coup de taille, la lame va alors se ficher dans les fibres. Enfin, comme la tête n'est pas dangereuse on peut sans danger attaquer à la tête sans risquer grand chose, de même on peut repousser l'attaquant par un coup d'estoc dans la poitrine sans lui faire mal ; des choses qui seraient impossibles avec un simple bâton et encore moins avec une lance ou une hallebarde.
Une technique de crochetage à la hallebarde dans le traité de Joachim Meyer de 1570 tout à fait réutilisable avec un balai ! |
Le balai dans vos spectacles
Il reste à déterminer quels scénarios on peut mettre en place pour présenter des combats au balai. Comme je l'ai déjà fait remarquer cette arme n'en est pas vraiment une, certes un coup de la queue du balai peut probablement faire mal mais dans l'ensemble ce n'est pas vraiment une arme dangereuse ni même capable de neutraliser un ennemi. C'est d'ailleurs sur cet aspect que jouent les dessins de combat mettant en scène des balais : la victime d'un balai est ridiculisée, tout comme celui qui le prend pour une véritable arme. Tout cela appelle irrémédiablement à un combat comique, ou du moins une scène comique dans un combat plus long. Le balai fera presque systématiquement rire, il étonnera, semblera décalé et insolite dans un combat.
Émeute des croquemorts le 31 janv 1696 à Amsterdam, outre les gourdins et autres outils on aperçoit plusieurs balais - Laurens Scherm (1702 ou 1725-1733) |
On notera deux types de scénarios : des miliciens/révoltés/enfants qui prennent des balais pour de vraies armes ou des serviteurs, mais plus probablement des servantes, des épouses voire des "filles de mauvaise vie", qui chassent un ivrogne ou un importun à coups de balais. Ainsi, la plupart du temps, les combats opposeront un ou une protagoniste armé d'un balai à un ou une autre armé d'une autre arme, probablement une arme de défense personnelle portée en permanence au côté comme une épée de cour, une rapière, un sabre court ou un poignard. Dans la logique scénaristique l'ivrogne/importun a toutes les chances de perdre face au porteur ou à la porteuse de balai. À l'inverse, le milicien d'opérette armé de son balai rencontrera logiquement la dureté de la vie... et de l'acier ?
Après la pluie vient le soleil par Gustaaf Leonardus Adolf Amand (1867 - 1894) nous montre encore une fois le balai entre les mains de la femme. |
Le combat au balai sera probablement assez court aussi car, même si on peut trouver beaucoup de coups en allant les piocher dans d'autres armes, l'effet de surprise et de décalage ne durera pas éternellement et on imagine mal 2 ou 3 minutes de chorégraphie contre un balai. En revanche un passage de combat au balai au sein d'une scène plus longue peut tout à fait s'imaginer, soit pour ajouter un élément incongru dans un combat sérieux, soit pour la surenchère comique et un glissement de plus en plus grand vers l'absurde. Dans tous les cas c'est une arme qu'il n'est pas très compliqué de manier si on a quelques bases ailleurs et avec laquelle on peut bien s'amuser !
Et sinon, une bonne bagarre de taverne avec un balai dedans ça vous dit ? Lutte paysanne par Cornelis van Caukercken d'après Jan Miense Molenaer (1640-1680) |
Pour conclure j'espère vous avoir une fois de plus donné des idées comme c'est souvent le cas pour mes articles sur les armes insolites. On ne voit pas tant que ça de combats comiques et ceux-ci ne sont pas une excuse pour faire n'importe quoi. Il faut bien le faire pour que le résultat n'en soit que meilleur : utiliser des techniques qui seraient violentes avec un bâton ou une hache créeront encore plus d'effet qu'une pseudo frappe bâclée. Bref, faites travaillez votre imagination et amusez-vous !!!
EDIT : on m'a signalé cette excellente vidéo du CNEA et de la Cie Diapason où l'on trouve un passage de combat au balai dans un combat de taverne
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