Récemment Adrien Garcia, dans un excellent billet de blog faisait le point sur les différents types d'escrime de spectacle en dégageant trois spécialités : escrime de théâtre, escrime de cinéma et escrime de spectacle vivant. Il évoquait également deux dominantes la dominante "escrime historique" et la dominante "escrime artistique" mais ne les définissait, hélas, pas.
Si vous lisez ce blog depuis quelque temps vous savez que la dimension historique de l'escrime de spectacle me tient particulièrement à cœur, mais du coup qu'est-ce que cette dominante "escrime artistique" évoquée par l'auteur ?
Spectacle "Le dernier Trecio" par la Salas de armas Louis XIV - champions du Monde2016 - catégorie "ensemble". |
Le caractère "artistique"
Tout d'abord intéressons-nous au qualificatif "artistique". Le dictionnaire Larousse en ligne donne deux définitions intéressantes :
1. Relatif aux arts (peinture, sculpture, architecture, etc.), aux œuvres d'art, aux artistes : Les richesses artistiques d'un pays.
2. Qui est fait avec art, avec un souci de la beauté : Une reliure artistique.
Pour l'escrime artistique, dans la définition d'Adrien Garcia, c'est très certainement la seconde définition qui est concernée, le souci de la beauté dans l'escrime. Nous nous épargnerons ici les discussions sur la place de l'esthétique ou de la Beauté dans l'Art, nous n'en retiendrons qu'être artistique pourrait aussi ne pas être esthétique mais poursuivre d'autres buts au service de l'Art.
Le souci esthétique s'opposerait-il au souci d'historicité ? Parfois c'est le cas, certains coups historiques sont assez laids, cependant d'autres sont, au contraire, très élégants. L'antagonisme n'est donc peut-être pas là.
En fait construire une escrime d'abord esthétique suppose plutôt de privilégier l'esthétique au réalisme et à la crédibilité du combat, à privilégier des coups visuellement beaux, à privilégier la chorégraphie sur le réalisme et tant pis si dans la vraie vie le bretteur se serait fait planter par une vilaine contre-attaque bien moche au milieu de sa volte ! L'escrime historique est, quant à elle, réaliste, puisque l'on peut supposer que tous les coups enseignés ont été passés au moins en salle d'armes si ce n'est sur le pré ou le champ clos. Quand bien même certains coups, parades ou passes historiques sont d'une efficacité douteuse ils n'ont probablement pas été sélectionnés par hasard et ont pu fonctionner dans certaines conditions particulières.
À l'inverse donc la dimension artistique de l'escrime ne prend pas vraiment en compte le réalisme ou, du moins, accepte de s'en affranchir pour des besoins esthétiques ou de récit artistique. Mais jusqu'où cela reste-t-il de l'escrime et non de la danse avec des épées ou autre variante de ce genre ?
Le souci esthétique s'opposerait-il au souci d'historicité ? Parfois c'est le cas, certains coups historiques sont assez laids, cependant d'autres sont, au contraire, très élégants. L'antagonisme n'est donc peut-être pas là.
En fait construire une escrime d'abord esthétique suppose plutôt de privilégier l'esthétique au réalisme et à la crédibilité du combat, à privilégier des coups visuellement beaux, à privilégier la chorégraphie sur le réalisme et tant pis si dans la vraie vie le bretteur se serait fait planter par une vilaine contre-attaque bien moche au milieu de sa volte ! L'escrime historique est, quant à elle, réaliste, puisque l'on peut supposer que tous les coups enseignés ont été passés au moins en salle d'armes si ce n'est sur le pré ou le champ clos. Quand bien même certains coups, parades ou passes historiques sont d'une efficacité douteuse ils n'ont probablement pas été sélectionnés par hasard et ont pu fonctionner dans certaines conditions particulières.
À l'inverse donc la dimension artistique de l'escrime ne prend pas vraiment en compte le réalisme ou, du moins, accepte de s'en affranchir pour des besoins esthétiques ou de récit artistique. Mais jusqu'où cela reste-t-il de l'escrime et non de la danse avec des épées ou autre variante de ce genre ?
La bataille d’Ellon dans le Mac Beth de 2015 réalisé par Justin Kurzel : l’esthétisme particulière du combat est au service du récit dramatique et des visées artistiques du réalisateur
Qu'est-ce que l'escrime ?
Pour une définition de l'escrime plus large que le sport moderne il faut se référer à des dictionnaires plus anciens. Le Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales nous donne cette définition qui semble convenir :
Art de combattre à l'arme blanche (épée, fleuret, sabre, etc.); exercice par lequel on apprend à manier ou au cours duquel on manie une telle arme.
Le mot "art" ici doit s’entendre au sens ancien de talents, d'habileté et non au sens moderne (celui d'où dérive le mot "artistique"). L'escrime est donc un combat armé où chacun des protagonistes s'efforce de gagner en faisant preuve de la meilleure habileté possible. Dans le cas de l'escrime de spectacle il s'agit d'un simulacre de combat, on pourrait donc lui refuser le terme d'escrime mais nous garderons celui-ci par commodité. À tout le moins des techniques d'escrime doivent donc être utilisées dans ce simulacre de combat, du moins si l'on veut encore accepter le terme d'escrime. Mais où puiser ces techniques sinon dans le combat historique ? Dans un domaine proche, le combat au corps à corps, Jonathan Eusebio (chorégraphe de The Avengers, The expandable, 300, John Wick...) explique dans cette interview qu’il « ancre toujours sa chorégraphie dans quelque-chose de réel et d’applicable » et que « la fonction d’une technique est d’être reconnue comme quelque-chose d’efficace et de justifié dans son application ». On peut évidemment aussi inventer, inventer des techniques plus esthétiques, adaptées à son dessein. Cependant jusqu'où cela est-il encore de l'escrime, où cela devient-il autre chose ? Il y a malgré tout une certaine logique du combat à respecter, où fixer celle-ci ? Est-on encore dans le combat lorsqu'un protagoniste effectue sept attaques à la suite sans justification scénaristique (adversaire refusant le combat ou volonté de récit artistique) ? Le souci esthétique seul peut-il justifier cela ?
Une excuse pour faire n'importe quoi ?
Mon impression, celle qui a d’ailleurs présidé à la création de ce blog, est que l’excuse de faire un combat « artistique » est trop souvent utilisée pour justifier n’importe quel coup pas crédible. On dira ainsi que si l’on effectue toutes ces voltes inutiles, si, lors d’un combat à deux armes ou avec un bouclier, on attaque en rejetant en arrière l’arme secondaire, si l’on arme outrageusement ses coups, ou même, si l’on enchaîne ces mêmes coups outrageusement armés sans riposte adverse, c’est pour faire « plus esthétique », parce qu’on ne cherche pas le réalisme mais le côté artistique...
Je reste perplexe sur tout cela. Entendons-nous bien, je peux parfaitement accepter ces fioritures ou ces irréalisme si l’ensemble est cohérent. Si le combat s’inscrit hors du temps, dans une symbolique ou une ambiance particulière le style y participe complètement. Si il fait partie d’un ensemble plus important comme un film ou une pièce de théâtre il faut qu’il soit en cohérence avec : si l’ensemble est sur un ton plus réaliste alors il faudra un combat plus réaliste (donc sans tout ce que je viens de pointer), si il est comique on pourra se permettre certaines exagérations irréalistes et burlesques, si il est onirique, esthétisant, veut créer une certaine impression, alors le combat devra y être adapté.
Le spectacle" La Dame de pique" par l’école d’escrime artistique “Espada” (Russie), champions du Monde 2016, ici le côté esthétique et hors du temps est pleinement assumé et l’escrime est au service d’une chorégraphie léchée et d’un récit artistique.
Mais si l’on a des coups, des postures choisies pour leur esthétisme dans un ensemble qui se veut réaliste ou brutalement dramatique cela risque de sonner faux, voire de sembler ridicule à l’œil un minimum initié ou critique. Cela sera encore plus critiquable si l’on est dans un cadre de reconstitution historique sérieuse ou que l’on fait croire que c’est ainsi que les chevaliers/mousquetaires/pirates/courtisans se battaient !
Paradoxalement j’ai l’impression que l’inverse est moins vrai. Des coups réalistes sonneront probablement moins faux dans un ensemble irréaliste, si tant est que le jeu des escrimeurs-acteurs reste dans le ton du reste. On prend donc peut-être moins de risques à rechercher le réalisme... À méditer.
En guise de conclusion ?
L'opposition serait donc plus entre esthétisme et réalisme et lequel a priorité sur l'autre lorsqu'il y a conflit. L’important reste finalement de savoir ce que l’on veut faire, de savoir ce qui y est adapté ou non et de ne privilégier l’esthétisme sur le reste que si cela fait partie du « cahier des charges » du combat ou de l’ensemble dans lequel il s’inscrit. Dans le doute on devrait partir d’une base réaliste qu’on arrange en fonction de l’objectif. Et n'oublions pas que de nombreux coups ou enchaînements historiques ont un énorme potentiel visuel, souvent inexploité !
Pour beaucoup de troupes d'escrime artistique l'escrime semble être suffisante à elle même. Du coup on a pas besoin de raison pour se battre, ni l'affrontement de l'adversaires (certainement une mavaise compréhension de la notion "partenaires" dans ce genre de combat) or du combat tout court. De ce fait beaucoup de scènes d'escrime se résument à des chorégraphies vides de sens, à des enchaînements de coups sans logique et sans raison. Et tout ça sous le prétexte d'un esthétisme douteux ...
RépondreSupprimerL'escrime est riche, sous bien des formes, et n'est-ce pas ce qui est le plus important.
RépondreSupprimerBon week-end
Non. Bon weekend aussi
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