Dans notre pratique, notre travail technique nous pouvons être amenés à oublier pourquoi nous pratiquons l'escrime de spectacle. Pourtant un moment ou un autre, nous avons voulu faire comme Zorro, Anne Bonny, d'Artagnan, Ivanhoé, Lagertha ou tout autre héros de cinéma ou de littérature. Et nous avons appris que c'était possible simplement en s'inscrivant dans un club ou une association et en travaillant sérieusement. Dans la plupart des cas c'est l'envie de montrer des combats dans un spectacle qui nous motive, ou du moins c'est la finalité de notre travail même si nous pouvons prendre autant voire plus de plaisir à les concevoir ou à les travailler qu'à les présenter. Cette motivation ne devrait jamais être oubliée, quelles que soient les circonstances d'enseignement et, même si il est important d'enseigner des techniques d'escrime et de jeu scénique armé (mais aussi de cascade, de théâtre et d'autres encore), il ne faut pas perdre de vue cet objectif ultime, quel que soit le type d'enseignement. Cet article est là pour le rappeler.
Nota Bene : Même si il apparait sous le nom du Capitaine (qui tient la plume), il s'agit d'un article rédigé en commun avec le Baron qui, en tant que Maître d'Armes, a évidemment une meilleure expérience de l'enseignement. L'idée en a germé lors d'une conversation et vous en lisez ici la concrétisation. D'ailleurs, la plupart de mes réflexions viennent suite à nos échanges.
La mort d'Hamlet par Eugène Delacroix - 1843 |
L'enseignement sur le temps long (clubs et associations)
Il s'agit ici de la situation la plus classique en escrime de spectacle : des pratiquants sont inscrits dans une structure et viennent pratiquer une ou plusieurs fois par semaine pendant au moins une année sportive (et on espère plus). Il s'agit en principe d'amateurs mais c'est à peu près la même chose avec des professionnels. La pratique s'inscrit sur plusieurs années et tend à une formation complète.
Nous pouvons la décliner en trois axes qui vont définir de façon large les rôles d'un escrimeur scénique. Celui du technicien qui exécute les actions et les jeux scéniques demandés. De l'artiste qui sait combler avec son / ses partenaires les flous autour d'une chorégraphie et / ou être force de proposition. Du chorégraphe qui créera pour d'autre.
Il en ressort que l'enseignement technique doit constituer une part importante de la pratique, puisqu'elle sera le socle de ces rôles. Cependant, même sur une chorégraphie imposée, l'art dramaturgique ne sera pas en reste. Elle devra assez vite s'aborder ne serait-ce que pour l'aspect technico-scénique de notre art. Une mise à mort tient plus la performance scénique du " mort" que la technique l'ayant amenée. Si une salle d'armes et son Maître d'Armes ne semble pas respectivement le lieu et l'enseignant qualifiés à ce type d'enseignement, force est de constater qu'il est difficile de ne pas l'inclure à un moment donné. Ne serait ce que pour sensibiliser ses pratiquants. Ces derniers éprouveront de toute façon l'envie de mettre en pratique les techniques qu'ils ont apprises, de jouer. Certes, certains refuseront de se montrer devant un public par peur, mais cette envie de jouer, de créer sera omniprésente. Les aider à la concrétiser devient dès lors notre mission ( si on veut les garder ) tout comme celle de s'assurer que ce soit fait en sécurité.
Par l'enseignement : la pratique d'une arme, idéalement plusieurs, les notions d'escrime (sécurité, distance, temps, lignes etc.) de façon progressive et planifiée, la scène, l'alliance des deux… Autant de sujet qui peuvent et ont occupé plus d'une vie et qui amènera chaque enseignant à faire des choix. Ses choix.
Par un projet de représentation : proposer un but aux pratiquants comme au moins une représentation devant un public par an. Cela peut être pour la fête du club, les enfants d'une MJC ou plus ambitieux, vidéos, prestations rémunérés ou non, son et lumières, compétions ou rencontres d'escrime artistique… L'important demeure que nos escrimeurs aient un objectif à atteindre. Un metteur en scène avec qui nous avions travaillé déclarait que répéter pour une pièce était le meilleur apprentissage possible pour le théâtre. Il en est de même pour l'escrime. La présence du public, le fait de jouer pour lui nous pousse à mettre en œuvre tout ce que nous avons appris, lui donner du sens et ainsi nous inciter à un résultat parfait, au pire convenable.
Notons que, même dans le cadre d'une séance il est souvent très utile pédagogiquement de terminer par la création d'un petit combat où l'on met en œuvre ce que l'on vient de voir. Non seulement cela permet de mieux comprendre pourquoi on l'a vu mais cela permet de travailler la créativité et la construction de scénarios et de personnages cohérents pour les combats. Cela permet aussi d'essayer plusieurs styles pour trouver le sien. Ce qui aidera pour la suite. Ajoutons que c'est aussi tout simplement plus amusant pour les pratiquants que de répéter des techniques.
Alors évidemment l'équilibre entre enseignement technico-scénique et
création et répétition des combats que l'on va représenter est toujours
délicat à trouver dans l'organisation de l'enseignement. Mais comme ce
n'est pas l'objet de cet article nous le renvoyons à un éventuel article
ultérieur.
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Les découvertes et initiations
Pour cela, il faudra se limiter à un bagage technique réduit et laisser la part belle à la création. Il est bien plus important que ces élèves dès la première heure, parfois la seule, parfois moins, explorent la finalité scénique de notre discipline. On peut ainsi se contenter de leur enseigner que quelques cibles comme la tête qui est à la fois naturelle et spectaculaire. Il faut ensuite compte sur la pédagogie de la découverte pour qu'ils trouvent des idées. Charge à nous de les accompagner à ces moments : une attaque à la tête qui s'accompagne d'un chassé, voir (vécu) d'une proto quinte lié tierce enveloppé tierce, autant de "trouvailles" qui vont aider chaque groupe à se démarquer malgré une base on ne peut plus simple que commune. La meilleure manière de saisir, en ce temps bref, la richesse de notre art et de les faire adhérer.
Après entre proposer le premier coup et leur demander ensuite de trouver la suite. Proposer deux-trois cibles, mais leur laisser le soin de composer avec... Nous vous savons plus que capable d'établir ce qui est le mieux pour vous, votre public et votre style. Néanmoins, avec ce procédé, ils auront ainsi la fierté d'avoir présenté leur combat, unique, personnel. C'est très important en ce début de XXIe siècle où l'on s'oriente beaucoup vers le fait d'être acteur de ses propres découvertes dans le monde de la Culture ou ailleurs.
Initiation au sabre laser par Les Bretteurs de Saint-Jean dans le cadre du festival des Geeks Faëries 2019 |
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